Dans cet entretien réalisé en marge du Forum africain des médias à Marrakech, le président-fondateur de la chaîne de télévision Africa 24, Constant Nemale, nous parle de la genèse et de l'évolution de ce média panafricain qui réalise des records d'audience aussi bien en Europe qu'en Afrique subsaharienne. Constant Nemale dévoile à FNH ses ambitions pour sa future implantation au Maroc, à Casablanca Finance City (CFC), prévue en 2016. Finances News Hebdo : Comment est né le projet Africa 24 ? Constant Nemale : Une étude nous a montré que l'Afrique a besoin d'informations et qu'il n'existe aucun média panafricain. Les informations sur l'Afrique, diffusées par les médias internationaux et imposées aux Africains, restent de qualité à 90% négative. Partant de ce besoin d'avoir une information africaine de bonne qualité, nous avons commencé la réflexion en 2004 avant de lancer la chaîne Africa 24 en 2008. F.N.H. : Qui compose le capital de la chaîne ? C. N. : C'est un capital ouvert à tous les Etats africains, sans aucune distinction de pensée politique. Aujourd'hui, deux pays y ont souscrit, le Cameroun et la Guinée équatoriale, qui sont actionnaires à hauteur de 15 et 10% respectivement. Le projet Africa 24 est aujourd'hui valorisé à plus de 250 millions d'euros. F.N.H. : Quid de l'effectif et des investissements engagés à ce jour ? C. N. : Nous sommes à plus de 40 millions d'euros d'investissements cumulés sur 7 ans. Nous comptons aujourd'hui 47 collaborateurs en France et 120 en Afrique. F.N.H. : Vous avez exprimé lors du Forum de Marrakech la volonté d'ouvrir une antenne au Maroc. Où en êtes-vous ? C. N. : Ce n'est pas qu'une volonté, c'est une réalité. Sachant que la banque-conseil qui nous a accompagné lors du lancement et qui a structuré notre montage financier est marocaine (Ndlr : BMCE Capital). Nous souhaitons bénéficier de toutes les structures et ossatures présentes au Maroc, notamment les opportunités offertes au niveau de Casablanca Finance City. Nous voulons développer une véritable plate-forme de communication à partir du Maroc. Vous aurez des nouvelles à ce sujet avant la fin de l'année 2016. F.N.H. : L'antenne de Casablanca prendra-t-elle la forme d'une filiale, holding... ? C. N. : Nous voulons que chaque filiale soit une société, mais qui développe un concept propre tout en gardant son indépendance. Probablement, le Maroc sera une plate-forme opérationnelle pour Africa 24 arabic et Africa 24 français, destinée à l'ensemble de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Nous espérons mener à bout ce projet. Sachant que nous avons déjà une validation du choix d'implantation à Lagos et à Abuja (Nigeria) pour la partie anglophone. F.N.H. : Avez-vous sollicité les autorisations nécessaires, notamment auprès de la HACA ? C. N. : Nous avons déjà une équipe installée au Maroc. Nous commençons d'ailleurs à recruter les personnes qui vont conduire ces projets. F.N.H. : Un investisseur marocain avait déjà signé un accord avec le groupe Bloomberg pour lancer à partir de Casablanca une chaîne de télévision sous la marque «Bloomberg Afrique», mais son projet a dû être suspendu, faute de financement... C. N. : Je ne peux pas souscrire à son idée. Les Africains doivent monter des projets pour eux. Aller payer Bloomberg, qui est un milliardaire, pour avoir le droit de fabriquer une information, je ne trouve pas cela valorisant. F.N.H. : La chaîne pan-maghrébine, Medi 1 TV, vient de dévoiler, il y a quelques semaines, une nouvelle stratégie à vocation panafricaine. Qu'en pensez-vous ? C. N. : Quand on crée une antenne avec une vision et une vocation précises, c'est extrêmement difficile de la réorienter. Il n'existe aucune chaîne de télévision au monde qui change sa ligne éditoriale pour épouser une autre. Je ne veux pas préjuger de l'extrême savoir-faire de Medi1 TV, mais je ne vois pas comment elle peut se prévaloir pour pouvoir développer une chaîne panafricaine. Cela ne me semble pas réaliste. Tout le monde a certes épousé le discours de Sa Majesté à Abidjan et chacun veut pousser vers cette direction, mais je pense qu'il faut rester cohérent. Rien que le nom, Medi 1 TV, indique qu'il n y a pas de position panafricaine. Parce que le nom a aussi une indication éditoriale. Cela dit, je leur souhaite beaucoup de réussite. F.N.H. : Comment évolue votre audience ? C. N. : Nous sommes en progression de près de 20% chaque année sur tous les territoires où nous nous trouvons. Mais je reconnais que l'audience ne veut pas dire réussite économique. Nous essayons de concilier les deux avec des moyens qui ne sont pas forcément suffisants. F.N.H. : Africa 24 est-elle une chaîne rentable ? C. N. : Le projet est aujourd'hui financièrement à l'équilibre. Il est à sa deuxième année de bénéfices. Mais les actionnaires n'ont pas encore réalisé leur retour sur investissement, car il faut absorber les pertes des cinq premières années. F.N.H. : Si vous deviez introduire Africa 24 en Bourse, choisiriez-vous la Bourse de Paris, celle de Casablanca ou bien une autre Bourse africaine ou internationale ? C. N. : Je choisirais celle où nous avons le plus de chance de lever des fonds. Chacune des Bourses a ses potentialités. Cela dit, d'ici à 2020, nous envisageons soit de nous introduire en Bourse, soit de nous associer avec un Fonds d'investissement ou un partenaire financier stratégique. F.N.H. : En dehors de l'Afrique, avez-vous des ambitions pour l'international ? C. N. : Nous venons d'obtenir, il y a six mois, une licence au Canada. Nous avons une licence aux USA. Notre vocation, c'est d'être accessible partout dans le monde. L'audience que nous avons en France démontre que nous sommes la première chaîne étrangère en France devant CNN. Cela situe les challenges que nous devons nous fixer