Le risque de liquidité est un risque majeur. Il est plus prononcé pour les établissements islamiques, qui ne peuvent recourir à de l'endettement avec intérêt (marché interbancaire conventionnel). L'International Financial Services Board (IFSB), basé à Kuala Lumpur en Malaisie, a adopté les standards de Bâle II et a édicté des normes de bonnes pratiques dans le domaine. Les institutions financières islamiques adoptent certaines normes IFRS et IAS quand celles-ci ne sont pas en contradiction avec les principes de la Chariaa. Explications de Ali Alami Idrissi, associé fondateur d'Optima Finance Consulting. • Finances News Hebdo : La finance islamique connaît beaucoup de succès ces derniers temps ; quelles en sont les raisons à votre avis ? • Ali Alami Idrissi : Effectivement, depuis quelques mois, nous assistons à un intérêt particulier de la part des professionnels et du monde académique pour la thématique de la finance islamique. De nombreuses conférences ont été organisées autour de ce thème, et la plupart des établissements financiers se penchent actuellement sur des études de faisabilité et de rentabilité pour la mise en place de filiales spécialisées ou, du moins, d'«Islamic Windows» dans un premier temps. L'objectif étant de proposer aux clients, entreprises et particuliers, une panoplie de produits et services financiers conformes aux principes de la Chariaa. Ceci peut s'expliquer, d'une part, par une volonté marquée du gouvernement actuel de promouvoir l'industrie des produits et services financiers islamiques et, d'autre part, par l'intérêt des établissements financiers qui ont fini par comprendre l'importance de ce secteur et la nécessité de le développer pour répondre à une demande interne. La conjoncture économique internationale actuelle favorise également l'émergence de ce type d'industrie financière dans notre pays. • F. N. H : Comme tout secteur, la finance islamique comporte des risques. Comment cette dernière gère-t-elle les différents risques qui peuvent survenir comme le risque crédit, le risque marché ou encore le risque opérationnel ? • A.A.I : La gestion des risques est un point crucial dans la gestion saine et le développement de tout établissement financier, conventionnel ou islamique. En effet, et à l'instar de la finance conventionnelle, les métiers de l'industrie financière islamique comportent nombre de risques inhérents à leurs activités. Certains de ces risques sont identiques à ceux rencontrés en finance conventionnelle, alors que d'autres sont propres à la finance islamique. Ils dépendent de la nature des produits et services commercialisés, ainsi que de la structure bilantielle propre aux établissements financiers islamiques. Les méthodes quantitatives de gestion de ces risques peuvent être empruntées à la finance conventionnelle, du moins certaines d'entre elles. L'International Financial Services Board (IFSB), basé à Kuala Lumpur, en Malaisie, a adopté les standards de Bâle II et a édicté des normes de bonnes pratiques dans le domaine. Ces normes servent actuellement de base pour la mise en place du processus de gestion des risques au niveau des institutions financières islamiques. Cependant, le retour d'expérience est encore faible vu que l'industrie financière islamique est encore jeune, et on ne dispose pas de suffisamment de données historiques, ni de recul, pour pouvoir porter un jugement objectif. • F. N. H : Le risque de liquidité représente un facteur essentiel à prendre en considération lors de la mise en place d'une finance islamique ; comment à votre avis, faire face à ce risque ou du moins l'éviter ? • A.A.I : Le risque de liquidité est effectivement un risque majeur. Il découle de l'incapacité ou de la difficulté pour un établissement financier de mobiliser des ressources à un coût raisonnable, ou de la difficulté de vendre des actifs à des prix proches de ceux du marché. Ce risque, inhérent à l'activité de tout établissement financier, est plus prononcé pour les établissements islamiques, qui ne peuvent recourir à de l'endettement avec intérêt –marché interbancaire conventionnel-. La gestion de ce risque passe par la mise en place d'une politique globale saine de gestion des risques – intégrant une gestion ALM optimisée- au niveau de chaque établissement et par la constitution de réserves. Au niveau macroéconomique, par la création et la mise en place de mécanismes de fonctionnement d'un marché interbancaire islamique, à l'image des expériences du LMC (Liquidity Management Center) de Bahrein, et du marché de financement court terme de Malaisie • F. N. H : Existe t-il des normes comptables islamiques ? Si oui, quelle différence peut -on établir entre ces normes et les normes comptables dites classiques ? • A.A.I : Les institutions financières islamiques adoptent certaines normes IFRS et IAS quand celles-ci ne sont pas en contradiction avec les principes de la Chariaa, comme par exemple les IAS 10, 24 … Cependant, certaines opérations et produits financiers, propres à la finance islamique, nécessitent des normes de comptabilisation adaptées. C'est le cas par exemple pour les contrats Salam, Istisnaa, Hawala et Mourabaha; mais également pour le Waqf et la Zakat. L'AAOIFI (Accounting & Auditing Organization for Islamic Financial Institutions), qui est une association internationale à but non lucratif basée à Bahrein, a pour rôle de développer des normes comptables et d'audit pour les institutions financières islamiques, et ceci en conformité avec les principes de la Chariaa. On compte actuellement près de 25 normes comptables de l'AAOIFI. Celles-ci sont adoptées par bon nombre d'institutions financières islamiques dans le monde. Dossier réalisé par W. Mellouk & S. Zeroual