Depuis son lancement, c'est la troisième mue qu'entame la chaîne de télévision tangéroise. Objectif : atteindre à terme son équilibre financier à travers un positionnement «infotainment» s'inspirant de certaines chaînes de référence aux Etats-Unis. Les premiers résultats seraient encourageants. Explications de son PDG, Abbas Azzouzi. Al Bayane : Medi1 TV, sous votre impulsion, vient de revenir vers le «tout info», bien que la grille ait été aménagée avec une composante infotainment. Pensez-vous que cela puisse rendre la chaine profitable ? Abbas Azzouzi : Nous ne revenons pas au «tout info». Notre ambition est d'être une chaîne d'infotainment à large audience. A la différence des chaînes «d'info en continu», nous avons lancé une grille qui s'organise autour de 2 grandes parties qui reflètent le comportement des téléspectateurs marocains que nous ciblons. Les Marocains actifs, hommes et femmes, plébiscitaient notre tranche d'info du matin. Nous avons donc décidé de consacrer notre programmation de la journée de 6h à 18h à des tranches d'information de 2 ou 3 heures rythmées par des journaux et des rubriques économie, sports, Maghreb, et Afrique. Nos téléspectateurs pourront d'ailleurs suivre ces programmes également sur nos puissants relais digitaux au niveau de notre site web et notre application mobile. A partir de l'Access, notre programmation change pour refléter les désirs de consommation télévisuelle d'une plus large audience. C'est ainsi que l'Access et le Prime time sont dédiés aux talks shows, aux magazines d'investigation, aux débats, à la politique et à la culture sous des formats novateurs à même d'attirer une large audience. A titre d'exemple, nous avons lancé l'émission «Kawaliss» en prime pour réconcilier la plus large audience possible avec la politique à travers des portraits décalés, capsules et questions incisives pour décrypter l'actualité avec des invités dans un format divertissant. Il ne s'agit donc nullement d'un retour en arrière mais d'une évolution cohérente avec notre savoir-faire. Nous estimons que l'avenir des chaines de télévision, à l'exception de quelques chaines internationales aux budgets conséquents leur permettant des acquisitions de programmes et évènements sportifs à des prix exorbitants, passe par la production de contenu propre basé sur un vrai savoir-faire. Notre savoir-faire repose sur la qualité et le traitement de l'info, tel qu'en attestent 82% des Marocains qui jugent l'information de Medi1tv comme «excellente» ou «très bonne». Ce socle nous permet donc d'adopter un positionnement de chaîne d'infotainment, élargissant notre audience, condition nécessaire à une croissance des revenus et donc à un équilibre financier. On dit que l'indépendance financière est hors de portée des chaines d'informations et qu'elles sont créées dans le cadre de stratégies d'influence. Est-ce le cas de Medi1 TV ? Comme je viens de le préciser, notre modèle n'est pas celui d'une chaîne d'information en continu. Nous avons donc un modèle économique différent basé sur un positionnement infotainment qui nous permettra d'élargir notre audience et de développer nos revenus. Notre modèle est porté par une ambition qui nourrit toutes nos actions au sein de la chaine ; celle de faire de Medi1 TV une chaine marocaine aux standards internationaux. Nous avons ouvert plusieurs chantiers structurants pour continuer à progresser dans ce sens mais nous pouvons déjà être satisfaits du chemin parcouru en si peu de temps, puisqu'aujourd'hui 94% des Marocains sont fiers de cette chaine. Qu'en est-il aujourd'hui de l'équilibre financier de Medi1 TV ? La chaine deviendra t-elle rentable ? Si oui, à quelle horizon prévoyez-vous cela ? Medi1 TV n'a pas encore atteint son équilibre financier. Il est admis que le retour sur investissement dans l'audiovisuel se fasse sur des périodes plus ou moins longues, entre 10 à 15 ans. En 2014, la chaîne a attiré de nouveaux investisseurs qui croient en son potentiel de développement et l'efficacité de sa stratégie. Nous continuons de mettre en place les jalons de cette profitabilité, notamment à travers notre positionnement à même d'attirer une plus large audience, le renforcement de notre leadership au niveau digital et le développement de notre chaine auprès des Africains du monde. Quel est aujourd'hui le modèle économique adopté par Medi1 TV ? Autrement dit, quelles sont aujourd'hui vos principales sources de revenus ? Notre principale source de revenu est la vente d'espaces publicitaires où nous comptons progresser grâce à notre positionnement et notre nouvelle grille qui a été très bien accueillie par le marché. Par ailleurs, nous disposons d'autres relais de croissance tout aussi importants. Le premier concerne la production de contenu pour les annonceurs, une des marques de fabrique de Medi1 TV. Nous comptons également développer nos revenus en élargissant géographiquement notre audience pour cibler les Maghrébins et les Africains dans le monde. Le troisième relais concerne le digital, dans lequel nous sommes un médium leader au Maroc, avec 3,8 millions de fans sur Facebook, 285 millions de vidéos vues sur Youtube, 801.000 followers sur Twitter et 10 millions de visites par mois sur notre site. Aujourd'hui, parmi les chaines panafricaines rentables, mais généralistes, on compte Africable. Son modèle économique repose bien entendu sur les recettes publicitaires, mais aussi sur les contrats de sponsoring, l'évènementiel, la réalisation d'émissions commandées ainsi que la création de chaines thématiques grâce à l'optimisation des coûts. Qu'en pensez-vous ? Comment Medi 1 TV envisage t-elle à l'avenir de diversifier ses revenus ? Il est très clair qu'il se pose pour tous les medias une question vitale de modèle économique. Ceci est vrai en Europe, en Afrique, et encore plus au Maroc, dont le marché publicitaire est tellement réduit qu'aucune chaîne marocaine n'est à l'équilibre. Pour faire face à ce défi, nous mettons en œuvre une stratégie axée sur la diversification des marchés que ce soit géographiquement ou en développant de nouvelles offres. La diversification géographique se fera en Afrique et en Europe en ciblant les Africains du monde. Nous élaborons aussi une offre sur-mesure qui consiste à développer des productions spécifiques pour des annonceurs à la recherche d'un contenu ciblé à forte affinité. De plus, nous initions dès cette année un effort de commercialisation accru de notre offre digitale, une source de revenus conséquente compte tenu de notre position de leader au Maroc. Enfin, nous développerons une offre événementielle en coproduisant des événements très ciblés en ligne avec notre positionnement. Néanmoins, nous restons persuadés que le marché marocain doit, à travers des outils de mesure d'audience plus fins, être plus segmenté pour développer des offres plus à même de répondre aux exigences de plus en plus sophistiqués des annonceurs qui ne se retrouvent plus dans l'approche indifférenciée des medias classiques. Aujourd'hui, hormis les chaines qui bénéficient de fonds publics, celles (panafricaines) qui réussissent parient sur des programmes locaux et non juste sur une dimension africaine ou une ouverture sur l'Afrique de leurs programmes pour doper leur audience et attirer les annonceurs. Qu'en sera-t-il pour Medi1 TV ? La télévision doit opérer sa mue. La vision d'une télévision qui ne crée que des carrefours d'audience où tout le monde est en train de regarder le même programme de manière linéaire est en train d'être révolu. Aujourd'hui, il faut segmenter l'offre et répondre aux attentes des différents segments de téléspectateurs de manière différenciée. Lorsque par exemple nous avons lancé dernièrement l'émission «GenTen», nous avons étudié la manière qu'ont les jeunes de regarder la télévision en convergence avec le digital, et nous avons développé un concept qui débute sur le net pour ensuite continuer à la télévision et enfin se terminer sur le net. D'autres segments seront intéressés par un contenu africain. Par exemple, nous comptons lancer une émission culturelle africaine «Baobab» qui permettra de découvrir chaque semaine de nouveaux artistes qui ont une actualité intéressante. Si nous étions limités à la culture marocaine, nous aurions peut-être eu plus de mal à accueillir chaque semaine 3 nouveaux artistes qui lancent un nouvel album ou livre. Il est donc impératif d'offrir des programmes variés pour des segments aux attentes différenciées. C'est pour cela également que nous allons lancer 2 signaux. L'un, 100% arabophone, sera focalisé sur le Maroc avec une ouverture sur le Maghreb et le reste de l'Afrique. Le deuxième signal, 100% francophone, ciblera tous les Africains du monde désirant avoir une lecture marocaine et africaine de l'actualité. Où en êtes-vous dans le déploiement de votre nouvelle grille ? Toutes les émissions sont-elles en place ? Avez-vous achevé votre campagne de recrutement ? La nouvelle grille des programmes a été lancée début février. Nous avons opéré de grands changements au sein de la chaîne. Un changement de rythme qui nécessite de redoubler d'efforts pour être à la hauteur des attentes des téléspectateurs. Aujourd'hui, nous avons lancé la partie information avec les éditions de la matinale du 6/10 et l'info en continu entre 14h et 19h30.Nous avons aussi lancé un nouveau rendez-vous sport à 13h30 et 19H. De plus, nous avons mis à l'antenne de nouvelles émissions telles que «Kawaliss», «GenTen» ou encore «60 minutes pour comprendre». Nous comptons également lancer l'émission «Baobab» qui sera animée par Aida Touihri et qui fera la part belle à la culture africaine avec des interviews, reportages et performances «live». Nous nous sommes basés majoritairement sur les ressources actuelles de la chaine qui ont un vrai savoir-faire dans le traitement de l'info, et nous comptons recruter plus de 70 personnes cette année dont un renforcement immédiat de la rédaction avec 20 journalistes, rédacteurs en chef et présentateurs. Quels sont les premiers retours (audience + annonceurs) depuis le démarrage de la nouvelle grille orientée info/infotainment ? Ces émissions ont été très bien accueillies par les téléspectateurs et les annonceurs. Une émission telle que «Kawaliss» est d'ores et déjà reprise et commentée sur le web avec plus de 95% de commentaires positifs qui confirment l'attractivité du format «infotainment» adopté par la chaîne. «60 minutes pour comprendre» est plébiscitée car elle permet de réconcilier une grande partie de téléspectateurs qui ne regardaient presque plus la télévision marocaine. D'ailleurs, les annonceurs ne s'y sont pas trompés et voient dans cette nouvelle grille l'opportunité de répondre aux besoins de segments qui n'étaient plus couverts par la télévision marocaine tels que les jeunes, qui grâce à «GenTen» se retrouvent dans une émission qui leur parle. Vous parlez de deux nouveaux canaux en septembre 2016, l'un francophone, l'autre arabophone. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Notre pays porte cet étendard de porte vers l'Afrique et nourrit de grandes ambitions pour le continent. Notre ambition est de porter cette voix de par le monde, surtout là où nos concitoyens et nos frères africains vivent. D'ici la fin de l'année, nous aurons effectivement un canal arabophone qui sera centré sur le Maroc et le Maghreb et un canal francophone qui aura plus une vocation africaine destinés à tous les Africains du monde.