La procédure d'équivalence des diplômes obtenus à l'étranger est sensiblement moins lourde depuis 2013. Une démarche louable entreprise par le gouvernement pour faciliter l'accès de milliers d'étudiants aux concours de l'administration publique. Néanmoins, le parcours n'est toujours pas une sinécure. Depuis 2013, la pro-cédure d'équivalence des diplômes pour les étudiants marocains qui ont obtenu un diplôme à l'étranger et qui souhaite inté-grer la fonction publique dans leur pays d'origine a été facilitée. En effet, auparavant la procé-dure était très lourde et pouvait prendre plusieurs mois. Le jeune diplômé était obligé de passer dans un premier temps par le département de l'enseignement supérieur qui lui délivrait une équivalence scientifique. Puis dans un deuxième temps, par le ministère de la Modernisation des secteurs publics pour obte-nir une équivalence administra-tive. Un long chemin parsemé d'attente et d'allers-retours incessants qui avait pour consé-quence que nombre d'étudiants n'étaient pas en mesure de pas-ser les concours de l'administra-tion publique tant qu'ils ne pos-sédaient pas le précieux sésame. Une procédure kafkaïenne qui a fait long feu, et qui n'épar-gnait personne, pas même les lauréats des plus prestigieuses écoles du monde. Résultat : un nombre important de diplômés marocains à l'étranger ne pre-naient même pas la peine de demander l'équivalence, décou-ragés par la lourdeur de la pro-cédure, et privant par la même occasion l'Etat de compétences dont il avait bien besoin. Une masse de docu-ments exigés Désormais, l'équivalence des diplômes est du seul ressort du ministère de l'Education nationale qui, en simplifiant la procédure, cherche à ne pas exclure les meilleurs éléments d'accéder à la fonction publique, sachant que dans le secteur privé, ce genre d'équivalence est très rarement exigé. Le ministère affirme se baser sur des critères transparents en établissant une liste des établissements recon-nus par le Maroc. Les diplômes obtenus en dehors de ces éta-blissements ne sont pas admis. Pour autant, il ne faut pas croire que tout est devenu limpide et simple. Le département de tutelle n'exige pas moins d'une dizaine de documents et autres pièces justificatives qui doivent accompagner la demande d'équivalence. L'autorité gouver-nementale chargée de délivrer les équivalences exige même que tout document libellé dans une langue autre que l'arabe ou le français, doit être accompa-gné d'une traduction intégrale dans l'une de ces langues, assu-rée, soit par l'autorité compé-tente du pays ayant délivré le diplôme, soit par un interprète assermenté ! Une première étape a donc été franchie, mais elle semble encore insuffisante. En effet, malgré cette «simplification», nombre de diplômés marocains rechignent encore à tenter l'aventure. TEMOIGNAGE : Fuite des cerveaux : un vrai manque à gagner Younes E. est un jeune banquier d'affaires marocain à Paris. Comme lui, ils sont des milliers de Marocains à opter pour une carrière professionnelle dans le pays où ils ont obtenu leur diplôme. Finances News Hebdo : Parlez-nous briè-vement de votre cursus dans l'enseigne-ment supérieur ? Younes E. : Après avoir fait toute ma scolarité au Maroc, j'ai choisi de faire les classes prépa-ratoires en France. Après deux années d'études, j'ai pu rejoindre l'ESCP Europe, une des 3 grandes écoles de commerce de Paris. Après une année d'enseignement général, j'ai décidé de consacrer mes deux dernières années dans cette école à une spécialisation dans le domaine de l'ingénierie financière. C'est cette expertise acquise durant ces années d'études que je mets aujourd'hui en oeuvre dans le cadre de mon activité de consultant en fusion-acquisition. F. N. H. : Pourquoi avoir choisi la France pour poursuivre vos études ? Y. E. : Le choix de la France s'est imposé tout naturellement à moi, ayant effectué toute ma sco-larité en langue française, et aussi parce que le système éducatif français est réputé être un des meilleurs au monde, notamment dans les filières d'excellence comme les grandes écoles de com-merce ou d'ingénieurs. Par ailleurs, j'ai rapidement souhaité intégrer le système des classes préparatoires. Ce dernier garantit un enseignement de qualité unique en son genre et permet à chacun de tenter sa chance au moment des concours. En ce sens, c'est un garant de la méritocratie. A l'époque, ce système était faiblement développé au Maroc et ne garantissait pas, selon moi, les mêmes chances de réussite aux concours des grandes écoles. F. N. H. : Pour quelles raisons avez-vous décidé de travailler à l'étranger plutôt que de rentrer au Maroc ? Y. E. : Tout d'abord, je l'ai fait pour des raisons personnelles. Après 7 ans d'études en France, il m'apparaissait difficile de tirer un trait sur toutes les attaches sociales qui me liaient à ce pays. Je n'ai pas eu trop de temps pour me poser des questions sur mon avenir professionnel. J'ai rapi-dement pu bénéficier d'une offre en tant qu'ana-lyste fusion-acquisition dans un petit cabinet à Paris. En ce sens, la question du retour au Maroc n'a pas trop effleuré mon esprit. F. N. H. : A votre avis, que devrait faire le Maroc pour permettre le retour de ces cer-veaux et de ces compétences ? Y. E. : Selon moi, l'attractivité du marché du tra-vail marocain ne se limite pas aux seuls critères classiques de revenus, formation, perspectives de carrière, etc... Bien sûr, ces paramètres comptent mais n'ayant jamais travaillé au Maroc, je ne suis pas en mesure d'apporter un jugement qualitatif. L'attractivité dépend aussi de l'image que renvoie le pays à ses ressortissants à l'étranger. Je pense en particulier à la situation des libertés individuelles et au climat général des affaires, à propos desquels je ne suis pas convaincu que des avancées déter-minantes aient été faites ces dernières années. F. N. H. : La fuite des cerveaux est un phé-nomène qui pénalise beaucoup le Maroc. Qu'en pensez-vous ? Y. E. : C'est effectivement pénalisant pour le pays si l'on considère que les Marocains ont vocation à travailler au Maroc à terme. Je ne fais pas ce lien de manière automatique. Je pense que les réformes que le Maroc a entreprises et conti-nuera à entreprendre devront permettre d'attirer un champ plus vaste de travailleurs qualifiés qui dépasse celui des seuls Marocains. Car l'essentiel selon moi, n'est pas d'attirer des cadres marocains qualifiés, mais plutôt de faire en sorte que l'économie marocaine crée des emplois qualifiés qui pourront être pourvus par n'importe quel candidat qualifié, et cela quelle que soit sa provenance.