L'extension de l'exonération de la TVA sur le logement social au produit «Ijara Mountahia Bittamlik» répond à des critères d'éligibilité très stricts. Abderrafi El Maataoui, consultant et auditeur financier, directeur associé de «Finaliance» détaille le mécanisme de fonctionnement de cette exonération.
Finances News Hebdo : Pouvez-vous rappeler comment fonctionne le produit «Ijara» ? Abderrafi El Maataoui : Le contrat «Ijara» figure parmi les six produits participatifs prévus par l'article 58 de la loi bancaire n°103-12. Cette loi le définit comme étant «un contrat par lequel une banque participative met, à titre locatif, un bien meuble ou immeuble déterminé et propriété de cette banque à la disposition d'un client pour un usage autorisé par la loi». Le contrat «Ijara» comprend deux variantes. Une première est un contrat de location simple (Ijara Tachghilia), avec restitution du bien mobilier par le client à la fin de la période de location. Une seconde variante est un contrat de location d'un bien mobilier ou immobilier assorti d'une promesse unilatérale de transfert de propriété par la banque au client à la fin de la période de location (Ijara Mountahia Bittamlik). Le transfert effectif de la propriété du bien intervient, après l'acceptation du client et la levée d'option, à la fin de la période de location par un acte juridique séparé.
F.N.H. : Quelle est la différence entre ce produit et la «Mourabaha» ? A. E. M. : Dans le contrat «Mourabaha avec ordre d'achat», la banque acquiert, chez un tiers, la propriété d'un actif désigné par le client, et le revend ensuite au client à un prix ferme avec une marge irrévocable et connue d'avance. Dans le contrat «Ijara», la banque acquiert, chez un tiers, la propriété d'un actif désigné par le client, et le lui donne en location pour une période déterminée, en contrepartie du versement de loyers périodiques fixes ou variables.
A lire sur le même sujet : Les contrats Ijara dans les starting-blocks
F.N.H. : Le législateur vient d'élargir le champ d'exonération de la TVA sur le logement social aux banques participatives dans le cadre du contrat «Ijara Mountahia Bittamlik». Quel est le mécanisme de fonctionnement de cette exonération ? A. E. M. : Les pouvoirs publics attachent une importance primordiale à l'alignement fiscal entre les produits bancaires conventionnels et participatifs. Ce principe de neutralité fiscale est ainsi le fil conducteur de la réglementation fiscale déjà existante au niveau des deux produits Mourabaha et Ijara. En matière de TVA sur les logements sociaux, la Loi de Finances 2016 avait accordé aux banques participatives, l'exonération de la TVA pour les achats de logements sociaux dans le cadre des contrats Mourabaha. Cette mesure avait fait l'objet d'une note de service spéciale de l'administration fiscale, datée du 19 mars 2018, détaillant les modalités techniques de cette exonération. La Loi de Finances 2019 est venue étendre, avec des conditions très strictes, l'éligibilité de l'exonération de la TVA sur le logement social au produit «Ijara Mountahia Bittamlik» (IMB) qui sera distribué par les banques participatives. Les conditions de fond et de forme visent à sécuriser cette opération pour les différents intervenants : Etat, banques, promoteurs, notaires, et clients. Le déroulé de l'opération sur le plan fiscal est récapitulé ci-dessous : • L'établissement par un notaire de tous les contrats juridiques: compromis de vente, promesse unilatérale de location, contrat de vente, et contrat «Ijara Mountahia Bitamlik». • La mention dans le contrat de vente du prix de vente, du montant de la TVA, et de l'engagement de la banque de consentir au profit de l'Etat une hypothèque de premier rang. • La mention dans le contrat «IMB» de l'engagement de l'acquéreur à affecter le logement social à son habitation principale pendant une durée de quatre (4) années. • Le dépôt par le notaire aux impôts d'une demande de bénéfice de la TVA au profit de l'acquéreur. • L'envoi par l'administration d'un ordre de paiement au nom du notaire du montant de la TVA. • L'établissement par le notaire du contrat «IMB» dans un délai maximum de 30 jours.
F.N.H. : Que se passe-t-il dans le cas où le contrat est résilié ? A. E. M. : Sur le plan fiscal, l'administration s'est entourée des précautions nécessaires pour s'assurer que les conditions initiales d'octroi de l'exonération de la TVA vont être respectées par la banque et par son client. Ainsi, dans le cas de résiliation du contrat de location «Ijara» pendant les 4 premières années, la banque participative a la possibilité de conclure dans un délai de 2 mois, un autre contrat IMB avec un autre client éligible à l'exonération de la TVA. Ce faisant, l'exonération initiale de la TVA n'est pas remise en cause. Dans un autre cas, en cas de résiliation du contrat de location «Ijara» ou de non établissement du contrat de transfert définitif de propriété, la banque est invitée par les impôts à justifier le respect des conditions dans un délai de 30 jours. Faute de quoi, la remise en cause de l'exonération de la TVA est prononcée, avec le recouvrement par les impôts du montant de la TVA et des pénalités fiscales y afférentes. ◆