Même si la Loi de Finances 2016 a comblé le vide fiscal du Mourabaha et de l'Ijara, beaucoup reste à faire pour la fiscalité des produits halal. Le point avec Abderrafi El Maataoui, consultant en finance participative et en finance de marché. Finances News Hebdo : Quelle serait l'approche idoine de la fiscalité envers la finance participative qui est encore à l'état embryonnaire au Maroc ? Abderrafi El Maataoui : ll serait tautologique de préciser que la fiscalité des produits participatifs est un facteur clé pour la réussite des futures banques participatives. A ce titre, une approche intégrée tenant compte des spécificités de cette nouvelle industrie bancaire s'avère une nécessité impérieuse. La finalité est de satisfaire, en dualité concomitante, deux objectifs majeurs : le respect de la neutralité fiscale par rapport aux produits bancaires conventionnels, et le respect des impacts fiscaux des règles Sharia. Cette approche fiscale, à la fois dualiste et intégrée, pourrait de préférence être conceptualisée dès le départ en approche horizontale, autour de tous les produits prévus par la réglementation bancaire, et qui seront commercialisés par les banques participatives (Mourabaha, Ijara, Mousharaka, Moudaraba, Salam et Istisnaa). Une autre alternative verticale serait de s'attaquer, en premier et de manière complète, aux deux produits-phares, à savoir la Mourabaha et Ijara, en prenant en compte toutes les spécificités structurelles de ces deux produits. F.N.H. : La Loi de Finances 2016 a permis de moins pénaliser deux produits participatifs que sont l'Ijara Mountahia Bitamlik (IMB) et le Mourabaha en les alignant sur la fiscalité des produits bancaires conventionnels. Que vous inspire cette mesure et ne faudrait-il pas aller encore plus loin afin de les promouvoir davantage ? A. E. M. : Effectivement, la Loi de Finances 2016 a permis de combler un vide fiscal au niveau des deux produits Mourabaha et Ijara, lesquels sont appelés à être l'ossature commerciale des futures banques participatives durant les premières années de lancement. Pour compléter les schémas fiscaux existants relatifs à ces deux produits, s'atteler aux points particuliers est nécessaire en 2017 et devient une vraie attente. A titre d'exemple, le régime fiscal actuel de la Mourabaha ne traite pas encore de points cruciaux comme : - Le mode d'étalement de la marge commerciale (lissage linéaire sur la durée du contrat, ou selon l'échéancier contractuel); - Le traitement fiscal des pénalités de retard qui seraient collectées par les banques participatives et reversées en dons à des œuvres caritatives externes; - Le traitement fiscal des résiliations des contrats Mourabaha avant le terme (cas des remboursements anticipés des clients); - Le régime de récupération de la TVA sur achat par la banque; - Le traitement fiscal du montant de «Hamish Al Jidiya» versé par le client à la banque au niveau de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. De même, le régime fiscal du produit Ijara gagnerait à être complété. En exemple, les points particuliers à traiter sont : - Le régime fiscal des loyers; - Le régime fiscal de transfert de propriété par la banque propriétaire au client en Ijara Mountahia Bitamlik (IMB); - Le régime fiscal de détention des biens par la banque durant la période de location au regard des taxes locales. Ces exemples, parmi tant d'autres, devraient être précisés avant le lancement effectif des banques participatives, afin de permettre de préciser les schémas fiscaux, déterminer leur impact sur le «pricing» commercial des produits, et compléter la cartographie des risques spécifiques y afférents. F.N.H. : Que prévoit le projet de la Loi de Finances 2017 en matière de fiscalité, notamment pour les produits participatifs Musharaka et Moudaraba, deux leviers de financement majeurs pour les entreprises ? A. E. M. : La Loi de Finances 2017 ne traite pas de la fiscalité des banques participatives. Le manque de visibilité qui régnait en 2016 sur l'échéancier de sortie des banques participatives en est la raison principale. Aujourd'hui que les agréments officiels sont connus et la feuille de route précisée, l'ordre du jour devrait parfaire la réglementation fiscale des produits participatifs. Le cadre fiscal devrait également préciser le traitement des comptes d'investissement gérés par la banque sous forme de contrat «Moudaraba» (partage des rémunérations entre les banques et les déposants, constitution des réserves de péréquation et de couverture des risques de marché,...) F.N.H. : Enfin, en l'état actuel des choses, notamment au niveau de la fiscalité, quel est le message véhiculé par les pouvoirs publics concernant la finance halal ? Et quel est le rôle des professionnels pour limiter la distorsion fiscale qui pénalise cette activité ? A. E. M. : Les pouvoirs publics attachent une importance primordiale à l'alignement fiscal entre les produits bancaires conventionnels et participatifs. Ce principe de neutralité est à la base de la réglementation partielle déjà existante au niveau des deux produits Mourabaha et Ijara. Cette vision serait à compléter par la prise en compte des spécificités structurelles des produits participatifs issus de la Sharia. A ce titre, le rôle des professionnels et des spécialistes est de constituer une sorte de réservoir d'idées techniques organisé en «think tank», assurant des propositions et des recommandations utiles aidant à améliorer les conditions de démarrage des futures banques participatives.