- Le déploiement du paiement mobile confirme l'essor des fintechs au Maroc. - Youssef El Alaoui, cofondateur de Mobiblanc, qui a intégré le programme Elite de la Bourse de Casablanca, livre son analyse sur l'écosystème du digital
Finances News Hebdo : Mobiblanc vient d'intégrer la 5e cohorte du programme Elite Maroc. A quoi faut-il relier cette intégration ?
Youssef El Alaoui : Le programme Elite permet aux entreprises performantes de se préparer et de se structurer pour accélérer leur croissance. L'accompagnement se fait sur 2 ans pour nous permettre d'avoir un businessmodel solide, une stratégie de croissance claire et un besoin en financement bien défini. Mobiblanc a été sélectionnée pour rejoindre la 5e cohorte. C'est une belle consécration pour nous, puisque nous sommes reconnues comme PME à fort potentiel.
F.N.H. : Votre entreprise est un acteur de référence de la technologie mobile au Maroc. Que vous inspire le développement récent du paiement mobile à l'échelle nationale, notamment pour votre branche d'activité ?
Y. E. A. : Le lancement de la loi 103-12 ouvre la voie au déploiement des établissements de paiement. Ces derniers peuvent lancer des services de paiement et de transfert d'argent sur mobile. Le champ d'application ne se limite plus seulement aux banques, puisque d'autres acteurs comme les opérateurs télécoms, peuvent également jouer le rôle d'établissement de paiement, il suffit de demander l'autorisation à Bank Al-Maghrib. Certains pays de notre continent comme le Kenya, le Nigéria et l'Afrique du Sud, qui nous devancent de quelques années dans ce domaine, ont vu émerger des géants du mobile paiement. On espère que ce sera le cas pour le Maroc. Le taux de déploiement et d'utilisation du mobile dans notre pays permettra de vulgariser les services de paiement et les rendre plus accessibles. C'est une révolution des fintechs, puisqu'on recense pas moins de 32 services pouvant être utilisés sur le mobile paiement : de l'achat au petit commerce et paiement des factures, au transfert d'argent national et international, en passant par le paiement des prestations sociales et le ciblage des citoyens grâce à leur mobile. C'est un moyen très efficace pour l'inclusion financière, sachant que même les personnes non-bancarisées peuvent utiliser ces services. Le champ est donc ouvert à l'innovation et la création de valeur sur ce créneau. Pour que cela fonctionne à grande échelle, il faut régler rapidement le problème d'interopérabilité afin que les utilisateurs de ces services ne soient pas limités à un seul établissement de paiement. Il faut penser également à des businessmodels où tous les acteurs de l'écosystème soient gagnants, à savoir établissements de paiement, agents de paiement, utilisateurs et Etat.
F.N.H. : En tant que membre influent de l'Apebi (Fédération marocaine des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring), quel est votre avis sur la trajectoire empruntée par le pays en matière de développement digital, notamment avec la mise en place récente de l'Agence de développement digital (ADD) ?
Y. E. A. : La mise en place de l'ADD est une très bonne nouvelle tant attendue. Nous avons désormais un organisme qui va piloter la stratégie digital du gouvernement. L'Apebi siège dans le Conseil d'administration de l'ADD via la CGEM. Les premières actions dévoilées concernent la mise en place d'une plateforme d'échange de données entre les administrations et la création du portail unique citoyen. A cela s'ajoute la digitalisation des parcours investisseurs/exportateurs, en plus de la promotion de l'innovation et des start-up. D'autres actions sont également en cours d'élaboration.
F.N.H. : Enfin, quels sont les relais de croissance de votre secteur d'activité ainsi que les dysfonctionnements majeurs qui le pénalisent ?
Y. E. A. : Mobiblanc conseille et accompagne les acteurs du marché dans la transformation digitale métier, et l'intégration des nouvelles technologies et des nouveaux modes de consommation dans la relation avec les clients. Cela suppose une certaine maturité des organisations à accepter ce changement et aussi à vouloir investir dans ces chantiers. L'ouverture à l'international des grands acteurs locaux ainsi que la mise en concurrence favorisent ce genre de démarche. Nous sommes donc obligés de suivre la vitesse du marché, ce qui peut ralentir notre développement, et donc une expansion à l'international s'impose. Nous faisons également face à un problème de compétences, accentué par l'exode de nos ingénieurs vers des marchés plus matures, en l'occurrence français. Pour ces deux raisons, nous avons créé notre filiale en Tunisie, pour être proches de ce marché en croissance et également pour avoir un centre d'expertise et d'excellence comme celui de Casablanca. ■