Saisi par le Chef de gouvernement sur l'épineux dossier de la réforme des pensions civiles, le Conseil économique, social et environnemental a souligné, à travers son projet d'avis récemment présenté, une vision court-termiste des propositions du gouvernement en la matière. Il érige, par ailleurs, la recherche de pérennisation des pensions civiles en priorité absolue. Parmi les sujets les plus clivants, qui de surcroît ont suscité une kyrielle de levées de boucliers, il serait difficile de faire l'impasse sur celui de la réforme des caisses de retraite, notamment celle des pensions civiles. Il faudrait d'emblée rappeler que ce dossier s'arroge l'attention de l'opinion publique en raison de ses enjeux proéminents d'un point de vue économique, financier, social, voire sociétal. Ce contexte pour le moins particulier a sans doute incité le Chef de gouvernement à saisir le Conseil économique, social et environnemental (CESE) afin d'avoir son avis sur la réforme des pensions civiles dans l'optique de la rendre plus efficace, tout en satisfaisant l'exigence de solidarité et les enjeux d'équilibre économique et financier. C'est dans cette mouvance que l'institution ayant à sa tête Nizar Baraka, a récemment présenté à Rabat son projet d'avis concernant les lois 11.71 et 12.71 ayant trait aux pensions civiles. A en croire les collaborateurs de l'ancien argentier du Royaume, le pilotage des différents travaux au sein d'une commission spéciale créée à cet effet n'a pas été de tout repos. Ainsi, il a fallu, avant de ficeler l'avis, organiser des rencontres aussi larges que possible afin d'appréhender les positions parfois contradictoires des syndicats, de la société civile et des représentants des institutions concernées. En cela, huit réunions marathoniennes et deux auditions ont été nécessaires pour peaufiner le document du CESE portant sur la réforme des pensions civiles. Cet avis devrait d'ailleurs être présenté au Chef de gouvernement le 1er octobre 2014. Constat du CESE et antagonisme des parties prenantes Les débats initiés par le CESE ont permis de faire l'inventaire des propositions et de se fixer sur l'hétérogénéité des visions des différentes parties prenantes quant à la trame principale devant guider la refonte du système des pensions civiles. Trois principaux courants se sont nettement dégagés. D'un côté, il existe les adeptes de l'urgence de l'augmentation de l'âge de la retraite, de l'autre, ceux qui considèrent que cette augmentation est facultative et enfin ceux ayant exhorté le CESE à rendre un avis non chiffré sur l'âge de la retraite. Cela dit, si la principale préoccupation du gouvernement est de retarder le déficit des pensions civiles jusqu'en 2022 pour gagner 8 années et de revenir à l'équilibre dans les cinquante années à venir, a contrario, le CESE estime que l'objectif majeur, celui de la pérennisation des pensions civiles, n'est pas pris en compte par les propositions du gouvernement. Les experts du conseil restent par ailleurs convaincus que les seules mesures normatives sont insuffisantes pour juguler les multiples menaces qui pèsent sur cette réforme. L'autre constat dressé par l'équipe de Nizar Baraka est que la seule refonte des pensions civiles n'est pas de nature à générer une convergence des différents systèmes de retraite pourtant nécessaire pour résorber la complexité qui les caractérise. A ce titre, une vision globale de la réforme des différentes caisses de retraite serait plus appropriée. Evidemment, le CESE ne s'est pas uniquement limité à pointer du doigt les écueils qui pénalisent le système des pensions civiles. Il s'est aussi employé à faire des recommandations concrètes pour améliorer le système. Les quinze propositions La force des quinze recommandations pour la réforme des pensions civiles est à la hauteur des enjeux de ce dossier. Faudrait-il rappeler que la couverture de la protection sociale ne dépasse pas 37% de la population active. Ce taux baisse de manière vertigineuse s'il est rapporté à la population marocaine, trois fois supérieure à la population active. Autre constat et autres griefs ayant motivé les quinze propositions du CESE, le déficit des pensions civiles atteindra 700 MDH à fin 2014 avant de culminer à 3 Mds de DH en 2015, si rien n'est fait. Enfin, l'autre péril qui se profile est que le déficit risque d'impacter négativement l'épargne et surtout la qualité des investissements du pays. Fort de ce constat, le CESE suggère entre autres, d'augmenter progressivement l'âge de la retraite ainsi que les cotisations. Une attention particulière devrait aussi être accordée au partage équitable des charges liées à l'augmentation des cotisations. A cela s'ajoute l'impérieuse nécessité d'adopter d'ici juin 2015, une loi-cadre, fruit d'un large consensus comprenant un calendrier de réforme. Toujours sous l'angle des proposions pour la réforme des pensions civiles, il y a lieu de noter que le CESE prône une prise en compte de la pénibilité et la généralisation de la couverture de la protection sociale. Au demeurant, toutes les réformes ont un coût et celle-ci ne dérogera pas à ce paradigme. A en croire les experts du CESE, des échelles supplémentaires devront être créées dans la fonction publique. La revalorisation des salaires constitue aussi un prérequis ainsi que la généralisation des pensions complémentaires. Ce qui, à l'évidence, aura un coût supplémentaire au niveau du Budget général de l'Etat.