Comme toute activité, la finance islamique comporte plusieurs risques qu'il faudrait pallier. La quasi-inexistence d'un marché monétaire permettant le refinancement bloque considérablement la gestion des risques des IFI. Al'instar des acteurs opérant dans la finance conventionnelle, les institutions financières islamiques (IFI) doivent également faire face, dans le cadre de leurs activités, à la gestion des risques. Néanmoins, les IFI font face à des risques qui leur sont propres. Anouar Hassoune, expert en la matière, a identifié, dans le cadre de l'une de ses présentations, deux risques caractéristiques des institutions financières conformes à la Chari'a : le risque commercial translaté, ainsi que l'enchevêtrement des risques. Le premier résulte de la concurrence entre banques islamiques et banques conventionnelles. Il intervient dans le cas où les banques islamiques n'enregistrent pas de rendements suffisants. De ce fait, les clients des IFI auront tendance à retirer leurs fonds au bénéfice des banques conventionnelles puisque le secteur bancaire marocain est très compétitif malgré la ressemblance des offres. Cette situation induit deux risques pour la banque : un risque de rentabilité, ainsi qu'un risque de crédit important. Selon Hassoune, afin de résoudre ce problème, les IFI seront contraintes d'ajuster leurs rendements aux taux appliqués et cela va leur permettre de proposer des rendements concurrentiels». Quant au risque d'enchevêtrement, il s'explique par le fait que de nombreuses transactions sont tripartites. Ces contrats lient le client, la banque et le fournisseur de biens. Chaque partie du contrat contient des risques différents, ce qui a pour effet d'alourdir la gestion des risques de la banque. Quel produit de couverture ? Une autre source de risques spécifiques aux IFI est le manque de produits de couverturs comme les produits dérivés. Bien que ces produits ne soient théoriquement pas en adéquation aux principes de la Chari'a vu leur caractère spéculatif et incertain, il existe pourtant en pratique quelques exceptions. En effet, d'après une étude menée par l'Islamic Financial Service Board auprès des IFI de tous ses pays membres, bon nombre d'IFI utilisent des produits dérivés. Cette étude cite par exemple les swaps de profit, les forex swap, les forwards de commodités utilisant les techniques du Salam (vente avec prépaiement et livraison différée). Ils utilisent aussi la technique du Wa'd (accord portant sur un contrat futur) pour les forwards sur forex, ainsi que l'Arboun (garantie sous forme liquide afin d'assurer la réalisation d'un contrat après son lancement) pour effectuer des transactions se rapprochant des options. Cette étude relate aussi les divergences d'interprétations concernant ces produits. Effectivement, aucun produit n'est unanimement accepté auprès des pays membres de l'IFSB. Le produit qui semble le plus en adéquation avec les principes de la Chari'a est le Salam. En quête d'un marché spécifique Par ailleurs, la quasi-inexistence d'un marché monétaire permettant le refinancement bloque considérablement la gestion des risques des IFI. Actuellement, les transactions interbancaires sont basées essentiellement sur le principe des 3P. Il existe aussi quelques exceptions d'accords entre les IFI et des banques conventionnelles portant sur des contrats Murabaha sur matières premières. Les quelques innovations apportées ces dernières années n'ont pas rendu le marché monétaire efficient. L'IFSB évoque deux causes à cet échec. Premièrement, les produits comme la Mudaraba et la Murabaha, qui sont les principaux instruments du marché monétaire et de la politique monétaire des banques centrales, ne sont pas très liquides et cela ne favorise donc pas l'émergence d'un marché secondaire. Deuxièmement, l'utilisation de Sukuk (obligation islamique) pour galvaniser le marché monétaire est entravée par une offre insatisfaisante, un marché secondaire absent et un risque élevé lié à l'utilisation d'instruments à long terme pour la gestion de la liquidité à court terme. Comme mentionné précédemment, le principe des 3P augmente l'incertitude et le risque des IFI et ceci pour de nombreuses raisons. En premier lieu, du fait que la rémunération n'est connue qu'ex-post, les prévisions des rendements sont difficilement estimables. Ces prévisions sont très importantes, car elles donnent une information sur le rendement espéré des dépositaires de compte (risque commercial translaté). En deuxième lieu, et bien que le partage des pertes et profits transfère les risques globaux de la banque vers les propriétaires d'un compte d'investissement, le 3P augmente les risques du côté de l'actif avec la détention de positions impliquant les 3P. En troisième lieu, le système des 3P permet à un entrepreneur, en échange de son travail et de son savoir-faire, de disposer d'un financement, soit sous forme d'argent, soit en matières premières ou encore en matériaux pour le fonctionnement de son entreprise. Le bailleur de fonds, la banque en l'occurrence, se rémunère à l'aide des profits réalisés par l'entrepreneur. Contrôle et diversification Or, la banque n'a que la possibilité de contrôler la bonne marche des affaires a posteriori. Ce système a l'avantage de permettre à l'entrepreneur d'avoir une marge de manœuvre certaine, mais cela peut parfois mener l'entrepreneur à des agissements frauduleux, inefficients ou exagérément risqués afin de maximiser son profit. Ce principe est appelé l'aléa moral. Pour finir, le manque de diversification quant à l'allocation d'actifs peut être un obstacle sérieux à l'analyse des risques et sa gestion. Effectivement, les restrictions d'ordre religieux, notamment l'investissement dans des activités illicites telles que l'alcool, le tabac, les jeux de hasard ou l'armement, restreignent le choix d'investissement à l'intérieur d'une zone géographique ou même d'une industrie et augmente le risque systémique. Afin de gérer au mieux ce risque, il est nécessaire d'évaluer les corrélations entre actifs et sélectionner des positions qui soient décorrélées entre elles. Dossier réalisé par W. Mellouk & S. Zeroual