Dans l'état actuel des choses, marqué par les fortes contraintes budgétaires et l'exigence de démultiplier les infrastructures indispensables à la compétitivité du pays, la pertinence du recours aux contrats de partenariat public-privé semble être avérée. Certaines voix se lèvent pour mettre en garde contre les multiples risques générés par ces nouveaux contrats innovants. D'où l'impérieuse nécessité de renforcer les compétences des acteurs publics concernés par cette nouvelle forme de commande publique. Un peu plus d'un an après la publication au Bulletin officiel de la loi n° 86-12 relative aux contrats de partenariat public-privé (PPP), il serait hâtif de dresser un bilan d'étape. Du reste, il n'est pas dénué de sens de se pencher sur le nombre de projets lancés sous la forme des contrats de partenariat au sens de la nouvelle loi précitée. D'après le dernier recensement effectué jusqu'à fin 2015, moins de dix projets ont été lancés dans le cadre de la nouvelle législation ayant trait aux contrats de PPP. Il faut dire que même si le Maroc a engrangé une solide expérience en matière de PPP, et ce, sur un horizon temporel relativement long, il n'en demeure pas moins que certaines formes de commande publique (marchés publics, concessions, gestion déléguée) ont fini par montrer leurs limites avec l'épreuve du temps. De ce point de vue, les contrats de partenariat pourraient être considérés comme une réponse adéquate aux nouvelles exigences de gouvernance publique et de développement économique du pays. Pour rappel, ces contrats innovants ont, entre autres, l'avantage de conférer à la personne publique le pouvoir de confier une mission globale de financement, de conception, de construction et de maintenance d'un ouvrage, à un seul opérateur privé. Théoriquement, avec le concours financier du secteur privé national ou d'opérateurs étrangers, ces nouveaux instruments devraient permettre au Royaume d'accélérer le rythme de croissance de l'investissement public, et ce, sans puiser dans l'enveloppe budgétaire. Notons qu'au regard de la Loi de Finances 2016, l'investissement public qui reste stable, devrait atteindre près de 189 Mds de DH cette année. Cela dit, l'engouement que suscite la nouvelle loi 86-12, est d'autant plus légitime que l'enjeu est de taille. Au Maroc, la croissance est tirée par l'investissement public, qui constitue tout de même une variable d'ajustement structurelle, soumise aux coupes budgétaires pendant les périodes de vaches maigres. Interrogé sur la pertinence du recours aux contrats de partenariat et les risques supposés, la Direction des entreprises publiques et de la privatisation (DEPP) n'a pas souhaité répondre à notre sollicitation. Risques à circonscrire et écueils à déjouer Le retour d'expérience des pays développés pour ne citer que la France montre que les projets lancés sous la forme de contrats de partenariat ont l'avantage d'être livrés à temps, avec des surcoûts relativement limités comparativement aux marchés publics par exemple. Un responsable de l'administration exerçant dans le domaine de la commande publique, qui souhaite garder l'anonymat confie : «Le recours aux contrats de partenariat dans certains domaines (infrastructures, agriculture, santé, enseignement supérieur) s'impose. Toutefois, l'Etat et les autres entités publiques doivent redoubler de vigilance et être précautionneux envers ce mode de financement innovant, qui recèle des risques inhérents à la complexité des projets, la durée du contrat pouvant atteindre 30 ans et la soutenabilité budgétaire». A ce titre, il est utile de souligner que la question de la soutenabilité budgétaire des engagements contractés est d'autant plus cruciale que la rémunération du partenaire privé est principalement assurée par la personne publique, très souvent tenue de verser des loyers prévus par le contrat. Dans le même ordre d'idées, notre interlocuteur reste persuadé que l'une des clés de réussite de cette nouvelle forme de commande publique résidera dans la capacité des acteurs publics concernés de répondre aux aspirations des citoyens, tout en préparant au mieux les projets en amont. D'ailleurs, il est judicieux de lier cette conditionnalité à la création de la Cellule PPP au niveau du ministère de l'Economie et des Finances. Cette entité opérationnelle depuis 2010 a la lourde responsabilité d'identifier les projets dont l'opportunité de recourir aux contrats de partenariat public-privé est certaine. En définitive, si du côté du ministère des Finances l'heure est à l'optimisme quant à la grande propension des contrats de partenariat à développer les infrastructures et les services du pays, notons que sous d'autres cieux ces nouveaux instruments sont de plus en plus impopulaires. Dans l'Hexagone, par exemple, des voix se lèvent pour pointer du doigt certaines conséquences fâcheuses induites par ce type de contrats innovants. Il s'agit, entre autres, de l'effet d'éviction des entreprises de petite et moyenne taille et du renoncement par la personne publique de sa compétence de maîtrise d'ouvrage. Qu'en pense le CESE ? Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait émis une série de remarques et de recommandations sur le projet de loi n°86-12, relatif aux contrats de partenariat public-privé. Pour les hommes de Nizar Baraka, les projets réalisés sous la forme de contrats de partenariat au sens de la nouvelle loi précitée rencontreront le succès escompté à condition de satisfaire trois prérequis fondamentaux. Il s'agit de la bonne délimitation et clarification du périmètre de la loi, la mise en place d'une stratégie nationale de développement des PPP et, enfin, le renforcement des dispositifs de bonne gouvernance prévus par le projet de loi.