Le CDVM vient de rejeter l'offre publique d'achat initiée par Etisalat sur le flottant en Bourse de l'opérateur marocain. Il invoque pour cela des raisons d'intérêt économique pour le pays. Plusieurs questions restent en suspens dans ce dossier. Nous en avons choisi trois, dont la simulation de l'effet de l'OPA sur le marché, et surtout l'intérêt des minoritaires qui ont été lésés par la non-recevabilité de l'OPA. Mouhammed Mariane, gérant d'OPCVM à Marogest, revient sur le dénouement de cette histoire et répond à nos trois questions sans aucune langue de bois. Finances News Hebdo : Le CDVM a rejeté l'OPA d'Etisalat sur le flottant de Maroc Telecom. Les opérateurs du marché s'atten-daientils à cette décision ? Mouhammed Mariane : Avant de passer au stade de rejet de l'OPA, cer-tains opérateurs du marché croyaient que cette opération n'a même pas lieu d'être vu que la vente a porté sur la cession par Vivendi de la coquille SPT (société de participation dans les télé-coms), une structure à travers laquelle Vivendi détenait indirectement les 53% de parts de Maroc Telecom. Aussi, la non-conclusion du deal via le mar-ché boursier n'a fait qu'alimenter les doutes qui allaient bon train dans ce sens. Cela dit, une fois l'offre publique déposée, nul ne soupçonnait son rejet, du moins pour les raisons évoquées par le CDVM. La discordance sur le marché s'articulait entièrement autour du prix de l'offre qui allait être proposé. F.N.H. : le CDVM évoque les inté-rêts économiques du Royaume pour justifier cela. Que pensez-vous de cette justification ? Est ce une raison suffisante à votre avis ? M. M. : Bien que surprenante, la déci-sion du CDVM de rejeter l'OPA s'inscrit dans le cadre d'une philosophie glo-bale visant à affaiblir la prédominance des étrangers et ainsi garder l'oeil et le contrôle sur des sociétés clés du paysage économique marocain. Ce constat, on l'a palpé notamment au cours des dernières cessions straté-giques opérées par la SNI «Cession de Lesieur à Sofiprotéol, de Cosumar à Wilmar et de Bimo à Kraft Foods», où il a toujours été question d'incruster quelques intervenants locaux dans le tour de table pour approuver les opé-rations. Ce qui est regrettable toute-fois, c'est qu'en rejetant cette OPA, le CDVM fait passer l'intérêt économique et stratégique national au-dessus de celui des minoritaires qui se trouvent alors privés d'exercer le droit de sortie, garanti d'ailleurs par l'article 18 de la loi numéro 26-03 relative à l'offre publique d'achat. F.N.H. : Enfin, quel impact aurait eu l'OPA si elle avait eu lieu ? M. M. : Si elle avait été réalisée, l'issue de l'OPA aurait considérablement dif-féré selon le prix d'achat convenu. Si le prix de cession était trop bas, l'OPA aurait intéressé peu d'intervenants, l'impact dans ce cas de figure sur le marché boursier aurait été minime, bien qu'une pression vendeuse aurait secoué passagèrement le titre, le tirant vers le prix de l'offre convenu. Le deu-xième scénario, le plus vraisemblable, d'ailleurs, au vu de la portée stra-tégique que revêt cette participation pour Etisalat, est que le prix allait être élevé. Le cas échéant, bon nombre d'investisseurs auraient apporté leur titre à l'offre, conduisant de fait à une diminution du flottant de la valeur en Bourse, et menant dans le pire des cas à une radiation de la valeur de la cote. La perte de Maroc Telecom aurait été, sans nul doute, lourde de consé-quences pour la Bourse de Casablanca dont le fonctionnement repose sur une poignée de valeurs qui se comptent sur le bout des doigts.