Le classement basé sur l'attractivité fiscale publié en 2010 indique que le Maroc occupe la 126ème place sur 183 pays. En ce qui concerne le levier budgétaire, le patronat œuvre pour une réforme de la TVA afin d'éliminer les distorsions inhérentes au système actuel. Abdelkader Boukhriss, expert-comptable et président de la Commission fiscale au sein de la CGEM, nous renseigne sur les types de réformes à mener dans un contexte marqué par un déficit des finances publiques. - Finances News Hebdo : Au cours de la dernière décennie, le Maroc a entrepris de profondes transformations de son système fiscal. Le but étant de faire jouer à la fiscalité le rôle d'un véritable levier de politique économique et de compétitivité. Est-ce que le Royaume est compétitif aujourd'hui sur le plan fiscal ? - Abdelkader Boukhriss : En effet, la réglementation fiscale marocaine a fait l'objet de profondes réformes au cours de la dernière décennie. Et notre économie nationale a bien enregistré les effets positifs de ces réformes, notamment l'allègement de la charge fiscale, l'instauration d'une meilleure relation entre l'Administration fiscale et le contribuable... Cependant, ces réformes restent insuffisantes si l'on juge le classement basé sur l'attractivité fiscale publié en 2010 où notre pays se situait à la 126ème place sur 183 pays. Ce qui rassure c'est que l'effort de réforme continue, nos pouvoirs publics se sont engagés dans cette voie et que la CGEM se mobilise pour accompagner ces mutations. - F. N. H. : La crise actuelle induit des ajustements à opérer dans le système fiscal. En votre qualité de président de la Commission fiscale, quelles sont les réformes que vous jugez prioritaires dans le contexte actuel ? - A. B. : Avant de répondre à votre question, je souhaite rappeler le grand rendez-vous qui nous attend début 2013, à savoir les Assises fiscales, et qui sera une opportunité pour l'ensemble des acteurs économiques pour faire un état des lieux de notre système fiscal et engager les réformes qui s'imposent. Quant à l'urgence des réformes, à la CGEM, nous souhaitons agir sur les deux leviers fiscaux : budgétaire et non budgétaire. Il est certain que dans un contexte économique difficile, où beaucoup de pression est exercée sur les finances publiques, l'action sur les mesures budgétaires paraît difficile. C'est pour cela que nous privilégions les mesures non budgétaires, et notamment les efforts visant à clarifier les textes fiscaux, à simplifier les obligations déclaratives et à accélérer la mise en œuvre de l'administrationélectronique. Concernant le levier budgétaire, nous œuvrons pour une réforme de la TVA afin d'éliminer les distorsions inhérentes au système actuel. - F. N. H. : Quelles sont les principales requêtes du patronat pour le prochain projet de Loi de Finances 2013 ? - A. B. : Cette année, la CGEM a articulé ses propositions autour de trois volets : les mesures non budgétaires ; les mesures budgétaires transversales ; les mesures budgétaires à caractère sectoriel ou spécifique. Il est très difficile pour moi de résumer la teneur de nos propositions en quelques lignes, mais je vais tâcher de présenter les principales. Concernant les mesures non budgétaires, comme je l'ai déjà rappelé, nous souhaitons redonner confiance aux opérateurs, consolider et renforcer leur compétitivité, et ceci à travers les propositions suivantes : l'amélioration et la clarification des textes fiscaux pour un meilleur climat fiscal ; l'accélération du processus de la télédéclaration et du télé-paiement pour une meilleure productivité et un renforcement de la transparence ; la refonte du dispositif de sanctions souvent disproportionnées par rapport aux infractions commises ; l'amélioration du traitement des réclamations des contribuables ; la mise en place d'actions volontaristes pour lutter contre l'informel, et notamment la traque des opérateurs évoluant hors du cadre réglementaire. Quant aux mesures budgétaires transversales, nous avons fait un focus sur la réforme de la TVA, et notamment par sa généralisation à toutes les activités, ainsi que la généralisation du remboursement du crédit de TVA structurel. A la CGEM nous plaidons aussi pour une réforme de l'IS, notamment par la mise en place d'un IS progressif en changeant le référentiel et en prenant comme base de calcul non pas le chiffre d'affaires mais le bénéfice. Enfin, nous avons proposé un dispositif fiscal incitatif pour les entreprises familiales qui constituent un pan important de notre tissu économique. - F. N. H. : On constate cependant que notre fiscalité reste faiblement correlée à la croissance économique. Pourquoi, à votre avis ? - A. B. : Tant que la compétitivité fiscale reste à la traîne et que la croissance des recettes fiscales demeure faible, il est très difficile de corréler le système fiscal avec la croissance économique. Je rappelle que seulement 2% des entreprises assurent plus de 80% des recettes fiscales (IS). Je pense que l'élargissement de l'assiette fiscale permettrait une meilleure appréciation des indicateurs macroéconomiques. - F. N. H. : Le parti actuellement à la tête du Gouvernement, PJD, avait déjà donné quelques indications sur sa vision de la fiscalité. Il était plus favorable à une baisse de l'IR pour les catégories faible et moyenne et son augmentation pour les hauts revenus. Que pensez-vous de cette disposition ? - A. B. : De tout temps, il y a eu un décalage entre les programmes électoraux et le réalisme politique. Je ne dispose d'aucune légitimité pour juger le programme électoral du PJD, mais je pense qu'une fois arrivé au pouvoir, le PJD a touché du doigt la réalité économique et surtout les contraintes budgétaires. Et par conséquent, il lui appartenait de privilégier les mesures électorales. Ceci étant, la majorité actuelle au pouvoir dispose de 5 ans pour réaliser les réformes, donc donnons-lui la chance de le faire ! Dossier réalisé par Soubha Es-siari