Sur le papier, tout est prêt pour permettre l'introduction de la vente à découvert sur le marché des actions, mais sur le terrain il existe, paraît-il, des distorsions entre la réglementation actuelle et les attentes des opérateurs. ‘‘Le prêt/emprunt de titres, voire même la vente à découvert, ne sont pas des fins en soi". Une phrase reprise par l'ensemble des professionnels invités par la Bourse de Casablanca pour la présentation de l'étude relative à cette pratique et réalisée par Cejefic Consulting. Les professionnels sont en effet plus sensibles à la qualité de l'information, à sa quantité, aux statistiques du marché, à sa transparence et sa liquidité, mais ne sont pas excités à l'idée de pouvoir le "shooter" ou le shorter, peu importe le terme pour qualifier la vente à découvert. «Je ne pense pas que le jour où la vente à découvert sera autorisée que cela nous incitera à prêter nos titres ou même à la pratiquer. Valeur aujourd'hui, notre plus grand souci est la liquidité», martèle Reda Hilali, Directeur de gestion de Wafa Gestion. Du côté de CDG Capital, le discours est bien plus cru. Son directeur de développement des marchés de capitaux, Charif Hamzaoui, témoigne : «la majorité des volumes sur le prêt / emprunt des titres porte sur le collatéral que s'échangent les banques pour emprunter auprès de la Banque centrale, et cela existe depuis longtemps. C'est ce qui est appelé le Repo. Pour le reste, tout se fait inter-dépositaire, c'est-à-dire entre deux sociétés de gestion qui déposent leurs titres auprès du même dépositaire. Le problème est que les autres opérateurs ne connaissent pas le détail de ces opérations et cela crée un problème de valorisation». En effet, il est demandé au CDVM de produire des statistiques les plus complètes et les plus fréquentes possibles pour permettre une juste évaluation des primes de risque. Hicham El Alamy, Directeur général adjoint du CDVM, rétorque : «il est difficile de produire des statistiques pour des opérations qui n'ont pas encore eu lieu». Mais le représentant du régulateur précise que «tout est prêt pour accueillir ces nouvelles procédures». Pour rappel, la réglementation actuelle empêche les emprunteurs de titres de les prêter à nouveau. Difficile dans ces conditions pour les sociétés de Bourse de réaliser pleinement leur rôle d'intermédiaires. De l'avis de l'ensemble des participants, cette règle est une aberration qui devrait purement et simplement disparaître. Le CDVM n'y est d'ailleurs pas opposé en estimant qu'une loi est par définition évolutive. Autre problème pour le marché actions : la réussite d'une telle pratique passe par l'existence d'un prêteur en dernier recours, seul gage de sérieux pour le marché. Un prêteur qui pourrait, par exemple, être Maroclear. Enfin, et c'est la source des maux et l'objectif de l'ensemble de ces mesures, la liquidité du marché est restrictive. Il faudra donc réglementer l'utilisation de ces nouveaux mécanismes en fonction de la liquidité de chaque titre. Pourtant, les stocks dormants des institutionnels sont importants, ce qui en théorie est favorable au prêt / emprunt. Mais en théorie seulement. Cette rencontre, qui a fait salle comble à la Bourse de Casablanca, dévoile un fait qui était peu visible auparavant : il y a une distorsion entre le discours officiel des professionnels sur l'utilité du prêt / emprunt et leur enthousiasme réel à l'idée de le pratiquer. Il a fallu un certain franc-parler lors de cette rencontre pour le comprendre.