* Les objectifs très ambitieux que sest fixés le secteur de lEnseignement privé sont-ils réalisables ? * Laccord-cadre conclu entre le gouvernement et le secteur privé est unanimement considéré comme un tournant. * Dans cet entretien, Abderrahmane Lahlou, PDG du groupe SEGPEC, nous livre ses impressions sur les perspectives du secteur à la lumière des nouvelles mesures contenues dans laccord du 7 mai 2007. Finances News Hebdo : Les volets englobés par laccord-cadre signé avec le gouvernement répondent-ils à toutes les demandes déjà faites par le secteur privé ? Abderrahmane Lahlou : Au départ, il y a un certain nombre davantages financiers et institutionnels, du type encouragement de lemploi, accès aux terrains et au financement. Puis il y a le volet de lassistance du ministère aux écoles qui se conforment aux standards de qualité. Le volet fiscal nest pas traité par cet accord, mais ailleurs il est englobé dans la question du traitement des arriérés. De manière générale, cest un pas très positif par rapport à la situation qui prévalait et qui était caractérisée par labsence de dialogue entre lEtat et le secteur privé de lenseignement. Il y avait des plaintes qui émanaient du secteur et qui dénonçaient des impositions arbitraires et abusives prises par le département des Finances sans aucune réaction du ministère de tutelle Bref, avant que le Premier ministre ne se charge du dossier, il ny avait pas de dialogue fructueux. F. N. H. : Donc, vous estimez que depuis 2003 il y a eu beaucoup de changements ? A. Lahlou : Il y a eu vraiment une grande ouverture et les deux parties ne se tournaient plus le dos. Cest vrai quà un moment il y avait eu un blocage à cause, à mon sens, de labsence dune vision globale qui émane nécessairement de la Primature et qui doit intégrer les besoins du secteur défendus par le ministère de tutelle et les besoins fiscaux de lEtat défendus par le ministère des Finances. Malheureusement, cela na pas été fait au départ et on a tenu compte des intérêts de lEtat de manière «agressive». Cest pourquoi on a commencé à mécontenter le secteur en le fiscalisant sans un statut fiscal approprié. La Primature a dû réagir à tout cela. Il faut dire que lEnseignement mérite lui aussi laccompagnement nécessaire, car sa mission est très particulière et très cruciale, à savoir la formation des ressources humaines pour le pays. F. N. H : Donc, vous vous attendez à un changement dattitude de la part des responsables ? A. Lahlou : On a peur que les autorités ne partagent pas notre vision du secteur et on a peur que la politique de la réhabilitation du public soit faite aux dépens du secteur privé qui va être laissé à son sort. Il nous semble que certains responsables pensent que le secteur privé de lEnseignement ne fait aujourdhui que du commerce. Alors que notre vision se base sur un contrôle positif, constructif, de mise à niveau de la part du ministère de tutelle, alors que le contrôle exercé actuellement est routinier et simplement pour la forme. A mon sens, et là je dis ma position personnelle, il faut que lEtat encourage le privé en le laissant occuper des domaines, des spécialités, des secteurs et des régions où il est plus performant et moins cher que lEtat. F. N. H. : Le secteur privé est moins cher que lEtat ?! A. Lahlou : Effectivement; parce que lEtat dépense une fois et demi pour un diplômé ce que nous dépensons pour former chez nous le même diplômé. Cest une certitude partout dans le monde. Dans certains secteurs, nous sommes moins chers. LEtat devrait nous appuyer, nous encourager et en même temps nous contrôler. Cest fondamental. Mais cela ne se fait pas, et on a tendance à laisser le secteur faire ce quil veut pour limposer ensuite en le considérant comme un secteur rentable. F. N. H. : Et quel est le rôle de laccord-cadre dans cette optique ? A. Lahlou : Le contrat-programme comprend un important volet dassistance technique et pédagogique, mais en réalité il napporte rien de nouveau. Cest important à dire. Quand on voit les articles de la loi-cadre, toutes les dispositions qui y sont contenues existent dans des lois antérieures. Donc, cet accord-cadre nest venu que confirmer ce qui existait déjà. Il fallait simplement activer les mesures déjà arrêtées pour que les choses puissent changer. F. N. H. : Vous parlez du secteur comme dun bloc homogène, alors que laccord prévoit que ce ne sont pas tous les établissements privés qui vont bénéficier du financement ! A. Lahlou : Effectivement, il y a des critères déligibilité au financement, mais on ne les connaît pas encore. Il y a des distinctions par département. A part la formation professionnelle dont les critères sont connus depuis 3 ans, pour lenseignement supérieur ces critères ne sont pas connus. Dans le projet de décret qui existe maintenant on a ouvert la voie de laccréditation. La commission et les règles daudit de cette accréditation ne sont pas encore connues. Mais il faudrait que ces commissions daccréditation ne soient pas une reproduction des inspections de contrôle. Mon espoir est que cet accord-cadre soit un tournant dans les mentalités. Avec cet événement-choc quest la signature de cet accord, les attitudes des pouvoirs publics changent ; et tous les objectifs fixés peuvent à ce moment-là être atteints.