* «Doutes et controverses» est le 3ème thème choisi dans le cadre du cycle de conférences philosophiques organisées par la Fondation ONA. * Animée par le professeur Ali Benmakhlouf, cette rencontre a permis à l'audience de découvrir une importante série de concepts philosophiques. Il n'existe pas une façon unique de «douter» des vérités et des préjugés préétablis. L'impression de détenir la certitude est pourtant le moment fort de toute approche qui veut remettre en question des croyances enracinées, des illusions ancrées ou même des espoirs permis. L'histoire du «doute» en tant que concept opératoire en philosophie n'est pourtant pas un chemin linéaire. Souvent, le doute a été à l'origine d'importantes coupures épistémologiques où de grandes certitudes ont dû tomber par la suite. Que ce soit en matière religieuse, politique ou économique, il y a cependant «des lignes rouges» que la pensée et la pratique interdisent au doute de franchir. Pour Ali Benmakhlouf, membre de l'Institut international de philosophie et professeur à l'Université de Nice, le doute est le meilleur rempart contre «l'esprit dogmatique qui n'est en réalité qu'un état de certitude qui n'est pas accompagné par la moindre humilité». En fait, ce postulat était le cur de l'exposé de ce brillant professeur qui a agencé son intervention de manière à ce que le doute ne soit plus évoqué seulement dans son aspect «destructeur», et en quelque sorte «athée». Car, que ce soit pour la philosophie grecque, musulmane ou même européenne, les grands doutes suscités par Socrate, Ibn Roshd ou Galilée étaient tous compris comme allant à l'encontre des «vérités de la foi qui ne s'établissent que quand la justification s'arrête». En fait, la question de la liaison du doute au sacré, et pas uniquement au religieux, a été souvent «victime» d'un débat passionnel où les arguments et les contre-arguments ne peuvent être compris que dans la logique du conflit qui leur a donné naissance. La fameuse allusion de Montaigne «que sais-je» était justement lancée dans un contexte de guerre entre Catholiques et Protestants où chacun ne voulait absolument pas que le «doute» pénètre dans leurs postulats et leurs conclusions. Au-delà du fait que le doute reste le premier indicateur de l'esprit critique, le danger viendrait au contraire du fait que douter de tout ou «ne plus douter du doute en tant que méthode» aboutirait certainement à un négativisme sinon un nihilisme qu'a si bien exprimé F. Nietzsche. Car, si les anciens ont douté des grandes vérités religieuses liées essentiellement aux miracles et aux prophètes, cette même ligne de pensée se trouve actuellement «sans héritiers» du moment que le doute envers la puissance militaire et technique des Etats-Unis, par exemple, n'est que rarement exprimé. Il est même combattu. D'où le fait que la liberté, en tant que valeur, a toujours été une bonne introduction pour mettre en relief tous «les penchants douteux» qui ont changé le visage de l'humanité.