Elle est étrange notre scène politique marocaine. Les leaders charismatiques et emblématiques comme les Abdallah Ibrahim, Mohamed Hassan El Ouazzani, Allal El Fassi, Mehdi Benbarka, Abraham Serfaty, Abderrahim Bouabid, Ali Yata et les autres, qui se sont battus et sacrifiés pour cette nation, ont cédé la place à une autre catégorie de politiciens. Et à nouvelle époque, nouvelles moeurs ! Nos politiques 2.0 se chamaillent plus sur les réseaux sociaux et par médias interposés que sur le terrain, les joutes personnelles sacrifient le débat d'idées sur l'autel du populisme, et les meetings sont devenus une belle tribune pour lancer des missiles contre les adversaires politiques. Mais, diriez-vous, la politique relève du domaine des passions plus que celui de la raison. Soit ! Cela dit, il faut croire que le peuple en raffole. Autant amuser la galerie, alors. Mais c'est un leurre de croire que le peuple est une masse homogène et, ce qui l'amuse aujourd'hui, continuera de le distraire demain. En effet, le scepticisme n'est que plus édifiant vis-à-vis de la classe politique surtout, depuis que les Marocains ont goûté à toutes les sauces, politiques cela s'entend. A quelques mois des échéances d'octobre 2016 donc, qui connaîtront certainement, et comme de coutume, un faible taux de participation, sans que cela semble inquiéter le club très fermé de nos leaders politiques, plus habitués aux salons feutrés qu'aux routes mal goudronnées, il serait temps de repenser la politique, penser à son essence et, surtout, réfléchir à comment mieux la mettre au profit de la société. Un voeu pieux ? Peut-être. Toujours est-il que ce qui ne se fera pas en douceur se fera inéluctablement dans la douleur. Et la société, surtout les jeunes, en désespoir de cause, ne se poseront même plus la question «pour qui voter ?», mais plutôt «à quoi ça sert encore de voter?». Et c'est là la déchéance de toute velléité de démocratie pour notre pays. Mais qui s'en soucie ? Ceux qui devraient l'être, les partis politiques, seront très occupés à partager la manne que mettra à leur disposition le ministère de l'Intérieur pour mener campagne tambour battant auprès d'une population plus préoccupée, elle aussi,... par son pain quotidien en ces temps de croissance timorée et de pénurie pluviométrique. La politique, quel art de l'étrange !