A six mois des législatives 2016, le ton monte entre les leaders des partis politiques, issus de la majorité comme de l'opposition. Entre-temps, les élus de la première Chambre auront à gérer une ultime session législative relativement bien chargée. La réforme des retraites, elle, reste suspendue aux résultats du nouveau round du dialogue social. Seuil électoral, un clivage dépassé ? On s'attendait à une suppression pure et simple du seuil électoral, le ministère de l'Intérieur a fini par l'abaisser de 6 à 3%. C'est ce qui a été finalement décidé à l'issue d'un long processus de concer-tations autour du projet de loi organique relative à la Chambre des représentants. Non seulement le chef du parti de la lampe, Abdelilah Benkirane, a confirmé la nouvelle, mais il aurait en plus émis son accord à la proposition finale des équipes de Mohamed Hassad. Surprenant quand on sait que le PJD, aux côtés de l'Istiqlal, étaient les seuls à avoir défendu l'idée de relever, sinon de maintenir le seuil en vigueur (6%), prétextant leur volonté de vouloir éviter une balkanisation du champ politique, ce qui, à leurs yeux, rendrait difficile l'exercice de former une majorité gouvernementale homogène. Benkirane est aussi conscient que le PPS, son fidèle allié au gouvernement, est un fervent défenseur de la suppression du seuil de représentativité électoral. Entre zéro et 6%, le ministère de l'Intérieur a pris la réglette par le milieu, pour un impact probable jusqu'ici incertain. L'universitaire Hassan Tarik, par ailleurs élu au Parlement à travers la liste natio-nale des jeunes de l'USFP, remet en cause l'idée selon laquelle l'abaissement du seuil va améliorer la représentativité des «petits» partis. Selon lui, l'équilibre général du champ politique restera intact. En effet, dit-il, l'accès aux sièges du Parlement sera limité aux quatre grands partis au niveau des villes et sera élargi, partiellement, aux partis de taille moyenne dans le monde rural. S'agissant, enfin, du quota réservé à la liste des jeunes, là encore, alors que l'on s'attendait à sa suppression, le ministère de l'Intérieur aurait décidé de le maintenir, mais en y ajoutant une forte dose d'équité entre les sexes. Appareil législatif à flux tendus Le projet de loi organique relatif à la Chambre des représentants n'est qu'un élément parmi tant d'autres censé animer l'ultime session du Parlement avant le scrutin du 7 octobre prochain. Le gou-vernement et sa majorité parlementaire seront contraints d'accélérer la cadence pour pouvoir honorer les objectifs du Plan législatif tracé au début de leur mandat. A commencer par les projets de lois organiques prévus par la Constitution de 2011, notamment ceux relatifs au droit de grève, celui définissant le processus de mise en oeuvre du caractère officiel de la langue amazighe, ou encore celui fixant les attributions, la composition et les modalités de fonctionnement du Conseil national des langues et de la culture marocaine. D'autres projets de loi, non moins importants, seront également au coeur des priorités des députés. Il s'agit du Code de la presse (le statut des jour-nalistes professionnels a été approuvé par la Chambre des conseillers en fin de semaine dernière), du projet afférent à l'organisation judiciaire du Royaume, le nouveau Code pénal, la loi relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, la loi attribuant de nouveaux pouvoirs au Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), la loi relative à l'accès à l'information et, last but not least, la nou-velle réglementation sur les employé(e)s domestiques. Parallèlement à ce grand chantier législatif, les députés continue-ront d'assurer leur mission de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Notamment lorsqu'il s'agira d'aborder le bilan que le Chef de gouvernement s'apprête à présenter devant les deux chambres réunies, avant de se soumettre à nouveau au verdict des urnes. Un 1er mai 2016 décisif Le gouvernement est décidé à faire pas-ser sa réforme partielle des retraites, en particulier celle du régime civil de la Caisse marocaine des retraites (CMR). Soumis depuis plusieurs semaines à la Chambre des conseillers, du fait de son caractère social, le projet est resté otage d'une «flibusterie parlementaire», orches-trée par les membres de la Commission des finances et du développement éco-nomique à la Chambre des conseillers, notamment les représentants des syn-dicats et les partis de l'opposition (par-fois même de la majorité, c'est selon l'humeur !). Plus le temps passe, plus le rendez-vous du scrutin s'approche et plus Benkirane aura du mal à trouver un consensus autour de sa réforme. Même si, au fond de chacun de ceux qui bou-daient les travaux de ladite commission, l'on sait que le toilettage paramétrique de la CMR est inéluctable et qu'il n'existe aucune autre recette magique. A moins que l'on décide de préserver la générosité du public à l'égard de ses retraités en sol-licitant l'aide du contribuable du secteur privé qui, paradoxalement, bénéficie d'un filet de protection sociale à la fois précaire et fragile. En invitant les syndicats à un nouveau round de dialogue social, Benkirane a voulu éviter le passage en force de la réforme. Les syndicats tempèrent leurs propos, annulent la fameuse marche natio-nale contre la réforme de la CMR, prévue initialement au 10 avril. Le climat semble s'apaiser à deux semaines du dernier 1er mai du mandat du gouvernement. Sachant qu'il y a un an, faut-il le rappeler, trois syn-dicats, l'Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT) et la Fédération démocratique du travail (FDT), avaient boycotté les festivités du 1er mai. A l'ouverture du nouveau round du dialogue social, mardi 11 avril à Rabat, Benkirane s'est dit ouvert et prêt à étudier les demandes raisonnables des syndicats, celles qui touchent les catégories fragiles de la société et qui tiennent des équilibres financiers de la nation. Jusqu'où ira alors la générosité de Benkirane ? Wait and see.