Il suffit de faire une intrusion dans les résultats des filiales africaines des trois plus grandes enseignes bancaires du Royaume (AWB, BCP, BMCE) pour s'apercevoir de leurs places de choix dans le paysage bancaire en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale. Le business model adapté à la réalité africaine et les investissements massifs (7 Mds de DH) confèrent aujourd'hui au Maroc la stature du banquier privilégié du continent. Le Maroc domine-t-il le secteur bancaire du continent ? Les intervenants lors de l'anniversaire marquant les dix ans d'existence du cabinet d'intelligence économique, Oxford Business Group au Maroc, ont amplement apporté des éléments de réponse à cette interrogation. Fort d'un taux de pénétration bancaire qui frôle les 60%, avec une forte présence sur le continent africain à travers les filiales des trois plus grandes banques (Attijariwafa bank, Banque Centrale Populaire, BMCE Bank), le secteur bancaire marocain est incontestablement l'un des plus sophistiqués et l'un des plus performants d'Afrique. Pour s'en convaincre, à en croire Yacine Diama Fal, Représentante-résidente de la Banque africaine de développement (BAD) au Maroc, il suffit de se référer à l'essor des marchés de capitaux et à la bonne gouvernance bancaire du Royaume. Outre ces aspects propres au marché local, toujours selon la Représentante-résidente de la BAD au Maroc, le pays a su tirer profit du contexte compétitif que traversait le paysage bancaire en Afrique, avec les vagues de privatisation des banques, pour bien se positionner. Cela dit, même si les enseignes nationales peuvent se targuer de jouer les premiers rôles dans certaines aires géographiques du continent, pour ne citer que l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique Centrale, il n'en demeure pas moins qu'elles se frottent au quotidien à la rude concurrence des banques françaises, nigérianes ou sud-africaines. Cette concurrence est quelque part de bon augure car elle les incite à améliorer sans cesse leur business model qui a pour épine dorsale la proximité avec les clients dans les pays d'implantation. «Une banque marocaine au Sénégal est avant tout une banque sénégalaise», clame Brahim Benjelloun Touimi, Administrateur Directeur général délégué auprès de la présidence de BMCE Bank. Et d'ajouter que : «Nous devons toujours mettre de la bienveillance dans ce que nous faisons». Partant, le succès des banques marocaines sur le continent tient à leur capacité à coller à la réalité des différents pays d'implantation, contrairement à d'autres grandes banques continentales qui exportent leur business model, parfois non adapté aux pays d'implantation. Un faisceau d'opportunités à explorer Avec un taux de bancarisation encore faible avoisinant les 12%, il est clair que l'Afrique constitue un relai de croissance important pour les entités bancaires marocaines. Mais le grand défi est que celles-ci soient à même de générer assez de fonds propres sur le marché marocain de plus en plus concurrentiel pour assurer leur expansion sur le continent. Cela dit, une palette de leviers subsiste pour renforcer le positionnement des banques nationales en Afrique. Il s'agit, entre autres, de la banque participative, du crowdfunding et de la micro-finance qui sont des alternatives à étudier, d'après Brahim Benjelloun Touimi. A ce stade, il est aussi important de rappeler que les banques du Royaume ont investi jusque-là près de 7 Mds de DH dans le continent, tout en facilitant l'expansion des PME marocaines dans cette zone. Pour sa part, Faissal Khdiri, vice-président et directeur régional de MasterCard pour l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne francophone, estime que les nouvelles technologies offrent davantage d'opportunités aux banques nationales qui opèrent sur le continent. A ce titre, il affirme que les applications de téléphonie mobile et la possibilité de convertir les cartes d'identité en moyens de paiement, constituent de réelles solutions à la sous-bancarisation que connaît le continent. Pour avoir un ordre de grandeur, 65% de la population égyptienne sont encore exclus du circuit bancaire. Un constat d'autant plus alarmant qu'il est monnaie courante sur le continent. Toutefois, Faissal Khdiri reste persuadé que les banques marocaines qui opèrent en Afrique, peuvent substantiellement enrayer le fléau de la sous-bancarisation qui constitue par ailleurs une entrave à leur business. Pour y parvenir, celles-ci doivent miser sur les nouvelles technologies, domaine dans lequel, les entreprises nationales ont un savoir-faire mondialement reconnu. Pour preuve, des sociétés marocaines fournissent des solutions mobiles et des applications à des entités européennes de renommée mondiale. En définitive, même si le positionnement des banques marocaines sur le continent est enviable, Brahim Benjelloun Touimi juge qu'il existe encore une marge de progression et qu'il est impératif de faire tomber les barrières linguistiques, culturelles et géographiques pour aller de l'avant.