Au sein de la médiathèque de lInstitut Français de Casablanca, une rencontre à deux voix sest tenue entre J.P.Faye et J.L. Thébaud autour du thème « La Grèce et lIslam ». Une autre occasion pour débattre de ce thème classique de lhistoire de la philosophie islamique. Lintitulé de la rencontre renvoie en effet respectivement à une entité géographique quest la Grèce et une entité religieuse quest lIslam. La fascination exercée par la première sur la seconde a marqué lhistoire de la philosophie. Aristote était devenu en effet « le premier maître ». La logique aristotélicienne est parvenue par conséquent à pénétrer tous les domaines : la grammaire, le fiqh et la philosophie, au point que le grand Ibn Rochd était plus connu en Espagne et ensuite en Europe comme « El commentator » (le commentateur dAristote). Le maître dAristote, qui nest autre que Platon, na pas eu le même succès ou « audience » parmi les illuminés arabes et musulmans. En fait, cétait un grand problème relatif à la traduction de certains passages de lauteur de « La république » et sa fameuse cité idéale qui étaient à lorigine de la méfiance des philosophes musulmans, soucieux de réconcilier la « loi » et la « foi ». Jean-Pierre Faye, qui est une figure majeure de la vie intellectuelle française, a toujours insisté sur le fait que « le mot métaphysique se serait perdu sans le relais des Arabes ». Lauteur de « La raison narrative » étudie le voyage des mots dans le temps et dans lespace ainsi que les métamorphoses quils subissent, constituant une approche intéressante des relations interculturelles, de nature à dissiper bien des malentendus ». Et les malentendus « historiques », il y en a plusieurs dans les diverses interprétations qui ont été faites en Occident concernant la philosophie islamique. Cest en fait leffort de concilier la vérité divine avec les vérités naturelles qui a constitué la singularité et la spécificité de la réflexion philosophique des Musulmans. Cet effet a permis à certains dentre eux, comme Al Farabi, daffirmer avec Platon que « Dieu est le Bien » comme la affirmé le philosophe athénien. En effet, la grille des valeurs du monde hellénique placent le « Bien » et le « Bonheur » éternel comme deux aspirations humaines qui défilent à travers les siècles pour se dessiner comme le but de la création. Ces idées, proches de la logique monothéiste, ont évidemment facilité linfluence des approches de Platon et surtout dAristote sur les philosophes arabo-musulmans. Cest dans ce sens que Jean Loup Thébaud a expliqué que « Al Farabi nest pas seulement le passeur de Platon, mais aussi un interprète qui lui a ajouté une coloration particulière ». Cette position intellectuelle défie toutes les tendances qui ôtent la marque islamique apportée à lhéritage vivant de la philosophie grecque.