Une enquête met à nu les limites du système de répartition. Le nombre d'affiliés à la CNSS devrait augmenter de 58,6% à l'horizon 2050, alors que le nombre de retraités augmenterait 4 fois plus. Le HCP vient de mener une enquête sur les caisses de retraite, en collaboration avec le CEPII en France. Enquête qui révèle que le nombre d'affiliés à la CNSS devrait augmenter de 58,6% à l'horizon 2050, alors que le nombre de retraités augmentera de 4,1 fois (410%). Ces mêmes indicateurs seraient respectivement de 2% et 2,6 fois pour la CMR et 10,8% et 1,8 fois pour le RCAR. Le modèle de répartition actuel atteindra ainsi ses limites à cet horizon, et pour cause, le vieillissement de la population marocaine. La conséquence de ce déséquilibre se fera ressentir sur les finances publiques avec une dépense équivalente à 7,7% du PIB contre 3% actuellement. Alors que les recettes ne seront que de 2,6% en 2050 contre 3,2% actuellement. En somme, le déséquilibre des caisses de retraites engendrerait à lui tout seul un déficit de 5,1% du PIB en 2050. Ce trou prévisionnel gigantesque sera provoqué par la transition géographique actuelle du Royaume. Concrètement, le vieillissement de la population marocaine ne permettra plus, dans quelques années, d'assurer la pérennité du système de répartition qui fait tourner actuellement les caisses de retraite nationales. Il faut dire que les calculs actuariels en la matière sont relativement viables et la marge d'erreur est souvent faible, même sur des prévisions de longue durée. La sonnette d'alarme tirée par le HCP, sous réserve d'être contredite par les concernés, doit être prise au sérieux, car il en va de la stabilité sociale du pays, étant donné que la situation décrite plus haut conduira, en cas de survenance, à une baisse considérable du pouvoir d'achat à la fois des cotisants et des retraités. Tour d'horizon des scénarios possibles Trancher entre augmenter l'âge de départ à la retraite, augmenter les cotisations ou baisser le montant des allocations n'est pas une mince affaire, mais cela devient une nécessité sous peine de foncer droit au mur. L'étude du HCP propose à ce titre plusieurs scénarios pour résorber les déficits prévisionnels. Chaque scenario s'intéresse à améliorer un des facteurs de l'équation des retraites. Les premiers scenarios consistent en une augmentation des cotisations et/ou une baisse de la générosité des caisses de retraites. Cependant, le HCP déclare que «l'analyse des implications macroéconomiques et financières des réformes paramétriques visant à éliminer les déficits du système de retraite, en augmentant les cotisations ou en réduisant la générosité du système de retraite, confirme la non-soutenabilité du système de retraite actuel». En d'autres termes, l'amélioration de la situation des caisses de retraites par ces méthodes nécessite des réajustements tels que le citoyen ne supportera pas ces réformes et les hommes politiques n'oseront peut-être même pas les proposer. Il est également possible de faire fusionner les trois caisses publiques (CNSS, CMR et RCAR) ou d'envisager une fusion entre la CMR et le RCAR, avec l'hypothèse de verser 60% du dernier salaire en retraite, un taux de cotisation salariale de 10% et un taux de cotisation patronal de 15%. Dans le premier cas (fusion des trois caisses publiques), la situation financière du nouveau régime est nettement améliorée par rapport à celle des trois caisses de retraites considérées séparément. En 2050, le déficit de ce nouveau régime représenterait 3,1% du PIB et, en ajoutant le déficit de la CIMR, le déficit global représenterait 3,3% du PIB contre 5,1% si aucune modification n'est apportée au système actuel. Dans le deuxième cas (fusion du CMR et du RCAR), la fusion présenterait un déficit de 1% du PIB à l'horizon 2050. Au niveau agrégé, le déficit total des caisses serait de 3,8% à l'horizon 2050. A noter toutefois que ces jeux de fusions comportent tous une perte à court terme pour les retraités touchant actuellement des pensions représentant plus de 60% de leur dernier salaire. Par ailleurs, augmenter l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans au lieu de 60 ans actuellement à partir de 2015 n'aura qu'un faible impact sur la situation en 2050. Selon le HCP, «l'effet macroéconomique de cette réforme est très modeste. Le déficit agrégé du système de retraite représenterait, en 2050, 5,3% du PIB au lieu de 5,1% dans le scénario de base et les effets sur l'investissement et la croissance économique sont aussi nuls». La raison de l'inefficacité d'une réforme visant à augmenter l'âge légal de départ à la retraite est liée au fait que, parmi les individus âgés entre 60 et 62 ans, une fraction importante est inactive ou bien n'est pas couverte. Ces scénarios comportent tous des avantages et des inconvénients et, quel que soit le choix, le gouvernement actuel ou un prochain devra assumer une réforme qui ne fera pas que des heureux, un peu comme la réforme envisagée du système de compensation. D'ailleurs, ces deux réformes sont considérées comme les points noirs de la politique macroéconomique marocaine par les créanciers internationaux, notamment la FMI. Rappelons toutefois que le Maroc dispose encore d'une grande marge de manœuvre pour enclencher la réforme de la retraite, «luxe» que peuvent nous envier presque tous les pays d'Europe.