C'est une piste qui serait en train d'être étudiée. Cette décision, si elle est confirmée, va faire jaser. Mais Tanger a tous les atouts pour accueillir une place financière internationale. Casablanca Finance City va-t-elle devenir, in fine, Tanger Finance City (TFC, ça sonne bien (sic)). Cette hypothèse paraît a priori saugrenue, mais, appréciée avec un peu plus de hauteur, est-elle si dénuée de sens que cela ? Pas vraiment. Le transfert de la place financière de Casablanca dans la ville du Détroit reste dans le domaine du possible. Selon des sources très au fait du dossier, «il est envisagé de déplacer CFC à Tanger, mais la décision finale n'est pas encore actée». Info ou intox ? C'est à voir. Contacté par nos, le management de Moroccan Financial Board, en charge du pilotage global de CFC, dément formellement l'information. Pourtant, une telle décision est d'autant plus recevable que Tanger a, actuellement, tous les atouts pour accueillir la future place financière du Maroc. En tout cas, deux éléments fondamentaux permettent d'accréditer la thèse du transfert. Premièrement, la ville du Détroit est devenue, grâce notamment au port Tanger Med, un pôle économique à part entière, avec une position géographique enviable de par sa proximité avec l'Europe. Aujourd'hui, tous les investisseurs étrangers s'y bousculent, faisant de plus en plus de cette région l'un des poumons économiques du Royaume. L'importance stratégique de cette partie du Maroc justifie certainement le programme Tanger-Métropole lancé tout dernièrement par le Souverain. Doté d'une enveloppe de 7,66 Mds de dirhams, ce plan de développement s'étalera sur une période de cinq ans (2013-2017) et permettra à la ville du Détroit de rivaliser avec les grandes métropoles internationales. Création d'un troisième axe autoroutier et d'une route côtière, dédoublement des routes provinciales, création de grandes voies de contournement, dépollution du littoral, construction de 25 nouveaux établissements scolaires et 21 crèches, construction de 4 nouveaux dispensaires... sont autant d'investissement qui permettront donc d'ériger un pôle urbain inédit au Maroc. Serait-ce un raccourci que de lier ce projet à un éventuel transfert de CFC à Tanger ? Peut-être. Mais, à l'évidence, ce ne serait pas une initiative décalée. Bien au contraire, une place financière à dimension internationale s'inscrirait valablement en complément du dispositif économique déjà déployé dans la région. L'idée est d'autant plus recevable que Tanger dispose déjà d'une place financière offshore ouverte aux activités de banques et des sociétés de gestion de portefeuille et de prise de participations. Deuxièmement, depuis quelques jours, un mini sondage discret portant sur Casablanca Finance City, rédigé en anglais et en français, a été initié par la société Global Intelligence Partners (GIP). Un sondage qui, selon GIP, «aidera à mieux positionner la perception de la place financière panafricaine». Certes, il n'y est fait aucune allusion à un quelconque transfert de CFC à Tanger, mais certaines questions laissent à penser qu'il y a une sorte de confusion dans l'esprit des gens entre CFC et la Bourse de Casablanca. C'est le cas de cette question : «Quelle est, selon vous, la relation entre la Bourse des valeurs de Casablanca et CFC» ? Outre la rubrique «Autre», trois réponses sont proposées : l'une est filiale de l'autre; ce sont deux entités complémentaires; elles n'ont rien à voir. Le questionnaire est à l'évidence habile, avec des questions pour le moins subtiles. Pensez-vous que le CFC aurait plus d'influence si le Maroc faisait partie d'une communauté économique ? Comment qualifieriez-vous la communication de la Bourse des valeurs de Casablanca ? Qu'attendez-vous le plus de la part d'une place financière africaine ? Pensez-vous que le Maroc puisse jouer un rôle majeur dans la région ? Que pensez-vous du Maroc comme "Hub" vers l'Afrique ? Que pensez-vous du Maroc comme «Hub» vers les pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) ? Voilà autant de questions auxquelles les sondés doivent répondre. Ce sondage est-il un signe de plus qui corrobore la thèse d'un Tanger Finance City ? Sa mise en ligne juste au moment où nos satellites ont reçu l'information relative au transfert de CFC sème en tout cas le doute. Conséquences L'on s'en doute, si la décision de transférer Casa Finance City est actée, cela risque d'avoir des conséquences économiques fâcheuses. Il faut savoir que Casa Finance City s'inscrit dans un programme plus global, Casa Anfa, visant à développer une nouvelle centralité de la ville de Casablanca. Actuellement, les travaux sont très engagés et la première tranche du premier programme a été entièrement viabilisée. Casa Anfa, où sont représentées toutes les fonctions urbaines, devrait, selon l'Agence d'urbanisation et de développement d'Anfa, maître d'ouvrage général et en charge du pilotage et de la coordination du projet dans son ensemble, accueillir ses premiers habitants en 2016. Ce sont pas moins de 10,5 Mds de DH, hors développement immobilier, qui ont été mobilisés pour ce projet. Et, à terme, le site accueillera jusqu'à 80000 habitants et permettra la création de 100.000 emplois. En fait, l'aménagement de ce site, dans sa globalité, a été pensé en fonction du rôle stratégique que Casa Finance City est appelé justement à jouer. CFC est, pour ainsi dire, l'âme de ce projet ambitieux. Sans cette place financière, Casa Anfa risque de perdre tout son sens. Mais, pire encore, certaines entreprises risquent d'y laisser des plumes. Car beaucoup d'entre elles se sont d'ores et déjà projetées dans ce hub financier qui a des ambitions panafricaines. Le Groupe FinanceCom a ainsi mis sur la table 1,5 Md de DH en y initiant un important programme immobilier. Il concerne une surface constructible de 70.000 m2 sur un terrain d'un hectare environ. L'attraction majeure de ce projet est la tour de 135 m qui comprendra 33 étages et sera placée parmi 3 autres immeubles de 7 étages chacun. Il doit normalement être finalisé en 2016 et permettra d'accueillir les sièges de la Holding FinanceCom, de BMCE Bank et BMCE Capital, de RMA Watanya et RMA Capital, de Meditelecom, ainsi que d'autres filiales et entités du groupe. Au-delà de l'impact sur les entreprises qui ont misé sur ce projet, certaines interrogations se posent. Que vaudraient les partenariats signés avec les places financières internationales comme Singapour, Luxembourg, City de Londres... ? Comment ce revirement stratégique serait-il perçu à l'international ? Les sociétés qui ont déjà engagé des investissements bénéficieraient-elles de mesures compensatoires? Souscriraient-elles à un «déménagement» à Tanger... ? Bref, autant d'interrogations qui poussent à s'interroger sur la pertinence de passer de CFC à TFC. On verra bien ce qui va se passer.