◆ Plusieurs contraintes risquent de perturber le marché et retarder la relance. ◆ Les mesures initiées par la tutelle et celles contenues dans la LF 2021 sont insuffisantes pour donner une nouvelle impulsion à l'activité.
Par C. Jaidani
A l'instar de plusieurs secteurs, l'immobilier a été frappé de plein fouet par la crise sanitaire et économique en 2020. Au cours de la période du confinement, le nombre de transactions (tous segments confondus) a sensiblement diminué. La période post-confinement a connu un certain rebond, mais il reste insuffisant pour rattraper le retard accusé. Espérant une reprise, les opérateurs tablent sur l'année 2021 pour voir la situation revenir à la normale. Interrogés à ce sujet, des professionnels du secteur n'ont pas caché leur scepticisme, estimant qu'il n'existe pas assez de visibilité et que la relance est peu probable au moins pour le premier semestre. «Avant la covid-19, l'immobilier était déjà en crise. La pandémie n'a fait qu'accentuer la morosité de l'activité. Pour 2021, il ne faut pas espérer grand-chose, surtout que les mesures annoncées par la tutelle et celles de la Loi de Finances 2021 ne sont pas assez importantes ou innovantes pour donner une nouvelle impulsion au secteur. Si reprise il y a, elle ne sera effective qu'à la fin de 2021 ou en 2022», souligne Driss Effina, expert en immobilier et professeur universitaire. En effet, la LF 2021 a prolongé au 30 juin 2021 la réduction des droits d'enregistrement pour les achats immobiliers instaurée dans la LF rectificative 2020. Cette disposition prévoit une baisse de 50% pour les actes portant acquisition à titre onéreux, des terrains nus destinés à la construction de logements ou de locaux à usage d'habitation sans que le montant de base imposable total ne dépasse 4 millions de DH. La LF 2021 a également validé l'extension du cadre fiscal des Organismes de placement collectif immobilier (OPCI) pour concerner également les locations à usage d'habitation. «Ces mesures ont une portée limitée. Il est temps de lancer des dispositions au profit de la classe moyenne ou une nouvelle formule pour le logement social», souligne Effina. Il précise par ailleurs que «les taux d'intérêt demeurent élevés au Maroc dans le secteur immobilier comparativement à d'autres pays. La baisse du taux directeur n'a pas été répercutée. En outre, les organismes de financement deviennent frileux et très regardants sur le profil des acquéreurs. Certains pays comme l'Espagne ont fait de l'activité un levier de croissance». Effina relève d'autres contraintes qui sont d'ordre structurel et qui risquent de retarder la relance du secteur, comme la lenteur dans la délivrance des autorisations ou l'arrêt des dérogations de construire octroyées par le ministère de l'Intérieur. Les gros investisseurs ont besoin de ces dérogations pour pouvoir lancer leurs projets. Le même sentiment d'inquiétude est relevé chez d'autres professionnels. Au niveau des agents immobiliers, on affirme que le niveau des transactions est en berne et que les indicateurs actuels laissent présager que 2021 sera également difficile. «Le marché est perturbé à cause d'un stock important de biens immobiliers qu'il faut liquider. Plusieurs promoteurs ont dû revoir à la baisse leur prix pour pouvoir vendre, surtout dans les petites et moyennes villes. Même à Casablanca et Rabat, cette tendance s'affiche de plus en plus dans les nouvelles zones urbanistiques comme Bouskoura, Rahma ou Nouaceur», affirme Mohamed Lahlou, président fondateur de l'Association marocaine des agents immobiliers (AMAI). Il explique que «la plupart des ménages sont lourdement endettés et leur pouvoir d'achat est faible. Cela les rend inéligibles au crédit. Il faut un volontarisme politique pour investir de nouvelles pistes plus innovantes afin de donner au secteur un nouvel élan»