«Pouvoirs politiques et finances publiques : quels enjeux ?». Ce thème de la dixième édition du Colloque international des finances publiques n'est pas fortuit. Face à une multitude d'acteurs politiques (Exécutif et Parlement), la protection du Budget contre les excès et abus, résultant d'une divergence d'opinions, s'avère importante. Le point avec le trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda. Finances News Hebdo: Nous sommes aujourd'hui à la dixième édition du Colloque international des finances publiques. Les précédentes se sont soldées par des réflexions et des recommandations. Ceci étant et chemin faisant, quelle est la portée de ce colloque en termes de soutenabilité des finances publiques ? Noureddine Bensouda: Comme vous le savez, ces éditions font généralement l'objet de publications chaque année, avec les interventions de tous les participants. Cette richesse intellectuelle et scientifique participe à l'amélioration de la connaissance en matière de finances publiques dans différents domaines, que ce soit le fiscal, le budgétaire, le public ou le monétaire. Et ce sont ces réflexions, généralement assez riches, qui permettent de voir quelles sont les évolutions des finances publiques à travers le monde, et en même temps, de puiser là-dedans pour découvrir les meilleures pratiques. Comme je l'ai expliqué dans mon intervention, il y a des recommandations du Fonds monétaire international, de l'OCDE... tout cela participe à l'amélioration de la gouvernance des finances publiques et, en même temps, de prendre en considération l'évolution de notre société qui est ouverte sur l'international, une société du numérique, de nouveaux concepts, de nouvelles manières de voir les choses... C'est pour cela que les finances publiques doivent s'adapter à cette évolution et essayer de travailler en temps réel, parce que la gestion du temps est fondamentale dans la gestion des finances publiques. F.N.H.: Les finances publiques font intervenir plusieurs acteurs politiques dont les intérêts sont fortement divergents. Dans ces conditions, comment agir pour justement protéger le Budget contre les excès des politiques et, surtout, veiller à la préservation des équilibres macroéconomiques ? N. B.: Les pouvoirs politiques reflètent toutes les discussions qui sont au sein de la société. Il est donc tout à fait normal qu'au niveau du Parlement, il y ait une remontée des demandes sociales, une synthèse, voire un arbitrage qui se fait au niveau du Parlement, et en négociation avec le gouvernement, pour voir qu'est-ce qui converge ou qu'est-ce qui participe à l'intérêt général, et qui peut également satisfaire quelques intérêts catégoriels ou sectoriels. Ce qui est tout à fait normal parce que le gouvernement et le Parlement veulent parfois encourager un secteur d'activité plutôt qu'un autre. Tout cela est important parce que d'un côté, il faut veiller sur l'intérêt général, et de l'autre, accorder pendant une période déterminée quelques incitations à certains secteurs économiques. Ce sont des choix économiques et sociaux tout à fait naturels. Mais cela ne nous empêche pas de dire que l'Exécutif prédomine encore. Une situation qui n'est pas propre au Maroc. Elle a été relevée depuis longtemps dans plusieurs pays, et notamment au niveau du système politique britannique, où le gouvernement possède au sein du Parlement une majorité qui retire aux Chambres toute indépendance et, de ce fait, toute efficacité dans leur rôle de surveillance à l'endroit des dépenses de l'Exécutif. F.N.H.: Comme nous le savons tous, la Loi organique des finances se traduit par des éléments positifs en matière de contrôle, d'évaluation des résultats et de performance. Jusqu'à quel degré pouvons-nous croire à ses vertus si l'on prend en considération une loi de règlement qui n'a jamais été respectée dans son délai et à laquelle l'on accorde peu d'importance ? N. B.: La Loi organique des finances a apporté un plus, à savoir les principes du nouveau management du privé. Il s'agit à peu près des mêmes réflexes, des mêmes mécanismes et des mêmes instruments qui sont bien entendu adaptés au public. L'objectif est bien sûr de chercher la performance, la transparence à travers la gestion de la comptabilité. Il s'agit en effet d'une convergence entre le monde public et celui privé. F.N.H.: Mais est-ce que nous pouvons dire aujourd'hui que le secteur public est bien outillé pour être au diapason du privé et contribuer à la transparence et à la performance de la dépense publique ? N. B.: Le secteur public utilise de plus en plus les outils du privé tout en les adaptant à des réalités. Contrairement au secteur privé qui recherche les bénéfices, le service public doit être assuré quel que soit l'emplacement... Ce ne sont donc pas les mêmes principes, mais en termes de gouvernance ou de gestion, ce sont les mêmes principes qui sont utilisés.