* Cette loi, aussi ambitieuse dans ses cinq titres et 34 articles, met en évidence un certain nombre dinterrogations que le projet de texte na pas pu régler. * Lappel à la concurrence devient une règle et le gré à gré une exception. Par le biais de la loi n°54-05 relative à la gestion déléguée des services publics, le législateur marocain a renforcé son arsenal juridique en matière de passation et dexécution des contrats publics dans le domaine particulier de la gestion déléguée des services publics. À rappeler quavant ladite loi, le cadre juridique marocain demeurait quasi inexistant. Les rares dispositions en la matière étaient, pour la plupart, fort anciennes et se caractérisaient par leur extrême rigidité et une grande fragmentation. Elles étaient, en outre, peu protectrices des intérêts des investisseurs. Mais cela na pas empêché plusieurs contrats de gestion déléguée de voir le jour. Cette loi se veut une réponse aux obstacles que rencontrent les investisseurs tant nationaux quinternationaux dans le domaine de la concession. Les pouvoirs publics marocains ont ainsi voulu donner une visibilité et une sécurité aux investisseurs nationaux et étrangers intéressés à la gestion déléguée. «Cette loi a pour ambition de régir, sans les distinguer, les contrats de délégation de service public et de partenariat, en définissant un régime global destiné à encadrer leur passation, leur exécution puis leur extinction». En effet, bien que le législateur se soit inspiré de la loi française afin déviter les écueils auxquels elle sest heurtée, des points demeurent en suspension. Un problème de définition Nombreuses sont les sociétés de gestion déléguée qui ont vu le jour avant la naissance de la loi 54-04. Elles ont certainement obéi à une logique autre que celle véhiculée par la loi. Aujourdhui, on sinterroge sur le devenir de ces sociétés. Est-ce quil existe un projet relatif à leur mise à niveau conformément à cette nouvelle loi censée protéger les investisseurs ? Cette mise à niveau savère judicieuse dautant plus quau stade même de la définition, des limites apparaissent. En effet, au sens de larticle 2 de la loi n° 54-04, la gestion dun service public est définie comme «un contrat par lequel une personne morale de droit public, dénommée «délégant», délègue pour une durée limitée, la gestion dun service public dont elle a la responsabilité à une personne morale de droit public ou privé, dénommée «délégataire » en lui reconnaissant le droit de percevoir une rémunération sur les usagers et/ou de réaliser des bénéfices sur ladite gestion». Cette rémunération sur les usagers suscite des interrogations lorsquon pense au cas de Sita qui assure la gestion des déchets publics et qui ne perçoit en aucune manière des rémunérations des usagers. Ces derniers paient, certes, une taxe dédilité que le délégataire perçoit de la commune. Le cas de Sita et de bien dautres peut toujours prêter à discussion. Lautre élément important de la loi est larticle 2 qui annonce que la qualification de délégation de service public est subordonnée à ce quune activité de service public (et non une partie seulement) soit dévolue à une personne publique ou privée. Il en résulte quen labsence de véritable transfert de gestion dun service public, le contrat ne saurait être qualifié de délégation de service. Ainsi, lorsque le cocontractant nexerce quune mission limitée, il ne sagirait pas dune véritable délégation de service public. La fin du gré à gré En effet, si la loi française a bien mis en exergue la différence entre le marché public et la gestion déléguée de service public, la réalité est tout autre dans la loi marocaine. La différence se lit entre les lignes lorsquon reconnaît que la rémunération du cocontractant provient des usagers ou de la possibilité de réaliser des bénéfices et non du versement dun prix par ladministration. Une incertitude pourrait ainsi naître quant à lidentification du critère devant ultérieurement permettre de distinguer le marché public de la délégation de service public. Elle paraîtrait lorsque le cocontractant de la personne publique bénéficiera dune rémunération mixte, provenant tout à la fois dun prix directement payé par la personne physique (marché public) et du produit des résultats de sa gestion auprès des usagers du service (délégation de service public). Le législateur marocain soumet désormais à une procédure de publicité et de mise en concurrence préalable obligatoire la passation des contrats de délégation de service public. Cette volonté est dictée par le souci de rationaliser au maximum les délégations de service public. Toutefois, il est à rappeler quavant ce projet, les délégations de service public ne devaient pas obligatoirement faire lobjet dune telle procédure. Cest par le biais de la procédure de gré à gré que la Communauté urbaine de Casablanca a pu conclure un contrat de gestion déléguée des services de leau avec la Lydec. Aujourdhui, lappel à la concurrence devient la règle et lattribution, lexception. Lappel à la concurrence permet ainsi décarter les candidatures des sociétés en liquidation ou en redressement judiciaire, ce qui permet dassurer la continuité des services publics délégués. Avec la loi 54-04, les concessionnaires ouvrent une nouvelle page de transparence et de bonne visibilité, mais encore faut-il régler ces petits détails.