Une étude du CDVM lance le débat sur l'intérêt d'un marché à terme des matières premières au Maroc. Maïs, couverture contre les conditions climatiques ou encore produits de la mer, autant d'exemples que le régulateur a choisi pour appuyer sa proposition. Quant au timing de cette étude, force est de constater qu'il coïncide avec une nouvelle vague de mesures au profit des exportateurs lancée par différents départements ministériels. Le CDVM relance le débat sur l'ouverture du marché marocain sur son environnement international. L'idée est de mettre en place un marché à terme marocain des matières premières, sur lequel seraient cotés quelques sous-jacents pour lesquels le pays est réputé être un grand consommateur ou exportateur. Notre marché local est en effet caractérisé par l'existence d'un mécanisme de compensation. Ce mécanisme fausse les lois traditionnelles de fixation des prix régis par l'offre et la demande, surtout en ce qui concerne les matières premières énergétiques, ce qui pénalise certains opérateurs. Alors comment mettre fin à tout cela ? Les distorsions provoquées par la compensation Samir est le premier raffineur du Maroc. La société a une exposition au risque des produits pétroliers, dès lors que la compensation des prix par l'Etat se fait au niveau de la distribution (prix sortie raffinerie). Elle est exposée à la fois à une baisse des prix pétroliers mais également à une réduction de la marge de raffinage. Par ailleurs, les distributeurs de produits pétroliers liquides n'ont pas une exposition à l'évolution des prix. Les compagnies aériennes (Jet Fuel), les compagnies maritimes (Fuel et Gasoil), les armateurs (Gasoil pêche) et l'ensemble des industriels utilisateurs de fuel ont la typologie du risque d'un utilisateur final. Il y a ici une incohérence économique. Pour sa part, l'Etat a une exposition au risque des prix des produits faisant l'objet d'une compensation. Une réflexion sur les mécanismes et les processus de couverture a été entamée sur le sujet depuis 2008, mais rien de concret n'a été mis en place jusqu'à présent, le risque politique en cas de mauvaise négociation étant important. Pour le blé tendre, le système de compensation en vigueur, que ce soit à l'importation ou à l'achat de la production nationale, permet un lissage des variations sur les marchés internationaux autour d'un prix cible de 260 DH le quintal, entrée minoterie. Pour l'ensemble des autres produits (maïs, orge, blé dur, pulpe de betterave) les prix sont libres et suivent de très près les évolutions des marchés internationaux de référence. Les pratiques de couvertures se sont fortement développées depuis 2004 sur ces sous-jacents, que ce soit au niveau des importateurs, des négociants, des industriels ou des utilisateurs finaux. Qu'il s'agisse de l'activité minière, des fonderies ou des utilisateurs finaux, les opérateurs se couvrent sur des moyennes de références des prix à l'international. Par conséquent, les risques de prix sont suivis de très près. Plusieurs opérateurs ont des politiques de couverture très élaborées et agissent à la fois sur les marchés organisés et sur des structures de couvertures de gré à gré avec des contreparties nationales et internationales. D'ailleurs, les trois entreprises cotées du secteur communiquent ouvertement sur leurs politiques de couverture. De l'intérêt d'un marché à terme L'instauration d'un marché à terme permettra ainsi, in fine, de combler les distorsions relatives aux variations inattendues des prix entre les opérateurs qui sont protégés par la compensation et les autres. Ainsi, dans le cas du maïs, le CDVM rappelle dans son étude que le Maroc importe annuellement environ deux millions de tonnes de maïs principalement des Etats-Unis, du Brésil et de l'Argentine. Ce volume est destiné principalement à l'alimentation animale. Un marché à terme sur le maïs permettra de commercialiser des volumes importants selon des indexations au marché CBOT (le plus important marché de matières premières agricoles au monde et se situant à Chicago). Le client valide un prix d'achat de la prime physique puis, pendant une durée prédéfinie, définit progressivement son prix de revient en fixant des contrats Futures. Le client a également la latitude, pendant cette durée contractuelle, de décider de la fixation de son cours de conversion USD/MAD. La deuxième méthode de commercialisation, qui coexisterait avec cette première, est une vente à un prix fixe en dirhams. Elle s'appliquerait généralement au produit déjà stocké. Le deuxième exemple donné par le CDVM est relatif aux dérivés climatiques. Ces produits sont des options prises par un exploitant dont les paiements dépendent d'une donnée climatique dans un lieu géographique déterminé, cumulés sur une période donnée. En d'autres termes, il s'agit de parier sur le temps et les précipitations ! Cela paraît utile dans une économie qui dépend principalement des conditions climatiques. Selon le CDVM : «Compte tenu de l'importance de la composante Agriculture dans le PIB et de la corrélation de ce dernier à la pluviométrie, il est intéressant de lister des dérivés climatiques. Les sous-jacents de ces dérivés devraient être des indices pertinents à construire, de manière à ce qu'ils répondent à des besoins précis de couverture du risque agricole». Toutefois, le succès d'un tel marché organisé repose notamment sur la bonne maîtrise du risque de base, c'est-à-dire le risque que l'indemnisation s'écarte du préjudice réel. Enfin, la troisième catégorie de produits qui pourront être concernés par ce marché sont les produits de la mer. Il s'agirait de s'inspirer d'une expérience privée française qui consiste à développer un système de transactions électronique dédié à cette filière sur le modèle d'une place financière. Le marché créé se positionne en seconde vente. Autrement dit, il s'agit de s'intercaler entre les mareyeurs (qui achètent à la criée) et la grande distribution, la restauration et les autres industriels. Au final, que ce soit pour ces produits ou d'autres, le marché à terme doit tout d'abord avoir pour premier objectif d'être au service des transactions réelles du marché physique. Les opérateurs doivent avoir la garantie de pouvoir relier leur transaction physique avec le marché dit «papier» des matières premières en toute sécurité. Il est donc essentiel que les prix affichés sur le marché boursier reflètent au plus près les prix appliqués sur le marché physique. Selon le CDVM : «De nombreux pays ont finalement soldé leur tentative de création d'un marché à terme des matières premières par un échec, à cause de la forte décorrélation qui existait entre les prix boursiers et les prix physiques». Enfin, le succès d'un marché local des matières premières est quantifié par la confiance et le crédit que lui accordent les opérateurs locaux. Il doit être transparent, bien régulé et suffisamment profond rappelle le régulateur boursier. A. H. Comment fonctionnent ces marchés à terme? Avant, les transactions sur matières premières se faisaient de gré à gré entre opérateurs. Ils se mettaient d'accord sur un prix ferme et une échéance de livraison. A terme, la transaction était dénouée. Les opérateurs se retrouvaient sur des parquets boursiers pour faire leurs négociations et le parquet le plus connu à ce jour est le marché de Chicago appelé CBOT. Aujourd'hui, ces marchés sont plus standardisés, ce qui permet d'effectuer des transactions électroniques comme sur les marchés des actions, par exemple. Les ordres d'achat et de vente sont confrontés à la recherche des prix d'équilibre. Cela a permis de créer un boom sur ce marché, avec notamment l'arrivée des spéculateurs sur un compartiment financier de moins en moins relié à la réalité économique.