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Prévisions économiques : Le constat controversé de la Banque mondiale
Publié dans Finances news le 13 - 02 - 2014

Au Forum de Paris Casablanca, l'économiste en chef de la Banque mondiale pour la région MENA,
Jean-Pierre Chauffour, a livré les anticipations de son institution pour le Maroc à l'horizon 2034. Le constat est de toute évidence plus que consternant, car dans 20 ans, le Maroc atteindra le niveau d'un pays comme
la Roumanie aujourd'hui. De quoi se poser des questions sur les méthodes de cette prestigieuse institution.
Monsieur Chauffour, graphiques et chiffres à l'appui, a démontré au début de son exposé que le PIB par habitant au Maroc est en progression constante depuis les années 60, avec cependant une accélération à partir de l'an 2000. Une ligne ascendante claire et régulière montrait que le PIB par habitant a plus que triplé en passant de 700 dollars à 2.500 dollars sur la même période. Réjouissant ! Mais le public présent a dû rapidement revenir sur terre lorsque la courbe de croissance du Royaume a été superposée à celle de pays comme la Corée du Sud, la Chine ou la Malaisie. Des pays qui avaient le même niveau de PIB par habitant durant les années 60 et qui ont ensuite vécu des accélérations fulgurantes à partir des années 80, laissant le Maroc bien derrière avec sa courbe de croissance aux allures, finalement, tristement plates. Jusqu'ici, l'exposé du sympathique économiste était clair et argumenté. Quand bien même des questions se posent quant à la représentativité et la cohérence d'un tel indicateur, car le PIB/habitant ne reflète en rien la vraie richesse par habitant. Il faut en effet le pondérer par la qualité de la distribution des richesses dans le pays. Chose qui n'entre pas dans sa formule de calcul.
Par la suite, l'économiste de la Banque mondiale a poussé le bouchon un peu trop loin. Selon lui, son institution prévoit pour le Maroc une croissance moyenne de 3,6% du PIB par habitant à l'horizon de 20 ans. Ainsi, en 2034, le revenu par habitant au Maroc serait-il équivalent à 5.000$. Et d'ajouter, «ce niveau sera équivalent à celui de la Roumanie ou du Costa Rica d'aujourd'hui». Ainsi, pour la Banque mondiale, il nous faut 20 ans pour rattraper des pays comme ceux cités. La Roumanie, parlons-en. Ce pays vit une vraie tragédie grecque en ce moment. Frappé de plein fouet par la crise économique juste après son adhésion à l'UE, il est devenu la risée de ses compagnons au sein de l'Union. A la faveur notamment d'une éducation complètement défectueuse et d'une détresse économique et politique que notre société n'a jamais vécues. Quant au Costa Rica, il n'y a pas lieu de s'attarder sur sa description. Sa seule «vertu» est d'être un paradis fiscal. Une coquille vide, une grande société écran. Dans 20 ans, nous ressemblerons donc à ce que sont ces pays aujourd'hui et tout cela, chiffres à l'appui.
En cours d'exposé, notre économiste a retrouvé un discours beaucoup plus réaliste (à nos yeux) en estimant qu'avec un peu plus d'efforts (de l'ordre de 1% de croissance supplémentaire par an), le Maroc de 2034 sera équivalent à la Malaisie d'aujourd'hui. Une projection somme toute raisonnable et qui nous intéresse.
Mais attention, en 2034 il nous est aussi possible de ressembler à la Corée du Sud d'aujourd'hui. Si, si. Mais pour cela, il faudra atteindre un taux de croissance annuelle de 10% par an pendant 20 ans. Une prouesse que seule la Chine a réussi à réaliser, mais en sacrifiant deux générations de sa population par des salaires de misère, des institutions tyranniques qui préservent la paix sociale par la force et des richesses pour le moins mal réparties. D'après Hongtao Zhao, un banquier chinois, invité également au Forum de Paris, «il est difficile de reproduire le modèle chinois, car rares sont les pays qui accepteraient de tels sacrifices pour leurs générations à venir». Tant mieux, car cela ne sera jamais accepté par un peuple comme le nôtre.
L'exposé du représentant de la Banque mondiale en dit long sur les méthodes des institutions financières internationales. Car de telles conclusions résultent des recommandations que les pays prennent généralement en considération pour adapter leurs politiques économiques. Mais approcher une économie uniquement par des chiffres et des moyennes statistiques facilite certes les comparaisons, mais crée des raccourcis parfois erronés. Difficile d'admettre et de démontrer avec la rigueur requise que dans 20 ans, et à rythme égal, nous serons un pays qui ressemble à la Roumanie ou au Costa Rica d'aujourd'hui.


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