Bientôt vieille de 20 ans, la charte de l'investissement avait initialement pour objectif d'améliorer le climat des affaires. Aujourd'hui, elle est vétuste et dépassée. Le législateur n'hésite plus à la contourner. Cependant, des dommages collatéraux commencent à apparaître, fruits d'une politique hasardeuse. Exemple d'un partenariat public/privé qui a mal tourné dans le domaine du capital investissement. La charte de l'investissement de 1995 a comme objectif fondamental de «fixer l'action de l'Etat pour les dix années à venir». C'est ce que stipule l'article premier de cette loi publiée au Bulletin officiel le 8 novembre 1995. Cela veut dire qu'une nouvelle loi devait la remplacer au terme de la période. C'est-à-dire en 2005. Seulement voilà, hormis la création de l'Agence marocaine du développement et de l'investissement (AMDI), rien n'a été fait ni en 2005, ni après. Pourtant, durant ces 18 années, beaucoup de réformes ont vu le jour et ont surclassé les évolutions instaurées par la charte. Pendant l'été 2013, certains de nos confrères titraient sur un nouveau projet quasi finalisé et qui sera bientôt dans le circuit législatif. Soit 7 ans après la date butoir. Un sujet qui n'est que très rarement évoqué par le gouvernement qui, manifestement avec cette attitude , montre son désintérêt pour la question. Une nouvelle charte dans le pipe Ce retard dans l'élaboration d'une nouvelle charte de l'investissement a poussé les décideurs politiques à la contourner par moments avant qu'un changement de trajectoire concret ne prenne place en 2007 où certaines des mesures de cette charte ont été carrément inscrites au Code général des impôts, rendant ainsi inutile le référentiel de base. Il faut dire qu'avec les engagements pris par le Maroc vis-à-vis des investisseurs étrangers depuis 1995, cette charte était devenue caduque et non productive. La seule évolution qui a émané de ce texte est relative à la réglementation des zones franches. En face, d'autres mesures relatives à d'autres activités ne sont tout simplement jamais entrées en vigueur. L'histoire de la charte d'investissement ne s'arrête pas là. Car, l'Etat en avait profité pour lancer en 1998 et 1999 des partenariats public/privé (PPP) avec le secteur bancaire. Il s'agissait de dynamiser l'activité du capital investissement qui ne décollait pas d'elle-même à cause de l'inadéquation, encore persistante, entre les textes de loi et la réalité du terrain surtout en ce qui concerne le capital des entreprises éligibles. Des dégâts collatéraux «Les professionnels souhaitent que les investissements éligibles au régime fiscal incitatif débutent entre 100 et 150 MDH, alors que la charte avait instauré une limite basse à 200 MDH. Un chiffre qui exclut beaucoup de PME financièrement intéressantes», explique un professionnel de la gestion d'actifs pour nous éclairer sur les problèmes persistants de la profession. Bref, ces partenariats auxquels les banques se sont engagées, allaient les pousser à financer des projets généralement rentables sur papier pour promouvoir ce type de financement. Ces PPP intégraient plusieurs acteurs dans l'équation en plus des banques et des départements ministériels. Par exemple, dans certains dossiers, les banques finançaient des projets industriels qui allaient être construits sur des terrains publics appartenant aux villes ou aux entreprises publiques. Ces terrains devaient être loués aux porteurs de projets et les administrations avaient demandé en contrepartie que les loyers et les redevances en tout genre soient encaissés par les banques à leurs profits. «A l'époque, le capital investissement se développait à peine dans le Royaume et quelques banques engagées dans ce partenariat n'avaient pas de structures adaptées pour gérer ce type de produits. Aussi, vu la faiblesse des engagements, il n'était pas souhaitable d'investir dans une nouvelle organisation. Résultats: Des projets financés qui n'ont jamais vu le jour, des entrepreneurs qui ne rendent pas compte aux banques et de l'argent public qui n'a jamais été réclamé», explique notre source. Un vrai fiasco ! Nous avons également eu le témoignage de deux banquiers qui travaillent sur ces dossiers. Selon l'un d'eux : «Aujourd'hui, petit à petit, certains établissements publics demandent leurs dus aux banques et celles-ci adoptent deux types de comportements. Certaines cherchent autant qu'elles le peuvent de recouvrer ces sommes pour les restituer à l'Etat sans se préoccuper de leurs propres fonds. D'autres choisissent la voie simple. Provisionner, passer l'intégralité des sommes dues en perte sèche puis payer elles-mêmes les sommes dues. Elles ne lancent pas les procédures de recouvrement assez loin et veulent uniquement justifier légalement le caractère irrécupérable de ces fonds pour pouvoir en finir avec cette histoire». Les deux expliquent que leurs supérieurs n'ont nullement envie de «se casser la tête» en se lançant dans des chasses à l'homme pour dénouer des dossiers classés dans les archives et qui ont été initiés par des équipes autres que les leurs. Toutefois, ce qui exaspère le milieu bancaire dans cette affaire, c'est le manque de cohérence dans la démarche publique à l'époque. «Après tout, c'est l'Etat qui nous a sollicité et nous avons répondu à l'appel car c'est notre mission», explique un banquier. Cette affaire n'est qu'un exemple parmi d'autres. Beaucoup de PPP, même aujourd'hui, vont droit au mur à cause du manque de cohérence entre politique de développement publique et recherche de profit chez le privé. L'impasse devient alors la seule issue. Fin 2013, des réunions ont eu lieu entre le ministère des Finances et les banques pour trouver un terrain d'entente à ce sujet. Une seule banque parmi celles engagées ne souhaite pas provisionner ses dossiers et cherche à leur trouver une issue pour récupérer ses fonds. Le reste, pour des questions d'image et de temps, veut tout simplement provisionner ces fonds une fois que les missions d'audit valoriseront les engagements à leurs valeurs liquidatives. «Inutile de dire que lorsqu'un projet n'a jamais été lancé et que la banque a financé une personne physique sans garanties suffisantes, ces valeurs liquidatives sont nulles» conclut notre source.