■ Le dysfonctionnement du système éducatif public a permis l'ascension du secteur privé. ■ En l'absence d'une vraie politique de contrôle, les dirigeants des établissements privés imposent leur loi. La question qui s'impose chaque fois, en cette période de l'année, est : ou vais-je inscrire mon enfant l'année prochaine ? En effet, les dysfonctionnements structurels du système éducatif public poussent de plus en plus les parents à chercher des solutions alternatives pour assurer à leurs enfants une scolarité à la hauteur de leurs ambitions. Un sacrifice qui coûte très cher et profite aux établissements d'enseignement privé qui ont trouvé là une niche pour s'enrichir. Et pour cause, la dégradation du niveau scolaire, de la pédagogie ainsi que des infrastructures des établissements publics a favorisé la prolifération des écoles privées. Au fil des années, ces dernières ont compris l'enjeu que représente l'enseignement privé au Maroc et en l'absence d'un cadre réglementaire et d'une vraie politique de contrôle, les dirigeants de ces établissements en ont profité pour imposer leur loi. Il est vrai que le secteur soulage les finances publiques d'environ 3 Mds de DH et emploie quelque 51.000 salariés, toutefois il est temps de tirer la sonnette d'alarme devant les abus et les pratiques enregistrés dans ce secteur. Absence d'informations pour le consommateur, augmentation des tarifs, frais d'inscription exorbitants, transport scolaire hors normes… Outré, Ouadi Madih, président de l'Association de protection du consommateur (Uniconso), déplore ces pratiques et précise que «devant les abus des dirigeants de ces écoles privées pour qui tous les moyens sont bons, même les plus avilissants, pour s'enrichir sur le dos des parents soucieux de la scolarité de leurs enfants, il semble que le département de l'Education nationale est incapable de mettre fin à ces pratiques abusives et répétées». Assurer l'année coûte que coûte Avant même la fin de l'année, et pour assurer leurs arrières, les écoles privées ouvrent les campagnes d'inscription pour l'année suivante. Pour ne pas être pris au dépourvu, tous les établissements privés lancent les examens d'admission. La guerre est déclarée entre ces établissements pour attirer le maximum d'élèves et assurer ainsi l'année. Les résultats des tests sont révélés avant ceux des écoles de la mission française au Maroc. Et pour cause, un timing bien étudié pour mettre les parents sous pression et les obliger à payer les frais d'inscription ainsi que les frais de scolarités du premier trimestre, parfois du semestre suivant. Hors-la-loi Une fois l'argent encaissé, la plupart des écoles privées refusent catégoriquement la restitution des frais de scolarité et d'inscription, sous prétexte que les parents sont informés avant le règlement par une clause figurant dans la demande d'inscription. Les parents des enfants ayant réussi le test d'admission de la mission française se trouvent dans une situation délicate. Face au refus de remboursement de la part des établissements privés marocains, ils se retrouvent pieds et poings liés. La grande majorité préfère abandonner et ne pas poursuivre ces écoles. Mais qu'en est-il du droit du consommateur ? Que stipule la loi 31-08 dans ce cas ? D'après Ouadie Madih, «si nous faisons référence à la loi, nous constatons que ces établissements travaillent généralement en dehors du droit à l'information, imposent des clauses abusives dictées par les chefs des établissements, et usent de pratiques commerciales illégales». Les clauses de non-remboursement des frais d'inscription et de scolarité sont considérées comme clauses abusives en référence au chapitre 15 de la loi 31-08 qui stipule que «dans les contrats conclus entre fournisseurs et consommateurs, est considérée comme abusive toute clause qui a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat». D'après maître Fatima Ait Oumghar, le fournisseur est dans l'obligation de restituer la somme versée puisque la loi édictant les mesures de protection des consommateurs précise que le consommateur ne doit pas payer pour un produit ou un service dont il n'a pas bénéficié. Malgré la promulgation de cette loi en avril 2011, elle reste peu appliquée. Voire pas du tout. ■ Lamiae Boumahrou Parents dans l'impasse Le cas de Idboufouss Mohamed est celui de bon nombre de parents. Sauf qu'au lieu d'abandonner, ce père a préféré faire face à l'un des plus grands groupes scolaires de l'enseignement privé à Casablanca. Et pour cause, Idboufouss Mohamed a versé au Groupe scolaire Elbilia au mois de juin 20.600 DH, dont 15.600 DH de frais de scolarité pour 4 mois et 5.000 DH comme frais d'inscription. Entre temps, l'annonce des résultats des tests de l'école française a révélé que son enfant l'avait réussi. Automatiquement, soit au mois de juillet avant l'ouverture de l'année scolaire 2011/2012, ce dernier a informé l'établissement et a souhaité récupérer la somme versée et non consommée, mais en vain. Dans le but de connaître la version de l'établissement, nous avons contacté Mustapha Andaloussi, président du Groupe Elbilia, qui nous a déclaré que les établissements privés ne sont pas des arrangeurs comme peuvent le croire certaines personnes. «Nous sommes tenus par des engagements que nous devons honorer chaque année auprès des banques et de nos personnels. Les parents sont informés avant le règlement qu'aucune somme versée ne sera remboursée comme cela est indiqué dans une clause dans le dossier d'inscription», a-t-il conclu. Si les établissements craignent de se retrouver avec des classes à moitié vides, les parents, en revanche, se perdent dans cette spirale infernale qui profite aux établissements en question. L'Uniconso dénonce ces actes de violations des droits économiques du consommateur. Cette affaire est actuellement devant les tribunaux et c'est la Justice qui devra trancher.