Voilà plus de six mois que l'abattage de la volaille dans le marché de gros de Casablanca se déroule dans les pires conditions d'insalubrité qu'on puisse imaginer. L'ANAVI a réagi en assurant que l'abattage industriel contrôlé représente 20% de la production nationale. Qu'en est-il donc des 80% restants ? Il est inadmissible que la loi 49/99 continue à être violée au vu et au su de tout le monde, y compris les autorités. L'actualité de la métropole économique est toujours émaillée de gros coups de filet et de saisie de différents produits impropres à la consommation dont le dernier en date est la saisie de quelque 50 tonnes de produits alimentaires impropres à la consommation à la préfecture de Sidi Bernoussi par le service vétérinaire préfectoral de Casablanca relevant de l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires. Mais le mardi 26 août dernier, un reportage diffusé sur 2M dans les différents JT de la journée fait froid dans le dos. Le reportage montre ce qui est présenté comme les abattoirs de volailles de Casablanca qui selon le même reportage, devaient faire l'objet de travaux et de rénovation et être livrés il y a déjà un mois par la société en charge du projet. Le chef de la division bâtiments et travaux au Conseil de la ville, Abdellah Azzouhiri, impute cette situation pour le moins scandaleuse aux longues intempéries de 2013 qui auraient retardé ces travaux en plus des vendeurs qui auraient tardé à libérer les lieux. Paradoxalement, le Directeur général de la société, Ibrahim El Baz, livre pour sa part une toute autre version des faits en évoquant un avenant de travaux hors bordereaux qui ne figurait pas dans le cahier des charges conclu avec le Conseil de la ville. Et poursuivant qu'il s'agit plus d'un problème administratif ne concernant en rien sa société. Conséquences : Depuis six mois, une durée non négligeable, l'abattage se déroule dans des conditions pour le moins qu'on puisse dire effroyables, en totale violation de la loi 49/99 relative à la protection sanitaire des élevages avicoles, au contrôle de la production et la commercialisation des produits avicoles, promulguée par le dahir n°1-02-119 du 1er rabii Il 1423 (13 juin 2002) ! Et les images diffusées dans ce reportage sont choquantes, de quoi vous donner la nausée. Comme un pavé dans la mare ? La réaction des professionnels ne s'est pas fait attendre face à la panique que ce reportage aurait pu créer et ses conséquences sur la consommation de la viande de volailles aussi bien à Casablanca que dans le reste du pays, et vu le coup de massue porté à l'image de toute la profession. Aussi, l'Association nationale des abattoirs industriels avicoles (ANAVI) s'est-elle voulue rassurante dans le communiqué référencé sous le numéro 61/2014, parvenu à la rédaction en soulignant tout d'abord que les images du reportage de 2M sont celles du marché de gros de volailles de Casablanca. «Rassurez-vous, les viandes de volailles issues des abattoirs industriels avicoles sont des viandes saines et salubres», dit-elle.. Mais voilà, ce communiqué n'est pas si rassurant dans la mesure où il affirme que la filière de l'abattage industriel des volailles est représentée par plus de 20 abattoirs agréés par l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), qui préparent annuellement 100.000 tonnes de viandes de volailles, soit seulement 20% de la production nationale ! Qu'en est-il des 80% restants ? Et comment tolérer en admettant même qu'il s'agisse du marché de gros que ces pratiques se déroulent au su et au vu de tous et pendant six mois ? L'ANAVI n'hésite pas à charger les autorités sans les nommer, puisqu'il est clairement souligné qu'elle n'a «d'ailleurs jamais cessé de sensibiliser et d'interpeller les autorités sur ces pratiques (la manière dont les volailles sont égorgées, déplumées et éviscérées au niveau du marché de gros de volailles de Casablanca) et sur l'application de la loi 49/99 qui fixe les règles pour l'exercice de l'activité de l'abattage de volailles». Une question tout aussi légitime : mais que font les autorités pour mettre un terme à ces pratiques scandaleuses, privant les Marocains de leur droit à une nourriture saine ? L'abattage traditionnel a pignon sur rue En attendant les réponses de l'ONSSA contacté par nos soins, sur la politique et les mesures mises en place pour lutter contre l'abattage clandestin, il est utile de rappeler que les faits révélés dans ce reportage ne sont pas inédits. Aussi choquants soient-ils, ils ne sont pas isolés ! En effet, il n'existe pas un souk ou une ville dans le Royaume où l'on ne trouve pas des riacha, des petits commerce où l'on trouve volaille vivante et viandes de volaille, ce qu'interdit formellement la loi 49/99. Et cette loi stipule que sont soumis à autorisation dans les conditions prévues par cette loi, l'exercice des activités d'abattoirs avicoles, d'établissements de découpe, transformation, conditionnement, congélation des viandes de volailles ainsi que la commercialisation desdites viandes et oeufs. Ce qui signifie que les petits éleveurs ou commerçants pratiquant l'abattage artisanal tombent sous le coup de cette loi. Pourtant, il n'en est rien. Ils ne sont même pas inquiétés et sont de plus en plus nombreux avec le développement de la consommation de la volaille au Maroc. Idem pour le transport de volailles qui continue à s'opérer de manière artisanale et non hygiénique ! Sommes-nous contraints à supporter longtemps cette situation kafkaïenne de violation d'une loi et qui constitue un danger imminent pour la santé publique ? Une chose est sûre, si certains citoyens peuvent se permettre d'aller s'approvisionner dans les grandes surfaces, une large frange de la population ne peut faire ses emplettes que dans les souks et c'est aux autorités qu'incombe la responsabilité de veiller à ce que leur morceau de volaille soit «sain». Ce qui est loin d'être le cas actuellement !