Le secteur de l'aéronautique du Maroc va connaître un doublement de sa taille à l'horizon 2020 : 1 milliard de dollars à l'export supplémentaires annuellement, 120 fournisseurs de plus et 8.700 nouveaux emplois spécialisés. La création de l'écosystème Boeing au Maroc fait entrer le secteur aéronautique national dans une nouvelle dimension. C'était le secret le mieux gardé de 2016. Durant toute la période des tractations entre Moulay Hafid Elalamy, ministre de l'Industrie, et Boeing, ponctuées de va-et-vient incessants entre Rabat et Seattle, siège de l'avionneur américain, rien, pas un détail n'aura filtré, jusqu'à l'annonce, en grande pompe la semaine dernière, de la signature entre l'Etat marocain et Boeing du deal qui va changer la face de l'Industrie aéronautique nationale. Des tractations qui ont d'ailleurs bénéficié du soutien inconditionnel du Roi Mohammed VI, preuve que le Souverain accorde une attention toute particulière à l'industrialisation du Royaume, comme le confie MHE : «Sa Majesté a piloté lui-même toutes les étapes de la réalisation de cet accord». Le deal en question, qui a suscité l'admiration de la presse étrangère et notamment américaine, consiste à structurer un écosystème formé de fournisseurs, et à organiser une plateforme de sourcing basée au Maroc. D'ici 4 à 5 ans (peut-être moins selon le ministre), cet écosystème devrait atteindre un chiffre d'affaires supplémentaire à l'export de 1 milliard de dollars annuellement. Il ne s'agit ni plus ni moins que d'un doublement de la taille du secteur au Maroc. Le deal entraînera également l'installation au Maroc de 120 fournisseurs de Boeing d'ici 2020, et aura d'importantes retombées sur l'emploi, puisque quelque 8.700 nouveaux emplois spécialisés seront créés dans la foulée. La composante ressource humaine fera d'ailleurs l'objet d'une attention particulière dans la mesure où des programmes de formation dédiés, spécialement conçus par Boeing, seront implémentés. Pas de compensation industrielle L'un des points forts de cet écosystème est que c'est un contrat exclusivement industriel, comme le martèle MHE. C'est en effet la première fois que le numéro un mondial de l'aéronautique signe un partenariat avec un pays qui n'entre pas dans le cadre de la compensation industrielle. En d'autres termes, ce deal ne dépend aucunement de l'achat par la RAM d'appareils Boeing. Mieux encore, il ne comporterait pas de «cadeaux» supplémentaires pour convaincre Boeing d'installer un écosystème au Maroc, autres que ceux contenus dans le Plan d'accélération industrielle et la Charte d'investissement. Qu'est-ce qui a alors poussé le géant américain à choisir le Maroc parmi toutes les destinations concurrentes, comme la Tunisie et la Turquie ? Tout d'abord, Boeing ne débarque pas en terrain inconnu. Cela fait près de 15 ans que l'avionneur américain est présent dans la région de Casablanca à travers Matis, une usine commune avec le français Safran et la Royal Air Maroc. «A travers notre entreprise commune à Casablanca, nous avons déjà pu constater les opportunités uniques offertes par le Maroc aux sous-traitants de l'aéronautique pour réduire leurs coûts, tout en fabriquant des produits aéronautiques de grande qualité», affirme à ce propos Raymond Conner, président de Boeing Commercial Airplanes. Et d'ajouter : «Cet accord témoigne de la vision de SM le Roi et de la collaboration du gouvernement marocain avec Boeing afin d'orchestrer ce partenariat gagnant pour l'avenir». Au-delà de cette connaissance du terrain, Boeing a choisi le Maroc pour ses nombreux avantages compétitifs. La stabilité et la sécurité dont jouit le Royaume, qui fait figure d'exception dans une région en proie à l'instabilité, ont bien entendu joué un rôle décisif dans la décision de Boeing. «Stabilité et sécurité sont les mots clés de cette confiance envers le Maroc. Boeing a externalisé avec des gens sérieux», souligne le ministre de l'Industrie. S'ajoutent à cela un environnement des affaires favorable, des infrastructures de qualité qui renforcent l'attractivité du Maroc aux yeux des investisseurs étrangers, et l'existence d'une vision stratégique qui donne désormais de la visibilité aux opérateurs en quête de compétitivité. A.E Dans la cour des grands L'enjeu de ce super-deal est de taille pour les deux parties. Du côté de l'avionneur américain, il doit permettre de répondre à une montée de la demande, dans un marché aéronautique mondial qui ne connaît pas la crise : le besoin atteindra 40.000 avions pour les 20 prochaines années pour une valeur avoisinant les 6.000 milliards de dollars ! «Leur problématique est qu'il y a beaucoup de travail, mais ils ne peuvent pas en assurer la livraison. Le Maroc peut répondre à leur attente, la qualification et la compétitivité sont au rendez-vous», assure MHE. Côté marocain, ce deal ne pouvait pas mieux tomber. Le secteur de l'aéronautique fait déjà partie depuis quelques années déjà des métiers mondiaux du Maroc et connaît un dynamisme soutenu. Quatre écosystèmes ont déjà été lancés dans des filières aéronautiques. En 10 ans, le secteur a été multiplié par 6 et se classe au 15ème rang pour les investissements aéronautiques. Mais avec cet «écosystème locomotive», le secteur va changer de dimension et faire son entrée dans la cour des grands. L'ambition du Royaume de devenir une plateforme de rang mondial est désormais une réalité. En effet, avec l'installation de 120 usines nouvelles, fournisseurs de rang 1 et 2, l'industrie aéronautique s'engage vers davantage d'intégration locale et vers le développement de compétences de plus en plus complexes qui faisait jusqu'alors défaut au Maroc, à l'image de ce qui a été fait au niveau du secteur automobile. En attendant Airbus, peut-être. «Les discussions se poursuivent» avec le numéro deux mondial de l'aéronautique, assure MHE.