Etre régie pendant plus de 45 ans par un texte de loi désuet laisse certainement des séquelles dans la société marocaine. Malgré l'évolution et le progrès qu'a enregistrés cette société, le déficit en terme de lois, a causé des dysfonctionnements et des discriminations graves. Avec le nouveau code de la famille, un grand pas a été franchi dans le bon sens, mais il faut que la société puisse suivre. Nous revenons de loin avec un code de la famille « révolutionnaire » du fait qu'il vient détrôner un texte vieux de 45 ans. Mais c'est avec beaucoup de scepticisme que le citoyen accueille ce nouveau texte. En effet, il y a de quoi. Dans son intervention sur l'environnement social dans lequel est promulgué aujourd'hui le code de la famille, Mme Soumiya Naâmane Guessous a commencé par un bref rappel historique. Depuis 1958, notre société a connu beaucoup de mutations, et pourtant le texte de 58 restait le même avec en prime la carcasse d'un texte sacré alors qu'il ne l'était pas en fait. Les femmes n'étaient plus cantonnées dans les foyers, mais avaient accès au monde extérieur, au travail, aux formations tout en subissant des lois anciennes en déphasage avec le présent. L'année 93 était une date historique, celle de la première réforme du code du statut personnel ou Moudawana. Nous étions déçus certes, mais cela a contribué à désacraliser ce texte de 1958 ; puisque beaucoup croyaient qu'il était purement issu de la Chariaâ, et donc pensaient qu'y toucher, c'est toucher à l'Islam . Entre temps, il y a eu le plan d'action qui a connu beaucoup de remous. La mauvaise communication a provoqué une multitude d'interprétations de ce texte ; chaque partie l'avait interprété de la manière qui l'arrangeait le plus. Sans oublier que le gouvernement d'Alternance avait laissé tomber le plan, avant de soumettre cette question à l'arbitrage royal. Aujourd'hui, le débat sur le nouveau code de la famille mérite d'être assaini. Il faut effacer les séquelles de ces nombreuses années où la relation entre homme et femme se résumait à la confrontation et la lutte. « Donner des droits aux femmes n'est pas certainement militer contre l'homme ; ce n'est pas être l'adversaire de l'homme, mais c'est plutôt donner une égalité au niveau de la justice surtout ; alors que dans la conception actuelle, cette lutte reste perçue comme une recherche d'une liberté qui va par conséquent aboutir à une fitna qui va déstabiliser la société ». Depuis l'annonce de ce projet, comme toutes les personnes intéressées, Mme Guessous, en sa qualité de chercheur, avait posé des questions à gauche et à droite, dans les villes comme dans la campagne, pour essayer de savoir comment les Marocains et les Marocaines perçoivent ce projet de réforme. Ce dont on se rend compte à première vue est que les gens ignorent beaucoup de choses de la Moudawana. Mais avec ce nouveau code, surtout à cause de sa large médiatisation, il y a une réelle prise de conscience du citoyen qui se pose beaucoup de questions sur ce que stipule ce nouveau texte. Même si l'information est parfois biaisée, « je pense que l'essentiel est que ce code a créé un intérêt nouveau au niveau de la population et notamment auprès des jeunes ». Ceci étant, une large frange de la société a vite tiré des conclusions (erronées) concernant ce code. Beaucoup pensent, par méconnaissance, que les hommes n'accepteraient plus de se marier par exemple. Il existe également une grande confusion entre la loi et l'aspect religieux ; et là, c'est au tour des Oulémas, selon Mme Guessous, de travailler et d'expliquer aux gens où s'arrête le Religieux et où commence le Social. Un long travail reste à faire auprès des citoyens marocains pour qu'ils assimilent mieux l'intérêt de ce code et son importance pour eux et pour la société.