La compétitivité du tissu économique national se trouve altérée par l'absence d'un marché intérieur important et d'une classe moyenne forte. La crise qui sévit actuellement remet en question l'ensemble des systèmes, y compris celui fiscal. Le taux d'imposition au Maroc est élevé, ce qui freine la croissance et la création de richesses et de valeur. Tour d'horizon avec Tawfiq Benzakour Directeur général d'Euler Hermes ACMAR. - Finances News Hebdo : À l'instar de ce qui s'opère dans les économies modernes à travers le monde, le Maroc s'est engagé dans plusieurs réformes en vue d'alléger sa fiscalité. Aujourd'hui, quelle est votre perception du système fiscal marocain ? - Tawfiq Benzakour : Aujourd'hui, avec la mondialisation, les pays émergents s'acharnent dans les investissements directs étrangers (IDE) et pour une attractivité meilleure, un système fiscal efficace et compétitif serait un atout incontournable pour attirer les entreprises étrangères. Durant la dernière décennie, le Maroc était considéré comme un pays peu attractif, vu sa lourde charge de formalité fiscale et ses taux d'imposition. Aujourd'hui, avec les nouvelles réformes fiscales engagées par l'Etat, le Maroc est devenu assez attractif ; preuve en est qu'il reçoit une part beaucoup plus importante qu'auparavant d'investissements directs étrangers (IDE). Il faut noter aussi que le montant de ces flux reste faible par rapport à notre ambition. Tous les efforts déployés par notre pays ont fortement contribué à l'enrichissement de notre économie, puisque la recette fiscale ne cesse d'augmenter malgré les baisses des taux d'imposition. Il faut donc continuer à réformer notre système fiscal autant que sa structure des impôts. - F. N. H. : Des réformes nouvelles sont encore à envisager si on veut préparer le Maroc pour une concurrence fiscale déjà à l'œuvre chez nos principaux partenaires et concurrents. A quels types de réformes faut-il penser pour rendre notre système fiscal favorable à la croissance ? Quid de l'attractivité du Maroc vis-à-vis du capital étranger au regard de l'ensemble des prélèvements obligatoires ? - T. B. : Au cours de ces 25 dernières années, l'économie marocaine s'est transformée pour devenir un partenaire économique privilégié de l'Europe ; aujourd'hui, la crise financière européenne est en train de tout remettre en cause avec des conséquences sur tous les plans : économique, social et culturel. L'économie marocaine est une économie de marché, mais qui a une compétitivité faible et donc fragile. Depuis quelques années, des changements positifs sont intervenus. Visiblement le taux de croissance s'est redressé, mais pas pour autant la fracture sociale qui reste un problème majeur à résoudre. Pour être plus compétitif et développer son marché intérieur, le Maroc doit avoir une classe moyenne forte, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Enfin, pour aider à réduire cette fracture sociale, le Maroc doit être en mesure de continuer à réformer le système fiscal pour mieux contribuer à la création d'entreprises et d'emplois et permettre l'émergence d'une classe moyenne. Le taux d'imposition au Maroc est élevé, ce qui freine la croissance et la création de richesse et de valeur. - F. N. H. : Effectivement, le Maroc se trouve aujourd'hui face à un dilemme : réduire les taux d'imposition sans pour autant détériorer davantage ses finances publiques. Comment pourrait-il résoudre une telle équation ? - T. B. : Une réduction du taux d'imposition seule ne résoudra pas le problème à long terme. La solution indispensable est de réduire la fracture sociale pour avoir une classe moyenne forte capable de contribuer à la croissance économique interne du pays ; il faut valoriser le capital humain pour créer de la valeur ajoutée et créer de la richesse pour le pays. - F. N. H. : Dans le contexte de vive concurrence, plus de 70% des opérateurs considèrent que la pression de la fiscalité pèse fortement sur leurs performances tant au niveau interne que sur les marchés extérieurs ; quel est votre point de vue ? - T. B. : Aujourd'hui, le Maroc a démontré sa détermination à faire face à cette crise malgré la complexité de son système fiscal et les différents obstacles : fracture sociale – seuil de pauvreté très élevé et pays fortement rural et dépendant de l'agriculture. Le Maroc s'est engagé dans un processus de réforme démocratique et a mis en place un certain nombre de mesures avantageuses et qui ont encouragé l'investissement étranger dans notre pays, notamment le code du travail, le droit des sociétés, le code de commerce, etc...... Le Maroc pour être plus compétitif, doit impérativement continuer à améliorer le système de gouvernance, réduire la pauvreté et la disparité entre les riches et les pauvres en créant une classe moyenne forte et participative à la croissance de l'économie du pays. Propos recueillis par Soubha Es-siari