Boycotté par une grande partie de la société civile arabe et marocaine, le Forum pour lAvenir na pas fait la Une des médias indépendants arabes. Quant aux recommandations elles étaient en-deçà des attentes. Durant les deux jours du Forum, le Maroc a excellé sur le volet sécuritaire. En effet, le dispositif placé autour du siège du ministère des Affaires étrangères à Rabat, lieu de la rencontre, a été tellement renforcé que les membres de la cellule marocaine militant contre la tenue du Forum au Maroc nont pas pu organiser leur sit-in prévu le samedi 11 décembre en face du ministère. À signaler aussi que les badges des journalistes ont été signés personnellement par le général Hamidou Laânigri, Directeur général de la Sûreté nationale. Ces journalistes nont pas eu le droit dassister aux séances plénières du samedi, retransmises en vidéoconférence. Cette rencontre a vu la participation dune vingtaine de pays de la région du Moyen-Orient élargi et dAfrique du Nord (MOENA), ainsi que des représentants du G8. LIran a préféré sabsenter et Israël na pas été invité puisque sa présence pouvait créer des «susceptibilités» vis-à-vis de certains pays arabes. Mais, selon certains initiateurs du Forum, Israël est un Etat démocratique qui nest pas forcément concerné par les réformes proposées dans le cadre du projet du Grand Moyen-Orient (GMO). Processus de Barcelone ou GMO ? Concernant le rôle du Forum, lintervention du chef de la diplomatie française, Michel Barnier a été claire : «le Forum doit rester un espace de dialogue et non sériger en institution». Michel Barnier a également défendu laccord de partenariat qui lie lUnion Européenne aux pays arabes de la région MENA. Il faut souligner, dans ce cadre, que la majorité des aides étrangères au profit du Maroc provient de lUE et plus particulièrement de la France. La région arabe se trouve devant une multitude dinitiatives de développement sans vraiment pouvoir réaliser une relance socio-économique. Selon Colin Powell, Secrétaire dEtat américain démissionnaire, linitiative du Forum vient soutenir dautres déja lancées par certaines organisations et pays amis. Des divergences ont été ressenties entre Européens et Américains lors des débats sur les réformes économiques et politiques dans la région du MOENA. Sur le plan économique, les intervenants ont mis le point sur limportance de la lutte contre la pauvreté, limplication davantage de la femme arabe dans la vie active et la création des petites entreprises. Dans ce cadre, un fonds pour le financement des projets retenus, doté de 100 millions de dollars, sera créé. Les Etats-Unis contribueront à ce fonds à hauteur de 15 millions de dollars. Lors de la conférence de presse donnée conjointement par Mohamed Benaïssa et Colin Powell, ce denier a déclaré que les réformes dans la région arabe doivent provenir de lintérieur des pays concernés et non imposées de lextérieur. Powell est évidemment sûr de ce quil dit car son pays peut bien influencer les réformes dans la région arabe sans vraiment intervenir directement. Les exemples géorgien et ukrainien sont révélateurs à ce titre. Les Etats-Unis financent les partis de lopposition et les groupes de lobbying afin de créer des tensions et obliger les régimes en place à céder. Le responsable américain le dit dailleurs autrement : «La démocratisation est nécessaire dans la région et les réformes ne peuvent pas attendre. Elles doivent continuer, les enfants ont besoin déducation maintenant». Un changement «à laméricaine» Les participants au Forum ne se sont pas trop attardés sur le conflit en Irak et sur la Palestine. Il faut admettre, là, quil ny aura pas de réformes sans paix. En Irak, pays modèle de la région selon les Américains, tout est envisagé pour instaurer une démocratie «à laméricaine», en loccurrence violations des Droits de lHomme, pillage du pays, octroi de contrats daffaires sur la base dune obédience aux Américains... Cela laisse les Arabes sceptiques quant aux intentions réelles des Américains. Sur le volet des tensions dans la région, Michel Barnier a mis laccent sur limportance de la résolution des conflits dans la région. Dans lanalyse des problèmes du monde arabo-musulman, on a constaté deux différentes approches : lune, européenne, basée sur le processus de Barcelone, et lautre, américaine, inspirée du projet du Grand Moyen-Orient. Ce quil faut retenir de cette première édition du Forum pour lAvenir, cest que lécrasante «majorité silencieuse» du peuple arabe, premier concerné par le changement, rejette toutes propositions de réformes provenant de lextérieur, surtout celles qui touchent à son identité. Si le choc du 11 Septembre 2001 a poussé les Américains à formuler un projet relatif aux réformes politiques et économiques dans le monde arabe, mettant au centre des débats la lutte contre le terrorisme, il faut admettre que les Américains ont mal analysé lorigine du terrorisme. Le danger réel du monde daujourdhui est lunilatéralisme et légoïsme de ladministration Bush u