Le taux de couverture des dépenses du Budget général par les recettes ordinaires s'amenuise. Un pilotage des finances publiques s'impose à plus d'un titre. Noureddine Bensouda, trésorier général du Royaume, nous éclaire sur le «modus operandi» pour orienter le système des finances publiques vers une logique de performance. Finances News Hebdo : Nous sommes aujourd'hui à la 7ème édition du colloque sur les finances publiques. Concrètement, comment se sont traduites les recommandations des précédentes éditions et quelle est la particularité de la présente édition ? Noureddine Bensouda : Cette 7ème édition sur les finances publiques a pour but d'avoir des échanges avec des experts, des politiques, des députés, des universitaires et les représentants du monde économique sur les questions fondamentales relatives aux finances publiques. Il s'agit de voir, d'abord, quelle est la stratégie dans ce domaine, et surtout de mettre en place le côté opérationnel, le côté pilotage de ces réformes avec les instruments et les outils de gestion. Le plus important est de mettre en oeuvre rapidement ces réformes en vue d'avoir une soutenabilité durable de nos finances publiques, parce que les dépenses du budget général ont atteint un niveau qui dépasse les recettes ordinaires et nécessite le recours de plus en plus accru à l'endettement. F. N. H. : En parlant de réforme, la Loi organique des Finances n'arrive pas encore à voir le jour. Le projet traîne, et ce malgré son importance pour nos finances publiques qui commencent d'ores et déjà à s'essouffler ? N. B. : Comme vous le savez, la Loi organique des Finances a pour but d'organiser la gestion des finances publiques, d'établir un certain nombre de normes dont la règle d'or citée tout à l'heure, par rapport à certains indicateurs des finances publiques. L'objectif est qu'elle soit mise en œuvre pour améliorer la gestion des finances publiques. Il y a un projet qui a été discuté entre les différentes parties et je pense que l'actuel gouvernement (Benkiran I) est en train de travailler pour accélérer le processus de réforme de cette Loi organique des Finances. Celle-ci va améliorer la gestion des finances publiques, comme il a été demandé aussi bien dans le rapport de Bank Al Maghrib, du CESE que celui du FMI. La réussite d'une réforme de cette ampleur réside dans l'anticipation et la maîtrise du processus de sa mise en œuvre afin d'éviter toute possibilité de réversibilité. D'où la nécessité de mettre en place des modes opératoires. F. N. H. : Les dernières Assises sur la fiscalité ont été sanctionnées par un certain nombre de recommandations qui vont dans le sens de l'équité. Jusqu'à quel degré ces recommandations pourraient-elles aider à l'amélioration des finances publiques ? N. B. : Effectivement, les recommandations formulées lors des dernières Assises sur la fiscalité ont touché plusieurs domaines, aussi bien la stratégie que le côté opérationnel. Je crois que le gouvernement actuel, avec l'ensemble des opérateurs, est en train d'examiner le degré de faisabilité de la réforme. Il faut être conscient qu'une réforme demande du temps et un étalement sur plusieurs Lois de Finances et qu'il est impossible de l'appliquer en un seul exercice. F. N. H. : Des réformettes ont eu lieu au cours de l'exercice 2013 en vue d'alléger le déficit budgétaire. On peut citer à cet égard, la coupe budgétaire de 15 Mds de DH qui, malheureusement, n'a pas eu l'effet escompté. Pourquoi à votre avis ? N. B. : Je pense qu'il faut juste démystifier cette question, puisque les dépenses publiques ou plutôt les crédits d'investissement sont ouverts. Comme je l'ai dit, il s'agit d'une capacité d'utilisation de ces crédits. Le gouvernement, ayant constaté que certains départements n'arrivaient pas à utiliser tous les crédits, a décidé de rationaliser la gestion des dépenses d'investissement en gardant celles qui sont nécessaires et qui vont être réellement exécutées. Il y a 75% des crédits qui sont consommés, et donc pas la totalité. C'est, d'ailleurs, l'une des raisons qui a milité pour cette coupe au niveau de l'investissement. Mais, de mon point de vue, il n'y aura pas d'impact sur l'investissement, parce que lorsque l'on parle de crédits d'investissement, il y a les crédits qui seront reportés, les crédits ouverts de l'année et les crédits disponibles qui sont la somme des deux. Je crois que la somme des deux constitue une enveloppe assez confortable qui va permettre d'investir. F. N. H. : Par rapport à l'endettement aussi bien interne qu'externe, le taux commence à susciter des inquiétudes. Est-ce que cela ne risque-t-il pas de renchérir le coût au cas où le Maroc souhaiterait recourir à un emprunt à l'international. Quelles sont les voies de recours dont dispose le Royaume aujourd'hui ? N. B. : Comme vous le savez, tous les pays recourent au financement, notamment pour investir. Cela fait partie des modèles économiques où chaque fois que l'on se trouve dépourvu d'épargne, on recourt à l'emprunt pour financer l'investissement.