A peine remis des frais, de la rentrée scolaire et des dépenses liées au mois sacré, le consommateur marocain était au rendez-vous avec un autre évènement qui rythme sa vie de musulman : Aïd Al Fitr qui célèbre la fin du Ramadan. Ceci implique d'autres dépenses qui viennent s'ajouter à la liste. En effet, les Marocains accueillent cette fête avec une nouvelle garde-robe, de nouveaux bijoux, etc. Ceux qui n'ont pas eu le temps de faire leurs achats plutôt doivent supporter la flambée des prix. Les deux derniers jours du Ramadan enregistrent une activité commerciale intense. Les Marocains, quel que soit leur niveau social, célèbrent Aïd Al Fitr en s'achetant de nouveaux habits pour « commencer une nouvelle page de leurs vies après un mois de piété et d'expiations des fautes et péchés ». C'est l'occasion rêvée pour beaucoup de marchands, sans scrupule, d'en profiter pour hausser les prix et écouler leurs marchandises sans être inquiétés par les contrôles. D'ailleurs, certains articles en vente ont vu leur prix passer du simple ou double. Le consommateur, cerné par le temps, se voit contraint de débourser des sommes supérieures à la valeur des articles achetés. Ainsi, pensant faire de bonnes affaires, beaucoup de personnes se dirigent vers les boutiques bon marché des Médinas. Or, dans ces boutiques, les prix changent selon « la tête » du client et selon qu'il soit accompagné ou pas. Pour un vendeur de la Médina de Rabat, « quand c'est un homme qui vient acheter des habits pour sa femme, et surtout si cette dernière l'accompagne, il n'ose pas marchander. Mais s'il est seul et que le prix ne lui convient pas, il va chercher ailleurs ». Les vendeurs redoutent plus les femmes : « elles marchandent trop et elles partent souvent sans avoir rien acheté », affirme ce jeune vendeur. Et pourtant, ces vendeurs n'hésitent pas à réclamer des prix exagérés pour des habits qui ne le valent pas, surtout lorsque ces femmes sont accompagnées de leurs enfants. En général, quand un petit ou un adolescent aime un article, le vendeur en profite pour imposer à la mère le prix qui lui chante. L'ironie est que lorsqu'un client veut marchander, les vendeurs se targuent d'avoir des prix fixes. En plus des prix excessifs, les retardataires doivent faire face au mauvais services. Si dans les grandes surfaces les clients ont droit, en général, à un bon accueil, dans les médinas, ils doivent supporter la mauvaise humeur des vendeurs. Ceci s'explique par le nombre important de clients qui prennent d'assaut les petites boutiques qui sont tenues par un ou deux vendeurs seulement : « Je dois servir deux à trois clients en même temps et surveiller la caisse. Je dois rester vigilant et cela peut déranger les clients, et je souffre beaucoup des voleurs qui s'immiscent parmi les clients ». La formule « le client est roi » n'est pas en vigueur ici. Même chose dans les boutiques pour chaussures. Si dans les grandes surfaces les prix sont bien affichés, dans les boutiques de la Médina de Rabat, à « souk Sebbat », les chaussures ne portent pas sur elles de prix. « Les vendeurs sont impitoyables et insensibles à l'égard des clients. Pourtant, je suis obligée d'acheter ces chaussures, car je n'ai plus de temps de chercher ailleurs », nous explique cette femme d'un air abattu et peu convaincu de la qualité de la paire de chaussures qu'elle a entre les mains. En effet, la période des achats et des préparatifs pour l'Aïd survenant en fin de mois, la plupart des fonctionnaires et salariés n'ont pas encore touché leur paie. Cela ne les a pas pour autant empêchés d'envahir les boutiques, et malgré toutes ces outrances, ils finissent par ravaler leur indignation. Ont-ils vraiment le choix ? D'autres acheteurs, plus malins, préfèrent aller dans les grandes surface. Les rayons mieux rangés et surtout pratiquant des prix fixes, ces surfaces proposent également des soldes pour des occasions pareilles afin d'attirer plus de clients. L'autre avantage que présentent quelques une de ces surfaces est que les stocks sont tout le temps alimentés pour qu'il n'y ait pas de rupture. Ainsi, les retardataires peuvent faire leur choix entre les différents modèles sans avoir à se contenter de ce qu'il y a seulement. « Je suis sûr qu'ici je ne me ferai pas arnaquer, avec le service en prime », avance cet adolescent. La politique de cette grande surface de la ville de Casablanca est simple, des modèles branchés, des prix fixes et un bon service. Selon le gérant, il s'agirait pour eux de proposer des produits de qualité à des prix raisonnables. « Les gens à revenu moyen peuvent trouver des articles très tendances à un prix accessible », souligne-t-il. Mais il ne cache pas que les affaires ne marchent pas très fort malgré cette période où il est censé faire un bon chiffre d'affaires. « Les gens sont persuadés qu'ils feront de bonnes affaires en allant acheter à Qryaâ ou Derb Ghallef. Or, ici ils sont au moins sûrs de faire les boutiques en toute sécurité ». A Qryaâ, et à quelques jours de l'Aïd, les boutiques étaient archi-combles. Connu pour ses prix chocs, Qryaâ est la destination des Casablancais désireux de conclure de bonnes affaires. Mais là aussi, les prix connaissent une légère hausse les derniers jours du mois sacré. Motif : les articles sont de plus en plus rares à trouver et la demande dépasse l'offre... Beaucoup rentrent chez eux bredouilles ! Un phénomène récent et qui intéresse particulièrement les Marocains désireux de s'acheter des articles « particuliers » : les foires et expositions étrangères. Avant et après le ftour, des exposants venus d'Orient et d'Asie se félicitent du succès que connaissent leurs produits auprès du public marocain. Certains ont même épuisé tout leurs stocks et plié bagage. Dernière destination dans ce reportage, les bijouteries. Là aussi, il fallait faire la file indienne avant d'être servi. Après le mois sacré, beaucoup de cérémonies et de mariages sont prévus. Une femme nous explique également que la coutume veut qu'un homme offre à son épouse un bijou qui a de la valeur pour célébrer leur premier Aïd ensemble. Du coup, le prix de l'or grimpe et les bijoutiers, beaucoup plus organisés que les autres marchands, expliquent cette hausse par le fait que leurs fournisseurs cherchent également à élargir leur marge de bénéfice. Bref, cette période essouffle le portefeuille des Marocains. Pour boucler la boucle, certains pensent déjà s'acheter un mouton pour la « fête du sacrifice ». Comme quoi, on n'en finira jamais !