Les autorités marocaines et le FMI affichent leur entente et se définissent comme des partenaires. Néanmoins, plusieurs dossiers chauds sont sur la table : LPL, régime de change, réformes structurelles, etc.
A.E
Un concert de louanges, des torrents de compliments : c'est ainsi que pourrait se résumer la conférence de presse qui a ponctué la récente visite au Maroc de la Directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Kristalina Georgieva. Une conférence de presse durant laquelle les autorités financières du Royaume et l'institution de Bretton Woods ont pris le soin de dire et de répéter combien les deux «partenaires» s'appréciaient. Ainsi, entre autres amabilités, la patronne du FMI s'est dit «impressionnée» par la détermination du Maroc à poursuivre ses réformes structurelles. Elle a loué le «leadership» du Royaume en matière de gouvernance; a évoqué le partenariat «solide et fructueux» liant le Maroc et le FMI; et a conclu son discours avec une formule qui a fait mouche : «Si seulement il y avait plus de pays comme le Maroc». Les autorités marocaines lui ont bien rendu la pareille. Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, a ainsi qualifié «d'exceptionnel» la relation entre les deux parties. En arrière plan de cet échange d'amabilité, un message à faire passer à l'opinion publique marocaine : la relation qui lie le Maroc au FMI est saine, consentie, sans diktat ni tutelle, et mutuellement bénéfique aux deux partenaires, et ce dans un contexte où la «rue» marocaine pense précisément le contraire, tant le FMI, c'est peu de le dire, a mauvaise presse, et est accusé de tous les maux.
Régime de change : le Maroc est «souverain» Des a priori qui ont le don d'irriter le gouverneur de la Banque centrale, qui répète souvent, à qui veut bien l'entendre, que le Maroc est souverain dans ses décisions et qu'il ne subit aucun diktat de la part du Fonds. Aux côtés de la nouvelle patronne du FMI, Jouahri n'a pas manqué l'occasion de le marteler à nouveau, s'appuyant dans sa démonstration sur le dossier de la réforme du régime de change. malgré l'insistance du FMI pour enclencher la deuxième phase de la flexibilité du Dirham, Abdellatif Jouahri a une fois de plus rappelé que les autorités marocaines demeurent maîtresses du timing, en toute souveraineté. «C'est écrit noir sur blanc dans les rapports du FMI. Il nous appartient, en tant qu'autorités marocaines, de bien juger le passage d'une étape à l'autre», a-t-il souligné. «Nous soutenons la décision de la Banque centrale», a indiqué à cet égard Kristalina Georgieva.
Marrakech, capitale mondiale de la finance Officiellement, l'objet de la visite au Maroc de la Directrice générale du FMI entre dans le cadre de la préparation des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), prévues en 2021 à Marrakech. C'est la première fois que cet évènement d'envergure mondiale est organisé dans un pays d'Afrique. «Le Maroc réussira cet événement important, eu égard à sa grande expérience accumulée dans ce domaine», a souligné K. Georgieva, qui a qualifié la ville ocre «d'endroit idéal» pour organiser une telle manifestation. «Ce n'est pas par hasard que nous avons décidé de tenir nos réunions annuelles l'an prochain au Maroc. Nous souhaitons nous engager aux côtés du Royaume pour nous assurer du bénéfice optimum de ces réunions et que ce bénéfice demeurera longtemps après la tenue des réunions», a-t-elle ajouté, évoquant le niveau très élevé de la stabilité du Royaume. «Le Maroc a été choisi parmi 13 pays qui se sont portés candidats pour abriter les assemblés annuelles du FMI et de la Banque mondiale», a rappelé Mohamed Benchaâboun. «Pour une semaine, Marrakech sera la capitale mondiale de la finance», a affirmé le ministre de l'Economie, des Finances et la Réforme de l'Administration.
La LPL toujours utile ? Outre les préparatifs des assemblées annuelles, les dossiers des réformes sont vite revenus dans les discussions : régime de change, ligne de précaution et de liquidité (LPL), climat des affaires, etc. Le Maroc est loin d'en avoir fini avec le FMI. Il a encore besoin de sa caution/protection qui dure depuis 2012, date à laquelle le Royaume, embourbé dans les déficits et en proie à des bouleversements importants sur la scène politique, a fait appel au FMI qui a sorti la LPL de son chapeau pour la toute première fois. Huit ans plus tard, la LPL est toujours là (l'actuelle doit prendre fin en décembre 2020). «La LPL est pour nous une assurance vis-à-vis des marchés», a fait savoir Jouahri. La question de sa reconduction sera discutée entre les deux «partenaires» au cours de l'année, a indiqué la DG du FMI.
«Médecin banquier» Le partenariat avec le FMI est donc probablement parti pour durer, le patient Maroc étant toujours convalescent, pour paraphraser la formule utilisée par Jouahri, qui a qualifié l'institution de Bretton Woods de «médecin banquier», diagnostiquant les symptômes d'un pays, administrant les soins nécessaires et prodiguant conseils et soutien financier. Le Maroc aura d'autant plus besoin de l'assistance du FMI que la conjoncture mondiale est empreinte d'incertitudes, qu'elles soient géopolitiques, commerciales ou encore sanitaires. La signature de l'accord commercial sino-américain est certes «une bouffée d'oxygène» pour l'économie mondiale, mais la reprise sera «poussive» et fragilisée par la persistance de risques géopolitiques, a déjà prévenu le FMI. Dans ce contexte, la Cheffe du FMI a poussé le Maroc à poursuivre sans relâche son calendrier des réformes structurelles. La croissance, aujourd'hui inférieure à 3%, n'étant pas assez forte pour créer suffisamment d'emplois et réduire les inégalités sociales et régionales.