Abdellatif Mounir, Directeur de la formation en cours d'emploi à l'OFPPT, présente la version de l'Office concernant le blocage du dossier des Contrats Spéciaux de Formation. - Finances News Hebdo : Après la réforme des Contrats Spéciaux de Formations de 2006, aucune avancée n'a été enregistrée dans ce sens. Comment expliquez-vous ce retard ? - Abdellatif Mounir : Il faut rappeler que le système des CSF a connu différentes réformes favorables aux PME–PMI et à l'amélioration de son rendement et de son efficacité. La version de 1996 avait permis l'implication des partenaires sociaux dans la gestion du système et la mutualisation de la TFP au profit de la PME ; mais cette réforme a montré ses limites, notamment son inaccessibilité à une grande partie des PME, la non-maîtrise budgétaire et les défaillances du système de contrôle. La réforme de 2002 avait pour objectif de pérenniser le système et d'assurer plus d'équité et de transparence dans les financements, à travers l'instauration d'un contrôle efficient et des plafonds de remboursement. La réforme opérée en 2006 avait pour principaux desseins la sécurisation du système et la clarification des attributions des intervenants, le renforcement de la transparence des financements par la mise en place de nomenclatures des domaines et des coûts de formation…, à travers un nouveau manuel de procédures. Depuis, et plus exactement dès janvier 2008, l'OFPPT a plaidé auprès du Conseil d'Administration pour externaliser les CSF afin de se concentrer sur sa mission de base d'opérateur de formation. Nous sommes revenus à la charge, début 2009, avec une proposition visant à confier les CSF aux GIAC (qui sont déjà chargés du financement des activités relatives aux études stratégiques et à l'ingénierie). Cette proposition a été bien accueillie par les instances de gestion et les partenaires sociaux et économiques qui l'ont complétée, enrichie et finalisée: une structure type GIAC devait ainsi hériter des attributions des unités de gestion des CSF et coordonner les travaux des GIAC sectoriels. Une commission tripartite a, à ce titre, été mise en place pour préparer l'opérationnalisation de cette réforme ; un projet de texte de loi pour la création d'une nouvelle entité est toujours en cours. Sachez également que notre proposition plaidant l'externalisation de la gestion des CSF comporte un projet qui vise à redynamiser la formation au profit des PME-PMI et des zones d'activités économiques; il s'agit de réserver annuellement une part de la TFP à la mise en place, par l'OFPPT, de formations groupées, sans participation financière des entreprises. Cette proposition s'inscrit dans la vocation de l'OFPPT en tant qu'opérateur principal de la formation professionnelle, et permettrait d'élargir et de faciliter l'accès des PME/PMI à la formation continue en leur épargnant les rouages procéduraux. D'aucuns conviendraient que cette démarche boostera le développement des compétences humaines des PME qui constituent plus de 95% de notre tissu économique. - F. N. H. : En chiffres, quel bilan faites-vous de cette réforme depuis 2006 ? - A. M. : Malheureusement, le taux de pénétration du système des CSF par ces entreprises demeure très faible en dépit de toutes les réformes engagées. Depuis des années, le recours aux CSF est limité à quelque 2% des entreprises inscrites à la CNSS pour 7% des salariés déclarés ! Concernant les remboursements, les entreprises trouvent en effet des difficultés à se conformer aux prescriptions du manuel des procédures de 2006, élaboré par le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, la CGEM et les représentants des salariés. - F. N. H. : Le patronat affirme que l'Office utilise le budget des CSF qui n'est pas engagé ou remboursé aux entreprises dans son budget pour le fonctionnement ou l'investissement de la formation initiale. Comment expliquez-vous que le budget de la formation continue soit utilisé pour financer la formation initiale ? - A. M. : Comme vous le savez certainement, le système des CSF est régi par des textes dont le décret du 4 avril 2002. Conformément à ce décret et depuis 2007, 30% de la TFP sont dédiés au CSF. Cette fraction, qui correspond actuellement à 350 MDH, est budgétisée au profit des CSF et individualisée dans le budget de l'OFPPT. Il se trouve que le reliquat non utilisé par les CSF est budgétisé dans le plan d'action de l'OFPPT de l'exercice suivant. Cette démarche a d'ailleurs été débattue et adoptée par le Conseil d'Administration de l'OFPPT depuis 2007. En outre, il convient de signaler deux éléments essentiels : d'abord il faut savoir que les engagements et les remboursements n'ont à aucun moment été restreints à défaut de disponibilité de crédits ; le ministère des Finances s'étant engagé à mobiliser tous les fonds nécessaires en cas de besoin. Par ailleurs, il est utile de noter que le plan d'action de l'OFPPT, à titre d'exemple pour l'exercice 2011, est financé à hauteur de 42% par la TFP, 35% par nos ressources propres (frais d'inscription, formation continue…) ; le reste étant supporté par l'Etat. - F. N. H. : Les entreprises se plaignent de la lenteur des procédures administratives ainsi que des retards enregistrés pour les remboursements. Qu'en dites-vous? - A. M. : Il serait utile d'abord de rappeler les principes et le fonctionnement du système CSF. Mis en place en 1996 par les pouvoirs publics, de concert avec les partenaires sociaux (les syndicats) et économiques (CGEM), il constitue un dispositif d'incitation financière pour encourager les entreprises à intégrer la formation en cours d'emploi dans leurs plans de développement. Il est placé sous l'autorité du Comité de gestion, et administré par un Comité central des CSF et des Comités régionaux tripartites dans leur composition (présidés par le ministère de l'Emploi et de la Formation professionnelle, ils incluent le ministère de l'Economie et des Finances, la CGEM et les syndicats). Ces comités sont chargés de définir les orientations globales, de proposer les modifications à introduire au manuel des procédures des CSF et d'examiner le bilan annuel physique et financier des CSF. Le contrôle demeure sous l'autorité du ministèresde l'Emploi et de la Formation professionnelle. Quant au rôle de l'OFPPT, il consiste en l'exécution des décisions du CCCSF et des Comités régionaux. Des unités de gestion sont mises en place à cette fin au niveau des Directions régionales de l'OFPPT. Ces unités traitent les dossiers CSF en application du manuel des procédures, élaboré et défini par une commission tripartie et visé par les ministères des Finances et de l'Emploi et de la Formation professionnelle. Ainsi le rôle de l'OFPPT se limite au front office, il est ainsi l'objet de critiques infondées pour les défauts d'un système dont il n'assure que le secrétariat. En effet, les unités de gestion, relevant de l'OFPPT, sont tenues à une stricte application des procédures qui ne laisse pas de marge de manœuvre lorsque les dossiers souffrent d'une quelconque anomalie, en termes de pièces constitutives, de respect des délais,… Aussi, les paiements sont retardés par les rejets de dossiers incomplets pour pièces manquantes ou non-conformes. Cette situation est aggravée par le peu de réactivité enregistrée dans certains cas de la part des entreprises pour les compléter ; ce qui se répercute sur le processus de traitement. Cependant et pour illustrer ces propos, prenons les grands établissements comme les entreprises qui ont une TFP supérieures à 3 MDH : leur remboursement qui suit une procédure simplifiée, ne connaît pas de retard ; ou encore le remboursement des GIAC par l'OFPPT, lequel est absolument fluidifié à l'entière satisfaction des GIAC. Il faut, par ailleurs, rappeler que l'OFPPT a initié plusieurs dispositions à même de fluidifier le système et d'en faciliter l'accès aux entreprises. Je citerais la mise en place du système d'information et d'un portail pour des services en ligne, la création d'une agence dédiée à la zone de Casablanca rattachée au siège, qui traite 70% des dossiers CSF, en plus de mesures de souplesse exceptionnelles autorisant les entreprises à compléter leurs dossiers en dérogation au manuel des procédures. L'OFPPT est également à l'origine de la mise en place du système de tiers payant appliqué actuellement pour les formations groupées. Enfin, en attendant la réforme proposée, et pour éviter au maximum les retards, les entreprises sont invitées à déposer les pièces justificatives au fur et à mesure des réalisations au lieu d'attendre les dates limites, ce qui crée des goulots d'étranglement très difficiles à gérer pour l'entreprise et pour les unités de gestion. Elles sont particulièrement invitées, également, à veiller au respect des dispositions du manuel des procédures, à formuler, le cas échéant, des réclamations par les moyens d'usage et à faire des recours auprès des comités régionaux. Je saisis l'occasion pour rappeler avec insistance que nos services sont à leur disposition pour leur apporter, au préalable, tout le conseil et l'assistance nécessaires.