Le mouvement de contestation observé ces derniers temps devrait se poursuivre. Les prix du carburant, le renouvellement de la flotte, la tarification, le tonnage, le système des agréments sont les principaux motifs de la grogne.
Par Charaf Jaidani
La rentrée s'annonce houleuse chez les professionnels du transport. Plusieurs sources syndicales indiquent que la grogne est à son paroxysme chez les opérateurs. Ces derniers commencent à manifester leur désapprobation quant à la situation que traverse le secteur. Un mécontentement qui n'est que le prolongement des mouvements de contestations observés au cours des mois d'octobre et novembre 2018 et de février et mars 2019. Le risque de grève et de manifestations est persistant. Interrogés à ce sujet, les syndicalistes et les professionnels évoquent différents éléments qui suscitent une vive inquiétude, à commencer par la persistance de la hausse des prix du gasoil. «Les autorités n'ont pas tenu leurs promesses. Elles se sont engagées à trouver une solution durable pour les maux qui secouent notre activité. Elles imposent le fait accompli refusant toute hausse de la tarification dans le transport urbain, alors que les charges ont nettement progressé ces dernières années. Le gasoil représente plus de 60% de notre coût d'exploitation. Ces derniers temps, son prix est resté cantonné dans la fourchette de 9,20 DH à 9,60 DH alors que les tarifs de transport ont été arrêtés il y a des années sur la base d'un prix de carburant de moins de 8,50 DH», souligne Abdellah Habibedinne, du syndicat des petits taxis de Casablanca. «La situation devient contraignante sous l'effet de la hausse des frais. Plusieurs professionnels n'arrivent pas à joindre les deux bouts. Il faut trouver une solution dans les plus brefs délais», confirme Redouane, taxieur assurant la liaison entre Benslimane et Casablanca. Cette problématique des charges est également évoquée par les transporteurs par autocars estimant qu'«il est temps d'adopter une carte professionnelle, qui donne droit à son titulaire de se procurer le carburant à des tarifs préférentiels à l'instar de ce qui se fait dans d'autres secteurs comme la pêche». «Nous devons bénéficier de subventions d'exploitation du fait que notre activité a aussi un rôle social. Il y a des milliers de chauffeurs de taxi avec plusieurs personnes à charge. La dernière hausse des prix du gasoil coûte en moyenne une charge supplémentaire de 30 à 50 DH par jour. Cela équivaut entre 1.000 et 1.500 DH par mois. Ce sont des frais qui impactent sérieusement notre revenu et notre train de vie», affirme un taxieur de Casablanca. Lors d'une réunion avec les transporteurs, Najib Boulif, ministre délégué chargé du Transport, a fait remarquer que «les transporteurs ne manifestent que lorsque les prix de carburant repartent à la hausse alors qu'en cas de baisse, ils restent calmes». Toutefois, il n'a pas caché que «la problématique du secteur n'est pas liée uniquement à la volatilité des cours des carburants mais elle est encore plus profonde». Des représentants du secteur du transport ont également mis en exergue les difficultés liées aux programmes de renouvellement du parc des taxis et des poids lourds qui n'ont pas donné tous les effets escomptés. Sur une flotte globale de 45.000 véhicules (grands taxis), 28.000 seulement ont bénéficié de la subvention, soit 62% du parc. Alors que cette opération devait être bouclée il y a deux ans. Lancée en grande pompe au milieu de l'année 2014, cette initiative a été prolongée à maintes reprises à cause de la faible adhésion des taxieurs. Pour les camions, c'est un fiasco total. Le système de la prime à la casse a été complètement revu. Un nouveau programme a été reconduit pour la période 2019-2023. Plus de 145.000 camions de 3,5 tonnes et plus sont ciblés, mais aussi les véhicules utilitaires entre 3 et 3,5 tonnes, les dépanneuses, ainsi que les véhicules de transport de personnes et de transport mixte (personnes et marchandises) dans le monde rural. Mais là aussi, l'adhésion des professionnels reste très limitée. Les agréments et les difficultés administratives qui lui sont liés sont le principal facteur de blocage. Il y a assurément une forte volonté chez les taxieurs de changer leur véhicule vétuste, mais ils demeurent confrontés aux exigences des propriétaires d'agréments, qui demandent des avances importantes (pas-de-porte) qui ne sont pas à la portée de tous. Par ailleurs, les professionnels évoquent également la question du tonnage. La solution trouvée avec les autorités est temporaire et elle concerne les camions de plus de 3,5 tonnes. Les propriétaires des autres véhicules de transport recherchent toujours une issue favorable. Changement à la tête du ministère des Transports ou pas, dans le cadre d'un remaniement ministériel, les responsables de ce département seront confrontés à un nouveau round de négociations difficiles pour désamorcer une crise qui peut éclater à tout moment.