Offre du mieux-disant, préférence nationale, délai d'attestation fiscale... autant d'innovations que contient le nouveau texte de la réglementation des marchés publics. Le leitmotiv est de clarifier et fluidifier toute opération régissant la commande publique. Promulgué en avril 2013, le nouveau décret relatif aux marchés publics sera mis en application en janvier 2014. En attendant, le trésorier général du Royaume, Noureddine Bensouda, prend son bâton de pèlerin en vue de partager avec les opérateurs, les innovations de la nouvelle réglementation. La dernière rencontre avec les professionnels est celle initiée récemment par la Chambre française du commerce et de l'industrie du Maroc. Devant une salle archi comble, le trésorier a passé en revue les innovations majeures du nouveau texte. «Il faut donner du temps aux parties prenantes, notamment aux collectivités territoriales pour qu'elles se mettent à niveau afin de suivre la nouvelle procédure qui est encadrée par le nouveau décret», annonce-t-il en guise d'introduction. Inutile de rappeler que ce sont des milliards de dirhams qui sont en jeu dans le cadre de la commande publique et qui sont gérés sous forme de marchés publics, avec une multitude d'acteurs et qui suscitent l'intérêt de tout un chacun. Et donc le jeu en vaut la chandelle. Cette réforme, comme expliquée par les responsables de la TGR, présents également, revêt une nouvelle forme de la réglementation régissant les marchés publics. Elle tente de répondre aux mutations que l'environnement national a connues ces dernières années. Ajoutons à cela, l'incertitude et la complexité du contexte qui nécessitent la prise en compte de leviers à même d'assurer l'encouragement du tissu économique national, notamment la PME. Fusionner les deux administrations Parmi les innovations majeures, nous pouvons citer qu'au niveau des collectivités territoriales et concernant la dépense publique, il n'y a plus de contrôle de régularité, mais plutôt un contrôle de validité au niveau du paiement. En instaurant une telle mesure, l'administration a voulu donner plus de souplesse aux collectivités territoriales. Au niveau de l'Etat, il y a un double contrôle, celui de la régularité de la dépense publique et puis celui du paiement de la dépense. Au départ, il y avait deux administrations qui s'occupaient chacune d'un contrôle donné. Considéré comme étant un processus assez long, les autorités ont décidé de fusionner les deux administrations pour exercer aussi bien la régularité de la dépense que son paiement. «Un mariage qui, au fil du temps, a bien réussi», annonce N. Bensouda. Autre point important à souligner est celui des délais de paiement qui continuent à être décriés par les opérateurs à cause du cumul des retards qui grèvent leur trésorerie. D'après N. Bensouda, il faut nuancer parce que l'analyse des statistiques au niveau de la TGR montre que le respect du délai qui est prévu pour le comptable public est plus ou moins respecté. Mais il reconnaît que dans certains ministères, les délais sont outrageusement dépassés, ce qui pénalise largement l'entreprise privée qui n'a d'autre alternative que de recourir à l'emprunt bancaire. Ce qui contribue à une hausse des taux d'intérêt. On ne pouvait parler du retard dans le paiement de la commande publique sans évoquer l'utilité du texte régissant les intérêts moratoires. Pour le trésorier général du Royaume, la loi autorise l'entreprise à demander des intérêts moratoires en cas de retard de paiement, mais la réalité est différente. Souvent, les entreprises ne recourent pas à faire appliquer la loi pour éviter de ternir la relation avec les donneurs d'ordre. Face à cette réalité, nous ne pouvons nous empêcher de nous poser la question sur ce qui empêche l'administration d'instaurer l'automaticité du paiement des intérêts moratoires. Autre nouveauté, et non des moindres, est la simplification des procédures. Si dans l'ancien texte, le soumissionnaire est appelé à fournir toutes les pièces du dossier administratif, ce dernier n'est amené à le faire qu'une fois le marché dans la poche. Ce qui constitue une avancée majeure face aux tracas administratifs endurés par les opérateurs. Sur le plan opérationnel, si auparavant pour demander une attestation, il faut aller chez plusieurs percepteurs, aujourd'hui, le texte prévoit un seul contact pour le soumissionnaire. Mais cela n'empêche pas de constater que la récupération de l'attestation fiscale nécessite plus que les 48 heures arrêtées dans la circulaire. Certains opérateurs ne considèrent pas cette mesure comme une prouesse parce qu'ils estiment que l'attestation fiscale est un gage de crédibilité des opérateurs pour l'Etat en tant que grand acheteur. Donc, pour un soumissionnaire qui n'est pas en règle, il ne pourrait pas l'être en 60 jours après avoir obtenu la commande publique. Quid de la notion du mieux-disant ? Pour l'offre «la mieux-disante», l'administration a essayé de la clarifier dans le nouveau décret, conformément à la nature de la prestation. Le but est de raisonner par finalité. Pour les marchés des travaux, il s'agit toujours de l'offre la moins-disante. Si techniquement les concurrents se valent, c'est le prix qui les départage. Pour les études, c'est toujours la pondération de la note technico-financière, c'est-à-dire la note de l'offre financière et celle technique. C'est le 80/20 qui est toujours appliqué. Last but not least, la PME marocaine occupe une place centrale dans le texte. D'après N. Bensouda, la préférence nationale est une possibilité, mais pas une obligation. Elle est limitée aux travaux et laissée à l'appréciation du maître d'ouvrage. A priori, la nouvelle réglementation renforce les principes de concurrence, de transparence et d'efficacité dans la gestion des marchés publics. Elle est aussi menée sous le signe de la globalité et de l'intégration, dans la mesure où elle concerne l'ensemble des composantes du secteur public. Elle dépasse le cadre réglementaire et intègre les dimensions informatique et technologique, de développement des compétences... Encore faut-il qu'elle soit appliquée dans les règles de l'art. Entre la loi et son application, il y a un hiatus, difficile à combler.