L'Association des utilisateurs des systèmes d'information au Maroc (Ausim) organisait les 26 et 28 octobre dernier la quatrième édition de ses Assises à Marrakech sous la thématique «La data au cœur de la transformation numérique». Pourquoi cette problématique s'invite-t-elle naturellement dans les débats des décideurs au Maroc ? Les mégadonnées, ou le Big Data pour les puristes, s'invitent naturellement dans les débats des décideurs marocains pour deux raisons : le digital apporte foncièrement une plus grande quantité d'informations à traiter et à exploiter et, deuxièmement, certains acteurs économiques ou publics ont atteint une taille critique en termes d'informations, ouvrant la voie vers une autre strate d'analyse de données, avec à la clé une efficacité accrue des process. Et c'est justement cela le rôle du Big Data : traiter un nombre important d'informations dans le but de dégager des tendances, des projections, des habitudes ou des risques, à partir de données brutes à l'apparence inexploitables. «Il faut dire qu'au Maroc, certains grands opérateurs, notamment dans le secteur financier et banquier, ont déjà franchi le pas de la transformation digitale. Les analyses réalisées par rapport aux tendances et aux facteurs qu'ils peuvent transformer afin d'améliorer le rendement, ont produit l'effet escompté», explique Mohamed Saad, président de l'Ausim, à l'occasion de cette rencontre qui a réuni plus de 500 participants du Maroc et d'Afrique. Au passage, la particularité de cette association est qu'elle réunit parmi ses membres les donneurs d'ordres (entreprises publiques et privées, institutionnels etc.) et les responsables des systèmes d'information qui travaillent pour ces donneurs d'ordres. Une sorte de syndicat qui permet de démultiplier la force de frappe des propositions. Le secteur bancaire, l'un des premiers à se lancer dans le Big Data L'un des domaines dans lesquels les banques utilisent le Big Data est la lutte contre la fraude. En effet, le chiffre d'affaires global de cette industrie est estimé à 50 milliards de dollars en 2019. D'ailleurs, Ahmed Rahhou, PDG de CIH Bank, a annoncé la stratégie de la banque lors de son intervention aux Assises de l'Ausim. «L'idée pour nous est d'exploiter un flux important de données utilisateurs pour ressortir avec des tendances et de potentiels risques cachés, selon le principe de la théorie des «signaux faibles», annonce-t-il. Cette théorie est prisée par les ingénieurs, notamment dans le milieu des télécoms. «Il y a des entreprises internationales dont la spécialité est de mettre en place des logiciels adaptés. Notre objectif est de gérer de manière proactive toutes les catégories de risques à travers ces applications. Une autre utilisation du Big Data consiste à dégager des tendances dans les comportements des utilisateurs pour répondre au mieux à leurs besoins», a expliqué Rahhou. Enfin, l'autre utilisation est de détecter des tentatives de fraude dans une optique préventive. «La technologie permet de passer du curatif au préventif en matière de risques et de fraudes», souligne le PDG de CIH Bank qui a par ailleurs annoncé que le temps où la banque avait le pouvoir sur le consommateur du fait qu'elle détient des données sensibles est révolu. «Il faut restituer l'information au client et la rendre disponible rapidement et à moindre coût, si ce n'est gratuitement, et bâtir la force de la banque sur des services à plus forte valeur ajoutée. Notre démarche s'inscrit dans ce sens», a annoncé Rahhou. CIH Bank devient ainsi la première banque marocaine à annoncer officiellement une stratégie et des intentions dans le Big Data. Vers un écosystème dédié Les facteurs clés du succès permettant de mettre en place une politique Data sont nombreux. Tout d'abord, il est fondamental de mettre à niveau le système d'éducation et d'enseignement afin de l'orienter vers l'utilisation de l'ensemble des données produites. Il est également nécessaire que les cursus universitaires soient orientés vers le Data et les outils d'analyse pour former les profils tels que les «Data Scientists», les «Chief Data Officer» et les «Data Architect». «Enfin, le domaine des technologies de l'Information doit adopter une approche sectorielle», réclame le président de l'Ausim. «Maroc Numéric 2013 a été une première étape et le Maroc est en phase de lancer Maroc Numéric 2020. Cette politique doit être menée par une entité dédiée qui doit jouer un rôle fédérateur en termes de partage, de retour sur expérience, de contrôle, de maîtrise et de retour sur investissements», recommande-t-il. Le Big Data, en soi, va être une grosse industrie et le pays doit en saisir l'opportunité. Ailleurs, à travers le monde, il a fallu que des hôpitaux, des administrations et des entreprises rendent publiques leurs bases de données après les avoir rendues anonymes, pour que des start-up se créent, se développent, créent de la valeur et de l'emploi en exploitant ces données et en les monétisant à des fins utiles, voire nobles. A. Hlimi Des frottements avec la protection des données personnelles ? La question a été longuement soulignée et discutée lors des Assises de l'Ausim. Le Big Data et l'Open Data seraient-ils en contradiction avec la notion de protection de données personnelles ? Les professionnels sont unanimes à ce sujet. Il faut rendre les données anonymes en supprimant tout ce qui peut permettre d'identifier clairement un client, un patient ou tout simplement un citoyen avant d'exploiter ces données. D'ailleurs, dans beaucoup de pays, le Big Data est utilisé dans le domaine de la médecine, alors que le secret médical est bien plus protégé que le secret bancaire dans beaucoup de législations.