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«Le marché est peu structuré»
Publié dans Finances news le 09 - 03 - 2006

* La hausse des prix à la pompe n'a eu aucun impact sur l'activité de location longue durée.
* Avec un marché estimé à 14.000 véhicules de location longue durée, Arval détient plus de 15 % de PDM avec 1.700 véhicules.
* Le cadre réglementaire met le court terme et le long terme dans un seul volet, alors que ce sont deux métiers différents.
* La concurrence est telle que les prix sur le marché n'ont aucune réalité économique.
* Le marché n'est pas mature pour recevoir la location longue durée pour les particuliers.
Finances News Hebdo : Certains avançaient qu'en 2007 le parc des véhicules de LLD serait de l'ordre de 20.000 véhicules. Au jour d'aujourd'hui, est-ce qu'on peut dire que cela se concrétise ?
Hugues Thiebaut : Le marché n'est pas connu. Les gens disent que le parc sera de 20.000 véhicules en 2007, je ne sais pas d'où ils ont eu ces informations. Moi, je me mets en porte-à-faux par rapport à cette information. Cela ne veut pas dire que cette information soit fausse, mais je ne sais pas si elle est vraie. Parce qu'aujourd'hui, il n'y a pas d'information de marché. On ne sait pas avec précision quel est le marché potentiel; on ne sait pas combien il y a de véhicules en location longue durée auprès des entreprises et administrations avec précision; on ne sait pas quelle est la part de marché de chacun parce que le parc de chacun n'est pas public et les loueurs ne communiquent pas leur part.
Par ailleurs, même s'ils communiquaient et qu'il y ait des informations qui circulent, la fiabilité de ces informations est discutable, non seulement parce que les gens se mettent en avant, mais une partie de ces loueurs font du court terme et du long terme, donc on ne connaît d'aucune manière la répartition des véhicules affectés au court terme ou au long terme.
F. N. H. : Pourquoi le marché se retrouve-t-il dans cette situation floue ?
H. T. : C'est clair, le marché n'est pas organisé.
C'est un métier nouveau, même s'il a 6 à 7 ans au Maroc. Mais il reste un métier nouveau par rapport à l'Europe ou aux USA où ce métier date de plus de 30 ans.
Il n'y a pas une transparence folle dans ce marché; et puis, les acteurs sont nouveaux dans le métier. En effet, il y a des gens qui ont l'expérience du métier, c'est le cas d'Arval qui est adossée à 18 ans d'expérience du Groupe dans le monde, de ALD et d'autres sociétés, mais il y a aussi des acteurs nouveaux dans ce métier et ils n'ont pas forcément une expérience dans la location. Cela ne remet pas en cause leur capacité à le faire, mais ils n'ont pas une expérience ancienne, donc forcément ils communiquent moins, ils ne donnent pas spontanément l'information. Du coup, le marché est peu structuré.
F. N. H. : Mais, avez-vous relevé une quelconque évolution de l'activité durant l'année écoulée ?
H. T. : Il n'y a pas de chiffres dans ce marché, mais nous avons notre propre estimation du marché qui est de l'ordre de 12.000 à 14.000 véhicules loués en location longue durée. Notre part de marché est entre 15 et 20 % avec 1.700 véhicules. Nous avons maintenu cette part de marché et nous ne l'avons pas augmentée, parce que nous sommes en phase de restructuration.
Nous avons travaillé en 2005 sur le service après-vente qui est une priorité pour nous. Nous avons actuellement 400 points de services chartés à travers le Maroc.
Et maintenant, nous sommes en train de développer notre stratégie commerciale dont les axes stratégiques sont les grands comptes, qui sont des filiales marocaines de sociétés internationales. Nous travaillons en partenariat avec les grands clients de la BMCI, filiale comme Arval, vous le savez bien, de BNP Paribas.
Le deuxième axe stratégique est les PME et nous travaillons essentiellement sur le réseau de la BMCI.
Le troisième est le secteur public qui se développe en terme de location longue durée au Maroc. On estime ce parc de l'ordre de 40.000 à 45.000 véhicules.
F. N. H. : Comment est réparti votre parc ?
H. T. : Nous avons dans notre parc quelques clients publics comme l'OCP, l'ONE, le LPEE, Barid Al-Maghrib...
Nous travaillons aussi avec de grands clients et avec des PME. Donc, notre parc est réparti de manière cohérente avec notre stratégie. On continue à exceller là-dessus.
F. N. H. : Pensez-vous que les appels d'offres pour les marchés publics se font de manière transparente ?
H. T. : Dans ceux que j'ai vus en tout cas, il y avait des appels d'offres très transparents et d'autres qui l'étaient moins. Je pense qu'il y a de l'amélioration à faire dans ce sens, sachant que ça va dans le bon sens. Mais il y a encore des efforts à faire. Comme la transparence fait partie de notre politique, nous sommes bloqués sur certains clients.
F. N. H. : Il semble que le marché a été très difficile en 2005 ?
H. T. : C'est un marché très concurrentiel. C'est-à-dire qu'il y a eu des guerres de prix. A chaque fois qu'il y a un nouvel intervenant qui arrive sur le marché, il essaye « d'acheter une part de marché » et provoque une pression sur les prix qui est très favorable au client final, mais qui est très perverse pour le métier. Je respecte la stratégie de chacun, mais à ce rythme là, c'est dangereux, parce que nous avons maintenant des prix sur le marché qui n'ont plus aucune réalité économique.
F. N. H. : Comment avez-vous géré la hausse des prix du pétrole ?
H. T. : La hausse des prix du pétrole a peu d'impact. Ceci étant, nous travaillons plus sur l'aspect consommation du véhicule. La location d'un véhicule comporte deux parties. Il y a la partie location du «budget auto», et l'autre partie est le «budget carburant». La plupart des acteurs travaillent essentiellement sur la première partie et se focalisent sur le prix de location parce que le client est sensible au prix. Et il oublie deux composantes essentielles. D'abord la qualité de service et puis le coût du carburant. Et entre deux véhicules qui ont le même loyer et le même moteur, d'une marque à l'autre on peut avoir des différences de consommation de carburant importantes d'un véhicule à l'autre et qui peuvent avoir des impacts très significatifs sur le budget. Beaucoup plus significatifs que le différentiel de prix qu'il peut y avoir entre deux loueurs. Et c'est quelque chose que le client oublie.
Et nous, nous essayons de sensibiliser les clients là-dessus. Pour l'instant, ils ne sont pas très réceptifs, ils ont tort. C'est un axe de développement en France et dans les autres pays d'Europe. Le budget carburant n'inclut pas uniquement le prix du pétrole, mais aussi le comportement du conducteur. Nous essayons de conseiller nos clients sur les comportements à avoir quand on est au volant. Ce volet inclut aussi tout ce qui est sécurité routière et prévention contre les accidents. Le Groupe Arval est très sensible à la sécurité routière et mène de grandes campagnes dans le monde. Au Maroc, nous travaillons aussi là-dessus. On a constaté dans ce sens que 80 % des sinistres sont causés par un manque de responsabilité. Les gens qui louent des voitures se disent qu'il y a une assurance tous risques derrière, donc ils ne font pas de constats parce que l'assurance paye. Et c'est un comportement qu'il faut changer.
F. N. H : Quelles sont les actions menées dans ce sens ?
H. T. : Analog, l'Association des loueurs à long terme dont nous faisons partie est en train de signer une convention avec le Centre national de prévention contre les accidents de la circulation, pour participer de manière active dans la prévention. Il y en a d'autres : le Jour de la prévention routière, nous avons mené une campagne où nous avons envoyé des autocollants à nos locataires sur la sécurité routière. Et puis, depuis fin février, la ceinture de sécurité à l'arrière est devenue obligatoire. Nous avons équipé nos véhicules afin de remplir nos obligations en terme de respect de la loi.
F. N. H. : On vous a certainement posé cette question à maintes reprises : dans quelles conditions réglementaires et fiscales évolue le métier ?
H. T. : Il est important de rappeler qu'il y a deux métiers différents de la location, à savoir la location à court terme et la location à long terme.
Pourtant, le métier est considéré comme un seul métier au niveau du Maroc. Et à l'origine, les textes réglementaires ont été conçus pour la location courte durée. Donc, il y a des choses qui ne s'appliquent pas à nous mais qui mettent des freins à notre activité.
Notamment la visite technique tous les six mois qui a un très grand sens dans la location à court terme où les véhicules sont loués au grand public. En revanche, pour nous, le véhicule reste trois ou quatre ans dans la même société, comme si on faisait un leasing ou si la société achetait son véhicule ; une visite technique tous les six mois n'a pas de sens.
Pareil pour l'autorisation de circulation qui dure un an et qu'il faut renouveler. C'est souhaitable pour le court terme, mais pour le long terme, elle doit être valable au moins pendant la durée du contrat de location. Ce sont des choses pas compliquées, mais ce sont des freins et des coûts en plus avec des tracasseries administratives quand on a 1.700 autorisations à refaire, 1.700 vignettes...
F. N.H. : Pensez-vous que le Maroc est prêt à accueillir la location longue durée pour particuliers ?
H. T. : Je pense que le marché n'est pas prêt. Il n'est pas encore mature au niveau des PME; il est mature au niveau des grandes entreprises et on s'aperçoit encore que ce n'est pas le cas pour toutes. On a un taux de pénétration assez faible sur le marché des PME. Il y a d'autres freins à la LLD pour particuliers, je ne pense pas que les particuliers soient facturés de toute la TVA sur les garages pour les réparations. Il y a l'aspect risque: quand on loue,nous avons en face des clients qui payent, d'autres qui ne payent pas, alors faire du recouvrement sur les particuliers, c'est difficile.
Et puis, le marché n'est pas structuré pour recevoir ce genre de location.


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