Rareté des matières premières, risque social et risque financier, trois facteurs qui ont modifié la nature du risque pays. Pour une meilleure lecture, l'analyse du risque doit désormais inclure, dans l'approche structurelle classique, des indicateurs d'alerte à court terme : la vulnérabilité financière et la vulnérabilité cyclique. Au Maroc, les équilibres financiers sont progressivement restaurés et l'inflation maîtrisée. Pour Tawfik Benzakour, risk, information & claim Director au sein d'Euler Hermes Acma Services, le succès de l'analyse dépend, bien sûr, de la pertinence des paramètres d'appréciation. -Finances News Hebdo : Quelle définition peut-on désormais faire du risque pays à la lumière des récents évènements : la crise financière et économique et le Printemps arabe ? -Tawfik Benzakour : L'économie mondiale a subi trois changements majeurs qui modifient la nature des risques pays. D'une part, la rareté des ressources de base, en l'occurrence les matières premières et le pétrole, et la progression des échanges entre pays qui ont augmenté de manière très significative les interdépendances des pays. Cette montée des interdépendances entre pays génère un risque cyclique fort. Deuxième nouveauté du risque pays : le risque social généré principalement par la mondialisation. Comme le montrent les événements sociopolitiques actuels au Moyen-Orient, de nombreux pays sont exposés à des risques sociaux importants de frustration des populations. En effet, si la richesse per capita augmente partout dans le monde, le rattrapage n'est pas homogène, pays par pays, et une forte croissance n'est pas synonyme de fortes créations d'emplois. L'inégalité des revenus de la croissance mondiale, associée aux évolutions démographiques dans des pays tenus par des régimes politiques forts, augmente encore les risques de mouvements sociaux. Enfin, le risque financier est aussi un nouveau risque à prendre en compte dans l'analyse du risque pays. La persistance de l'instabilité financière du fait de l'ampleur de la variabilité des flux de capitaux et du poids des dettes souveraines, touche plus les pays avancés que les pays émergents. Ces trois changements majeurs ont modifié les composantes des risques pays et placent les entreprises nationales et multinationales des pays du monde face à de nouvelles problématiques et défis. -F.N.H : Justement, face à cette situation mondiale assez singulière, quels sont les changements qui ont été apportés à la Matrice Euler Hermes Acmar ? -T. B. : Depuis la crise financière, nous découvrons chaque jour un monde économique nouveau. Nous avions donc décidé d'améliorer l'approche classique du «risque pays», établie sur une mesure purement structurelle du risque économique et politique. Pour une meilleure lecture du risque pays, l'analyse du risque doit désormais inclure dans l'approche structurelle classique, des indicateurs d'alerte à court terme, le FFI et le CRI (vulnérabilité financière et vulnérabilité cyclique) qui mesurent la vulnérabilité à court terme d'un pays aux risques financiers, en l'occurrence la sensibilité des flux de capitaux et la dégradation de la qualité des paiements en liaison avec l'évolution macroéconomique du pays. Cette combinaison permet, au final, de définir quatre catégories de politique de risque pays (faible, moyen, significatif, élevé). -F.N.H : Quelle place est réservée aujourd'hui aux risques naturels et toutes les conséquences économiques et sociales qu'ils engendrent ? (Katrina aux Etats-Unis, Fukushima au Japon, l'éruption du volcan islandais Eyjafjöll…) -T. B. : Les risques naturels sont de fréquence relativement faible, et d'une période à l'autre, longue, ce qui engendre des répercussions importantes sur leur perception. On les oublie vite et leur prise en compte pose des problèmes de communication. Par contre, leur gravité est souvent forte et entraîne des coûts de plus en plus élevés. L'impact potentiel économique et social implique systématiquement leur prise en compte dans l'appréciation des indicateurs de vulnérabilité à court terme. -F.N.H : Dans la nouvelle carte des risques pays où situez-vous le Maroc ? Et quels sont les indicateurs ayant justifié ce classement ? -T. B. : L'économie du Maroc a évolué sur un rythme de croissance rapide durant les cinq dernières années, enregistrant un taux de croissance moyen de 6,5%. Les équilibres financiers sont progressivement restaurés et une inflation maîtrisée. La dette extérieure marocaine a enregistré une légère baisse avec un taux d'endettement extérieur en forte amélioration. Ainsi, l'économie marocaine dispose d'un cadre macroéconomique sain lui permettant de réaliser des objectifs de croissance durable, de réduction du taux de chômage et de la pauvreté. Aujourd'hui, le Maroc fait partie des pays émergents. Il se caractérise par une grande ouverture vers l'extérieur. A juste titre, différents accords de libre-échange ont été ratifiés avec des pays partenaires comme les Etats-Unis, l'Union européenne, la Turquie, la Jordanie… Dans ce contexte, le Maroc est regroupé dans la catégorie de niveau de risque faible. -F.N.H : À la lumière de la nouvelle matrice, peut-on dire que l'indicateur peut dresser un portrait fiable du climat des affaires par pays ? -T. B. : L'objectif en matière d'analyse du risque pays est de comparer tous les pays du monde, ou un sous-ensemble de pays, à une même grille de paramètres : la stabilité du système politique, la structure de l'économie et du cadre institutionnel. Seulement, l'approche traditionnelle du risque pays doit désormais intégrer la vulnérabilité du pays aux risques financiers mesurés par nos deux indicateurs d'alerte à court terme, le FFI et le CRI. De plus, le temps réel devient un élément clef de la prise en compte du risque pays. Le succès de l'analyse dépend, bien sûr, de la pertinence des paramètres d'appréciation et l'évaluation précise et fiable du risque pays est capitale pour permettre aux utilisateurs concernés de prendre les meilleures décisions. Dossier réalisé par S. E. & I. B.