Finances News Hebdo : Aujourd'hui, quelles sont les principales caractéristiques du marché du conseil en droit des affaires au Maroc ? Ali Bougrine : Le marché du conseil en droit des affaires est mature au Maroc. En effet, il existe de nombreux cabinets d'avocats ou de conseil en droit d'affaires au Maroc. Nous avons d'ailleurs été l'un des premiers cabinets étrangers de conseil à s'implanter au Maroc en 2002. Le marché du conseil en droit des affaires au Maroc est dominé par des cabinets de conseils d'affaires internationaux et quelques gros cabinets marocains, tous situés à Casablanca. Outre les traditionnels besoins en droit des affaires (droit des sociétés, Private equity, droit du financement, etc.), nous pouvons observer ces dernières années sur le marché du droit marocain le développement du droit public des affaires, du droit de la concurrence, du droit réglementaire et de la conformité, notamment en matière de protection des données personnelles et compliance.
F.N.H. : Selon vous, les entreprises marocaines ont-elles développé suffisamment la culture de se faire accompagner en matière de conseil en vue de limiter et de gérer au mieux une panoplie de risques liés à leur activité ? A. B. : A mon sens, il faut distinguer selon la nature et la taille de l'entreprise. En effet, les grandes entreprises marocaines d'une certaine taille ont parfaitement intégré ce réflexe. En effet, qu'elles disposent ou non d'un service juridique intégré, le fait de se faire accompagner pour leurs opérations complexes et/ou stratégiques par un conseil extérieur est naturel et habituel. En revanche, pour les PME et certaines ETI, le recours à un conseil externe spécialisé est parfois moins naturel. La plus-value apportée par un cabinet de conseil spécialisé en droit des affaires n'est pas systématiquement perçue ou valorisée à sa juste mesure. Il existe encore un travail de pédagogie à réaliser pour faire comprendre à certains dirigeants la nécessité et les avantages pour eux de disposer d'un accompagnement en droit des affaires adapté à leurs projets.
F.N.H. : Les cabinets spécialisés dans le conseil et le contentieux en droit des affaires ont foisonné ces dernières années. Pour vous, quels sont les principaux facteurs de différenciation, susceptibles de permettre à un cabinet d'avocats de tirer son épingle du jeu au Maroc, voire à l'étranger ? A. B. : Il est vrai qu'au cours de la dernière décennie, il y a eu une multiplication de cabinets de droit des d'affaires au Maroc. Après l'implantation de cabinets internationaux, nous avons pu constater l'arrivée sur le marché du droit des affaires d'un certain nombre de «boutiques law firm» locales, dotées d'avocats ou de conseils talentueux qui ont souvent fait leurs armes au sein d'un grand cabinet. La concurrence est donc naturellement plus forte, mais néanmoins vertueuse. Elle pousse les différents acteurs marocains du droit à développer leurs expertises et à offrir à leurs clients un service de haute technicité. Pour se différencier, il faut, en premier lieu, être irréprochable sur les fondamentaux attendus par nos clients : qualité, disponibilité et réactivité. Il faut également pouvoir offrir une plus-value par rapport aux autres concurrents. Au sein d'UGGC Africa, nous misons sur l'expertise technique et la connaissance sectorielle de nos avocats et juristes, mais également par notre caractère international qui nous singularise. Nous sommes en effet l'un des rares cabinets marocains à pouvoir offrir à nos clients une plateforme panafricaine intégrée de conseil en Afrique subsaharienne, avec l'appui de nos bureaux situés en Côte d'Ivoire et au Cameroun.
F.N.H. : Votre profession n'estelle pas sortie affaiblie de la crise liée à la Covid-19 ? Si oui, a-t-elle des besoins spécifiques en termes d'aide ou de soutien de la part de l'Etat ou l'Ordre ? A. B. : Je ne pense pas que notre profession soit sortie affaiblie de la crise liée à la Covid-19. La pandémie a été source de problématiques juridiques pour les entreprises et a, de ce fait, généré un besoin de conseil juridique. En effet, passé une courte période de stupéfaction et d'observation, nous avons été saisis par nos clients d'un grand nombre de consultations en matière notamment contractuelle ou de droit social. En outre, les opérations d'acquisitions se sont majoritairement poursuivies, parfois après une phase de renégociation de la valorisation des cibles. Il faut néanmoins distinguer l'activité de conseil de celle du contentieux. Les cabinets spécialisés en contentieux ont été davantage impactés. Ils ont subi de plein fouet l'arrêt des institutions judiciaires durant la pandémie. Nous avons pu constater qu'en revanche les procédures arbitrales ont pu continuer, notamment avec des audiences tenues en visioconférence (ce qui n'était pas possible devant les tribunaux judiciaires).
F.N.H. : Quelle lecture faitesvous du développement de l'arbitrage au Maroc ? A. B. : L'arbitrage s'est développé au Maroc depuis quelques années, car les investisseurs préfèrent soumettre leurs différents à l'arbitrage dans un souci de confidentialité, de célérité et de technicité des juges arbitraux. Ceci est d'autant plus vrai pour des investisseurs étrangers. En effet, outre la défiance fondée ou infondée des investisseurs envers les juges judiciaires locaux, les procédures judiciaires sont faites en langue arabe et la procédure est essentiellement écrite. L'arbitrage permet de choisir le droit applicable à la procédure et au litige, une langue étrangère, l'audition et l'interrogatoire de témoins et d'experts. Ce qui est de fait quasiment impossible devant les juridictions judiciaires. Au regard de ces différents avantages, durant la dernière décennie, l'arbitrage national ou international au Maroc s'est largement développé. On peut néanmoins constater qu'en revanche le recours à la médiation reste moins répandu.