«De l'autre côté du soleil» ! Pour qui connaît Ahmed Ghayet, ce titre ne manquera pas de lui rappeler sa dimension symbolique. Car, l'expression est à elle seule illustrative d'un combat que l'auteur mène depuis plus de quinze ans, au cœur des quartiers populaires, dans cet espace si reclus que le langage populaire a si bien codé : «ouwra chemss». Là où ci-git bas des populations si isolées qu'elles n'accèdent pas aux lumières et à ce radieux soleil qui inonde les contrebas de la métropole casablancaise. «De l'autre côté du soleil», c'est donc le double cri de cœur et de détresse d'un homme qui a conçu sa vie comme un combat, une sorte de parcours singulier en faveur des jeunes démunis... Militant infatigable et impénitent lutteur des dignités oubliées et marginalisées, ou tout simplement bafouées, Ahmed Ghayet a choisi son camp, et non des moindres. Celui de la marginalité, inscrite sur le fronton de son parcours comme une devise internationaliste. De sa jeunesse socialiste française, il gardera la culture des principes, devançant même ses amis dans la formation d'une conscience «sociale» forgée dans les banlieues parisiennes, trempée dans l'exaltation des combats d'intégration, d'insertion, de réinsertion, enfin de cette part si peu ludique, plutôt cruelle des luttes. Membre de cabinet de Martine Aubry, elle-même égérie du Parti socialiste français, il est en charge du dossier des jeunes, sans distinction de races, d'origines ou de cultures. Confronté à vrai dire à cette implosive émergence qui bout en marge des discours lénifiants sur l'intégration. Las ! il quittera et la France et ses «jeunes» marginaux, la main sur le cœur, non pas désenchanté, mais aguerri, repu de fatigue des combats qui se déplacent. A Casablanca, dans ce Maroc qui incarne à ses yeux le renouveau démocratique avec l'avènement du règne de Mohammed VI, Ahmed Ghayet ne déserte pas sa vocation : l'engagement social, il crée le Réseau Maillage, plongeant dans les marécages des exclusions et des précarités. Au lendemain des attentats du 16 mai 2003, il est le premier à être interpellé par la tragédie d'une jeunesse vouée à sa solitude, abandonnée...Il lance le mouvement «Matqiche Bladi» et, dans la foulée, en 2009, «Marocains Pluriels» qui invoque une culture fédérative, unificatrice dans la pure tradition de diversité propre au Maroc. Car, n'en doutons pas, le Maroc, son Maroc c'est l'identité plurielle, marocaine, africaine, musulmane, juive, chrétienne, arabe, berbère, etc...Il installera le «Café Politis», forum interdisciplinaire aux échos riches, mais phalanstère de débats contradictoires. C'est déjà la démocratie d'opinion, l'entreprise destinée entre autres à débarrasser le discours officiel frileux de sa naphtaline. Le livre de Ahmed Ghayet constitue le prélude à une réflexion sur l'engagement sociétal, à coup sûr un événement, du reportage vertical trempé dans le champ du réel. Une séance de signature et de dédicace était organisée vendredi 21 février, au stand des éditions «La Croisée des chemins», au Salon du Livre à Casablanca.