C'est évident : l'élaboration du Budget 2013 aura nécessité beaucoup d'acrobaties. Et c'est apparemment le cas depuis la survenance de la crise internationale en 2008. Les calculettes sont sorties des tiroirs et l'arithmétique a repris ses droits pour privilégier des calculs d'épicier aux résultats parfois très controversés. Car, par tous les moyens, il faut que le gouvernement arrive à «respecter» ses prévisions : ramener le déficit budgétaire à 4,8% du produit intérieur brut (PIB), avec comme hypothèses un taux de croissance du PIB de 4,5% en 2013, un taux de change moyen de 8,5 DH/dollar et un cours moyen de pétrole de 105 dollars le baril. Réussir ce tour de force suppose un seul impératif :maîtriser la dépense publique et consolider la croissance économique. Cela ne vous dit-il rien ? C'est, en fait, l'éternelle rhétorique servie à l'opinion publique depuis 5 ans et à laquelle ne souscrivent guère les intelligences rebelles. Déjà, la «résistance» s'organise au niveau des centrales syndicales, mais également au sein de l'opposition. D'ailleurs, au moment où nous mettions sous presse, le projet de Loi de Finances était présenté devant les deux chambres du Parlement. Des remparts au sein desquels il se heurtera inévitablement aux opposants braillards qui usent outrageusement de l'arithmétique politicienne pour dire non à tout et où il bénéficiera tout autant de la bénédiction des béni oui-oui. Mais ce sera forcément une étape difficile à franchir pour la majorité. Car il faudra convaincre. Convaincre de la viabilité des arbitrages budgétaires effectués. Convaincre, surtout, que les objectifs assignés à ce projet sont réalistes et réalisables. L'enjeu sera, à juste titre, à ce niveau. Surtout qu'il s'agira d'apprécier à leur juste mesure les facteurs endogènes et exogènes dont l'impact sur l'économie nationale peut mettre en cause toutes les prévisions établies. En cela, il y a un paramètre pour le moins très déterminant : la pluviométrie. Car même si le PIB hors agriculture tend de plus en plus à se développer, la croissance économique reste largement tributaire d'une bonne campagne agricole. L'autre paramètre non moins important est le contexte économique international défavorable. Outre la flambée des cours du baril de pétrole qui a un impact direct sur la facture énergétique, la crise qui sévit dans la zone euro, principal partenaire économique du Royaume, a une incidence directe sur le tourisme, les transferts des MRE, les investissements étrangers et la demande extérieure adressée à la production nationale. Au nom de la cohésion sociale Quand bien même ils sont intervenus dans des contextes foncièrement différents, les projets de Loi de Finances qu'on a eus ces dernières années ont ceci de commun qu'ils ont été articulés autour de la même colonne vertébrale: la préservation des équilibres macroéconomiques. Fathallah Oualalou, Salaheddine Mezouar ou encore l'argentier actuel du Royaume, Nizar Baraka, aujourd'hui ont composé avec cette donne. Pour autant, le projet de Budget 2013 a ceci de particulier qu'il revêt une couleur sociale très prononcée, dont le symbole fort est le Fonds national de solidarité sociale. Un Fonds mis en place de manière ponctuelle et qui, au nom de la cohésion sociale, a déjà permis au Fisc de ponctionner, à fin septembre 2012, 2 Mds de DH au niveau des grosses entreprises. Mais le provisoire risque de bien durer. Car, ces ponctions qui devaient permettre de faire face à l'urgence du moment, c'est-à-dire des indicateurs macro-économiques en déliquescence, vont non seulement continuer pour trois ans encore, mais également la base des assujettis a été davantage élargie. Sont concernées encore plus d'entreprises, tout comme une certaine catégorie de salariés (www.financenews.press.ma), notamment ceux ayant des revenus nets de 300.000 DH et plus dans l'année. Avec le recul nécessaire, l'on se rend compte que le gouvernement actuel est allé bien au-delà de ce qui, l'année dernière, avait suscité un débat passionné : la taxation des signes extérieurs de richesse. Expression qu'il avait sciemment bannie de son langage, lui préférant un langage plus subtile et plus audible construit autour de la solidarité. Mais, aujourd'hui, l'évidence est là : le parti de la lampe «fusille» les «riches» et les hauts cadres. Un premier jalon a été posé dans ce sens, avec notamment la hausse spectaculaire (particulièrement pour les grosses cylindrées) des taxes liées à l'automobile (première immatriculation et vignettes). Le raisonnement est bien ficelé : «si les riches continuent de consommer de tels produits qui sont souvent importés, on augmente les recettes, et s'ils s'abstiennent, cet argent alimentera l'épargne nationale». C'est ce que nous avait confié Lahcen Daoudi, à la veille des législatives. Le moins que l'on puisse dire est que, sur ce point, le PJD a tenu ses engagements (sic !). Par ce biais, le gouvernement veut procéder à une répartition plus équitable des fruits de la croissance. Par ce biais, Benkirane et son équipe reprennent surtout de force ce qu'avait généreusement donné le précédent gouvernement à travers, entre autres, la baisse de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés. C'est dire qu'on voit clair dans le jeu du parti de la lampe. Mais bon, même avec une mémoire qui s'use avec le temps, on ne peut oublier que les différentes mesures initiées dans le domaine social ces dernières, malgré leurs coûts importants, n'ont jusqu'à présent pas permis de juguler de façon structurelle les problèmes que rencontre l'économie nationale. Néanmoins, les politiques pourront toujours s'enorgueillir d'avoir essayé !