Même en bénéficiant d'une absolution totale, les fraudeurs du fisc peinent à rentrer dans le droit chemin. A deux mois et demi de la date butoir fixée pour bénéficier de l'amnistie fiscale, c'est peu de dire que les personnes physiques et morales domiciliées au Maroc, coupables d'infractions fiscales et de change, au titre d'avoirs immobiliers ou financiers détenus illégalement à l'étranger ne se bousculent pas au portillon des banques pour régulariser leur situation vis-à-vis de l'administration fiscale. Ils sont pourtant assurés de toutes les garanties : anonymat complet, façon secret bancaire, pas de réprimandes encore moins de punition. Ils ont juste à se signaler et à donner une petite portion (entre 5 et 10% à titre de contribution libératoire, c'est selon) de ce qu'ils ont soigneusement dissimulé à l'étranger. Néanmoins, à voir les montants récoltés jusqu'à présent, l'offre faite par le gouvernement marocain, intelligemment appuyée par la plupart des établissements bancaires qui ont déployé un grand jeu de séduction à l'égard de ceux qui ont sciemment dribblé le fisc, ne semble pas suffisamment séduire. Seuls deux «petits» milliards de dirhams ont été glanés au titre de la contribution libératoire. C'est la confession faite la semaine dernière aux patrons de presse par le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, lors d'un dîner informel dans sa résidence. Ce n'est même pas la moitié de ce qui était prévu lorsque cette mesure a été prise dans le cadre de la Loi de Finances 2014. On est donc loin des 5 milliards de DH espérés. Et il serait illusoire de croire d'ailleurs que l'objectif sera atteint d'ici la fin de l'année. Dès lors, il semble légitime de se demander si l'amnistie fiscale sera reconduite l'année prochaine ou si, au moins, un délai supplémentaire sera accordé... aux retardataires. Aux patrons de presse, Benkirane n'a en tout cas pas donné de réponse tranchée. Mais gageons que même si une telle mesure devait être prise, elle ne sera pas annoncée dans l'immédiat, mais plutôt au dernier moment. Avec le recul cependant, la logique voudrait que l'on repousse encore le curseur de la date butoir. Simplement parce l'idée sous-jacente à cette mesure d'amnistie fiscale était de réaliser une opération win-win : les évadés fiscaux rentraient dans la légalité et le gouvernement récupérait un peu de sous pour donner un bol d'air à des finances publiques copieusement chahutées. Et puisque ces dernières sont toujours en berne, les 3 Mds de dirhams manquants seraient évidemment les bienvenus. Reste à savoir si le gouvernement ira les chercher... coûte que coûte.