Le Chambre des représentants a entériné l'adoption de la Convention de Varsovie du Conseil de l'Europe relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Le Royaume s'engage ainsi à renforcer ses moyens légaux et à mettre à niveau son arsenal juridique en matière de lutte contre le blanchiment. Les établissements financiers seront appelés à collaborer davantage. Le Maroc durcit encore un peu plus sa législation destinée à lutter contre le blanchiment de capitaux et semble prendre à bras-le-corps les problèmes liés au financement du terrorisme. En effet, la com-mission des affaires étrangères de la Chambre des représentants vient d'adopter, sur proposition du gouvernement, un texte avali-sant la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme. Une initiative bienvenue qui va permettre au Maroc d'harmoni-ser son arsenal juridique avec les meilleures normes internationales, et de collaborer de manière inté-grée avec les pays signataires de la convention. Cela s'avère d'autant plus nécessaire que le contexte géopolitique actuel est profondément marqué par une montée en force de la menace terroriste. A menace globale, réponse globale. Et cette réponse est très sévère puisqu'elle prône la «tolérance zéro» et impose aux signataires d'adopter les mesures nécessaires à l'identification et à la confiscation des biens blanchis tout comme elle permet, entre autres, aux tribunaux de saisir des dossiers bancaires de clients soupçonnés. Pour Kamal Mesbahi, profes-seur universitaire et membre de Transparency Maroc, «cette adoption est un signal politique fort, signifiant probablement que le Maroc s'engage à renforcer ses moyens légaux pour lut-ter contre le blanchiment et les crimes connexes». Cela implique que le Royaume doit faire évoluer sa législation et notamment son code pénal en le mettant à niveau. L'adoption de cette Convention sera d'une aide précieuse pour y parvenir. En effet, selon K. Mesbahi, «les dispositions de cette convention du Conseil de l'Europe qui date de 2005 peuvent gran-dement aider le Maroc à renforcer son dispositif contre le blanchi-ment des capitaux, bénéficier de l'expertise technique des autres membres signataires, obtenir, traiter, analyser et échanger des informations sur les opérations douteuses». Pourtant, dans le domaine du blanchiment de capitaux, le Maroc n'a pas toujours été un bon élève. La prise de conscience date de quelques années seulement, pro-bablement après les attentats du 16 mai 2003. Il y a encore peu, le Maroc figurait sur la liste grise du GAFI (Groupe d'action finan-cière), qui est l'instance internatio-nale chargée d'établir les normes internationales en matière de lutte contre le blanchiment de capi-taux. Ce qui pour un pays qui ambitionne de devenir un centre financier international aurait fait tâche. Le retrait du Maroc de cette liste ne date que de septembre 2013. Il est venu couronner les efforts du Royaume en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB/FT). Les mesures prises ont été implémentées de façon gra-duelle à partir de 2007, comme l'explique K. Mesbahi : «La loi contre le blanchiment des capi-taux fut adoptée en 2007. Elle a permis de compléter le code pénal en lui ajoutant les articles 574-1 à 574-7 qui incriminent et sanctionnent ce délit. La mise en place de l'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF) en avril 2009 est venue renforcer le dispositif anti-blanchiment». En avril 2013, le Parlement a adopté un projet de loi relatif à la lutte contre le blanchiment d'argent qui s'étend également sur le finance-ment d'activités terroristes. Les banques doivent jouer le jeu Cette succession de mises à niveau démontre une chose : la lutte contre le blanchiment des capitaux nécessite une adaptation et un suivi de tous les jours car comme le rappelle K. Mesbahi, «aucun dispositif ne peut être effi-cace une fois pour toutes pour ce genre de délit. Les tricheurs auront toujours une longueur d'avance sur les lois et les règlementations censées les combattre». Il faut donc sans cesse être en alerte, ne pas figer la règlementation et appliquer strictement les lois et les sanctions. «Durcir les sanctions pénales et financières et renforcer les moyens d'action de l'UTRF peuvent s'avérer utiles», poursuit notre interlocuteur. Mais comme pour toute régle-mentation, celle-ci ne peut être efficace que si les assujettis à la loi et les parties prenantes jouent le jeu. En d'autres termes qu'ils déclarent systématiquement les opérations douteuses. K. Mesbahi déplore le fait que ce ne soit pas encore totalement le cas : «Il semble avec du recul que les assu-jettis à la loi (établissements de crédits, banques et sociétés hol-ding offshore, compagnies finan-cières, entreprises d'assurances et de réassurances, contrôleurs de comptes, comptables externes et conseillers fiscaux) ne jouent pas pleinement le rôle qui leur incombe, selon les termes de la loi. Il faut que tous les assujettis à la loi remplissent réellement leur rôle préventif et donnent l'alerte aux autorités compétentes dès qu'une opération financière dou-teuse, un dépôt anormal ou un retrait excessif et inhabituel se fasse dans leurs locaux». Espérons que grâce à cette convention, les responsabilités seront bien établies. Quid de l'UTFR ? L'Unité de traitement du renseignement financier (UTRF) est la cellule maro-caine de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terro-risme. Elle a été créée en 2009 et est rattachée directement à la primature. Elle a pour principale mission «de contribuer à la protection de l'intégrité de l'économie et du système financier marocain à travers la lutte contre le blan-chiment de capitaux, le financement du terrorisme et les réseaux financiers clandestins». En 2012, le nombre de déclarations de soupçons reçues par l'UTRF étaient de 169, contre seulement 11 en 2009, 70 en 2010 et 102 en 2011. Les banques ont été à l'origine de 94% des déclarations en 2012.