Les uns senrichissent davantage pendant que les autres sappauvrissent de plus en plus. La mise en place de normes et restrictions drastiques pour contourner le démantèlement tarifaire pénalise fortement des pays comme le Maroc. Ce nest rien de plus quune grosse arnaque. Le libre-échange serait-il une escroquerie planétaire planifiée par les pays riches ? Depuis que cette théorie a été mise au-devant de la scène internationale et brandie au travers dune campagne savamment orchestrée comme une issue salvatrice à la précarité et à la misère, les pays en développement et les nations pauvres commencent de plus en plus à déchanter. Car, en définitive, les vertus et la prospérité promise à travers le libéralisme économique auront plutôt été une grosse arnaque, enrichissant davantage les uns et appauvrissant de plus en plus les autres. Pourtant, le principe du libre-échange, qui sabreuve des théories dAdam Smith et David Ricardo, postule quil est possible de parvenir à une division internationale du travail permettant denrichir mutuellement les pays qui commercent; laccroissement des échanges favorisant la croissance de chacun. Une vision que ne partagent pas les observateurs éclairés pour qui le libre-échange apparaît de plus en plus comme un impérialisme économique qui se décline souvent par lexploitation économique des anciennes colonies par lOccident, et ce à travers surtout les grosses multinationales promptes à trouver des débouchés pour leurs produits et dexploiter des matières premières à bas prix. Cest néanmoins sur cette perception du libre-échange que sappuie la mondialisation, dont les effets à long terme sont actuellement fortement contestés. Il est remarquable de constater, à cet égard, que la part de lAfrique dans le commerce mondial se situait aux alentours de 6% dans les années 50, alors quaujourdhui elle se réduit à pratiquement 2%. Conception différente Le Maroc, résolument tourné vers la modernité, a fait du libre-échange un atout majeur pour sinscrire dans la dynamique sur laquelle sinscrit léconomie mondiale, à travers notamment les nombreux accords signés avec ses partenaires. Aujourdhui, force est de constater que les pouvoirs publics semblent avoir mis la charrue avant les bufs : on a entrepris de libéraliser le commerce alors même que le processus de mise à niveau des entreprises est loin dêtre achevé et quon est devant un déficit de capitaux pour financer le crédit. Cest livrer en pâture les PME/PMI qui constituent plus de 95% du tissu productif national. Ce nest pas pour autant que les opérateurs économiques marocains rejettent toute idée de libre-échange. Favorables à lorigine à ce courant induit par les pays riches, ils prennent cependant conscience actuellement (il nest jamais trop tard pour bien faire !) que les règles du jeu doivent être redéfinies. Dans lentretien quil a bien voulu nous accorder (voir page 23), Hassan Chami, président de la CGEM, ne dit pas autre chose. Selon lui, «ces grands blocs, quand ils réagissent vis-à-vis de pays comme le nôtre, ont une tactique : «ce que vous savez faire et par lequel vous pouvez-être concurrents, on va y mettre des barrières». Exemple, pour lagriculture, ils donnent des subventions à leurs producteurs. «Ce que vous ne savez pas faire, on le libéralise (parce que cela leur profite), mais quand vous commencerez à nous concurrencer, on le protégera». Cest leur théorie. Alors, il faut savoir bien se défendre» ! Le Maroc a voulu être plus royaliste que le roi en prônant une libéralisation sans avoir mis, au préalable, les garde-fous adéquats pour ses secteurs névralgiques, au moment où ses partenaires pratiquent une libéralisation sélective et à la carte. Cela se traduit plus concrètement par linstauration de barrières non tarifaires, déclinées, entre autres, en des normes et des restrictions pour le moins contraignantes. La conception du libre-échange paraît donc différente selon que lon se trouve de lun ou lautre côté de la rive. Les politiques y réfléchissent-ils ? Le commerce international ne saurait se résumer simplement à un démantèlement tarifaire. Les politiques donnent bien souvent limpression que cette «doctrine» est actuellement la seule voie vers laccession à un niveau de développement durable. En cela, la mondialisation prônée actuellement ressemble davantage à une grosse arnaque quà une volonté de faire bénéficier avantageusement les différents protagonistes de ses effets. Quand les plus ardents défenseurs du libre-échange, notamment lUnion européenne et les USA protègent à linverse leur secteur agricole à travers les subventions, on se rend bien compte quà coups de dérogations, on est en train de vider de son sens la théorie du libre-échange. Et cela est dautant plus visible quon assiste à une mondialisation élitiste, laquelle, si elle admet (a priori) la liberté dinvestir et de commercer, restreint la libre circulation des capitaux et de la main-duvre. Dès lors, on ne peut que se référer aux propos tenus récemment par Massimo Moratti, propriétaire de lInter de Milan, fustigé par un parti xénophobe au lendemain de la victoire contre les Tchèques de Artmedia Bratislava (4-0) au motif quil ny avait aucun Italien sous le maillot de lInter jusquà lheure du jeu. Sa réponse est pour le moins percutante. «On parle toujours de mondialisation pour les marchandises, mais nous avons beaucoup de mal à en parler quand il s'agit des personnes, c'est-à-dire de penser que nous sommes citoyens d'un même monde. Je ne fais pas de différence entre mes joueurs, et je ne vois pas la nécessité de protéger l'Italien de l'étranger, surtout au niveau professionnel», a-t-il dit. Les ardents défenseurs du libre-échange, tel que conçu actuellement, ne souscrivent certainement pas à ses propos.