La réussite des systèmes de pilotage et de réformes des finances publiques induit, par effet d'entraînement, le succès de toutes les politiques. La réforme des finances publiques est un véritable casse-tête aussi bien pour les hommes politiques que pour l'Administration. Le pilotage de ces réformes soulève différentes questions dans un environnement politique, économique, social et régional en perpétuelle mutation. En raison d'un contexte national qui exige des réformes en profondeur, touchant plusieurs pans de la vie publique en particulier. Dans ce cadre, quelques axes ont été relevés lors du 7ème colloque national sur les finances publiques. «La réforme des finances publiques ne peut réussir totalement sans une refonte de l'Etat, et cela à tous les niveaux : institutionnel, économique, social et culturel. Il s'agit aussi de s'inspirer des expériences étrangères réussies», affirme Mohamed Tawfiq Mouline, Directeur général de l'Institut royal des études stratégiques (IRES). La réussite des systèmes de pilotage et de réformes des finances publiques induit, par effet d'entraînement, le succès de toutes les politiques. Les comportements administratifs et financiers devraient être repensés à l'aune de la logique de l'efficacité et de la performance pour donner plus de rigueur aux réformes et davantage d'emprise sur le réel et de pragmatisme sur le terrain. Une bonne stratégie de pilotage des réformes doit obligatoirement être listée sur un calendrier, auquel les acteurs concernés doivent impérativement se conformer. Il y va de la crédibilité de la stratégie dans sa globalité et de l'adhésion et de la confiance du citoyen quant aux engagements des pouvoirs publics. Dans le cas marocain, le pilotage des réformes doit obéir à une procédure claire. «La nouvelle Constitution a permis de clarifier les fondements et les règles de fonctionnement, mais il y a des problèmes au niveau de l'application. C'est toute la logique du modèle économique du pays qui est mise à l'index. Pour remédier aux défaillances, il faut une vision à long terme et une autre façon d'opérer avec une approche transversale. La réussite des réformes ne peut aboutir que si on arrive à anticiper le jeu des acteurs», a affirmé Mouline. Une approche transversale recommandée Dans son intervention, Larbi Jaïdi, professeur universitaire, a relevé les défaillances du système marocain et proposé quelques pistes pour combler les lacunes. «Il y a une trajectoire incertaine de la réforme des finances publiques. Il faut avoir une vision pluriannuelle du budget de l'Etat. Il est question d'améliorer la gouvernance fiscale et sociale, notamment dans certains domaines pénalisants pour les finances publiques comme la compensation ou les retraites», a-t-il noté. Le conférencier a mis en exergue «la timidité des réformes marquée par des difficultés de performance au niveau de l'administration. Les limites actuelles du système sont liées à sa nature même et à son mode de gestion. Le Parlement est inapte à contrôler, en profondeur, l'action du gouvernement du fait qu'il manque de moyens humains et matériels suffisants. A l'échelle de la gestion territoriale, il faut mener à bien la déconcentration des pouvoirs à travers un transfert de compétence vers les Collectivités locales». S'agissant de l'espace politique et son impact sur la réforme budgétaire, Jaïdi a affirmé que «sa fragmentation est un handicap majeur pour avoir un consensus global et détenir une lisibilité de la mission stratégique de l'Etat». Au niveau de l'action du gouvernement, il a insisté sur «la collégialité ministérielle afin de responsabiliser les ministres et d'assurer la cohérence des programmes». La gestion du temps est un autre handicap de la réforme budgétaire. Le temps des politiques ne correspond pas à celui de l'administration. Pour sa part, Marie-Christine Esclassan, professeur à Paris I Panthéon-Sorbonne, a ajouté qu'«il est intéressant de soigner l'image négative de l'impôt. Un projet fiscal de hausse des taux ne devrait pas rencontrer des difficultés à l'instar d'un projet de baisse. Les obstacles au changement en matière fiscale sont d'ordres juridique et opérationnel : au niveau de l'établissement des textes de loi et aussi de leur application. Le pilotage de l'impôt fait surgir des problèmes en amont et aussi en aval. Le rôle vital de l'impôt Toutes les catégories socioprofessionnelles ne sont pas réactives de la même façon à l'impôt. Les salariés n'ont jamais fait une grève contre l'impôt, alors que d'autres personnes qui bénéficient de niches fiscales essaient par tous les moyens de préserver leurs acquis. Il faut souligner que le pilotage ne concerne pas uniquement l'impôt, mais également l'administration fiscale. En aval, il faut une adéquation des projets avec les capacités de l'administration et aussi avec les orientations de la politique budgétaire». Abordant le cas marocain, Mohamed Rahj, professeur universitaire, a relevé que «tous les indicateurs du pays sont en baisse. Pour renforcer les recettes publiques, il est nécessaire d'investir de nouvelles pistes comme l'imposition du secteur informel, l'instauration d'une TVA sociale ou l'institutionnalisation de la Zakat... Sans impôt, il n'y a pas de destin commun ni d'action collective ». Sur la question du partage du pouvoir entre l'Etat et les collectivités locales, Emilie Moysan, assistant d'enseignement et de recherche à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, a affirmé que «le pilotage des finances publiques était entre les mains de l'Etat qui le délègue aux collectivités. De plus en plus, on assiste à un pilotage plus coopératif et de moins en moins vertical. Selon les périodes, l'Etat donne le pouvoir et le reprend». Lors du 7ème colloque national sur les finances publiques, une question fondamentale s'est posée avec acuité. Il s'agit de savoir pourquoi, en dépit de la multitude des réformes engagées, les fondamentaux d'une soutenabilité viable et durable des finances publiques ne sont pas assurés. Plusieurs intervenants et experts présents à l'événement ont essayé d'apporter des éléments de réponse. Les causes se situent dans les modes d'organisation et de fonctionnement du dispositif de pilotage des réformes engagées dans le domaine des finances publiques, qu'il faut reconsidérer, voire recréer, tant sur le plan politique et managérial, qu'au niveau des stratégies opérationnelles et des instruments et outils de mise en œuvre.