■ Quelque 650 résidents ont décidé de défendre leur droit à garder leur cabanon malgré le projet de décret déclarant public l'aménagement urbain de la zone de Zenata et l'expropriation des cabanons de Zenata, Paloma et Ouled Hmimoun. ■ Ils comptent user de toutes les voies de recours. Ils se savaient menacés mais ont attendu que les choses s'officialisent avant de réagir. Depuis l'annonce de dépôt et de publication par voie de presse du projet de décret déclarant public l'Aménagement Urbain de la Zone de Zenâta et de l'expropriation des cabanons de Zenata, Paloma et Ouled Hmimoun, 650 résidents se sont mobilisés pour défendre leur zone d'habitation. Normal, beaucoup d'entre eux résident de manière permanente sur place, et ce depuis plusieurs décennies. Un comité de défense de la plage Ouled Hmimoun s'est en effet immédiatement formé sous la tutelle de l'Association des cabanoniers de la plage Ouled Hmimoun. Telle une épée de Damoclès ce projet d'aménagement est suspendu sur la tête des habitants depuis 1989. En effet, c'est à cette date que le «Plan d'aménagement de la ville de Casablanca» avait été validé, déclarant Aïn Harrouda comme «zone d'extension de l'avenir de l'agglomération». De ce fait, il était interdit d'y construire des habitations sauf permis extraodinaire délivré par le Pacha. Les choses se corsent en février 2006 avec la signature de la convention de l'aménagement de la nouvelle ville Zenata qui abritera à terme quelque 500.000 habitants. Le projet est prévu sur une superficie totale de 2.200 ha dont 184 ha appartenant au domaine privé de l'Etat, 30 ha en tant que propriété de l'Agence urbaine de Casablanca, 130 ha environ relevant du domaine forestier et le reste étant constitué de propriétés privées. Cela représente tout de même 1.856 ha à exproprier entre bidonvilles et zribas, constructions et chalets en bord de mer, groupes d'habitations rurales, unités industrielles, aires de stockage de containers, fermes, etc. S'agissant des bidonvilles implantés sur les terrains destinés à l'aménagement de la ville nouvelle, le projet inscrit également parmi ses objectifs de les résorber dans le cadre de l'action menée par l'Etat pour la lutte contre l'habitat insalubre. Et c'est ainsi qu'en avril 2010 la première tranche du projet est lancée portant sur 2.500 logements sociaux, 1.500 logements économiques, 130 unités commerciales … le tout sur une superficie de 32 ha. Puis, coup de massue, le 28 décembre dernier où l'Annonce de dépôt et de publication du projet de décret déclarant publique l'aménagement urbain de la zone de Zénata, est publiée dans la presse ! La réaction des 650 cabanoniers ne se fait pas attendre puisque le 14 janvier courant s'est tenue une réunion d'information sur la plage et à laquelle ont été conviés tous les cabanoniers de la plage Ouled Hmimoun. Le comité de défense de la plage a mis en place des groupes de travail dont le comité juridique en charge de l'aspect juridique et administratif du projet avec l'appui de conseillers expérimentés dans ce domaine. Différents contacts ont été pris avec un cabinet d'avocats et un conseiller juridique pour étudier en premier la légalité de cette annonce par voie de presse, les droits des cabanoniers quant à l'occupation temporaire bien qu'ils soient propriétaires des murs et qu'ils payent des taxes communales et urbaines. Les communes d'Ain Harrouda et de Mohammedia ont jusqu'à fin février pour mettre à la disposition des résidents un registre de doléances. Pour le moment ce n'est pas encore fait. «Le moment venu, nous devrons nous y rendre individuellement et émettre nos doléances. Une réunion d'information se tiendra très prochainement pour la démarche à suivre», apprend-t-on du comité. Une commission communication est chargée de relayer l'information auprès des membres de l'Association de la plage Ouled Hmimoun, des associations des plages voisines et des relations avec les médias. La commission préparera d'autres actions en fonction de l'évolution de la situation. L'utilité publique peut être attaquée «Les indemnités d'expropriation sont fixées, à défaut d'accord amiable, par un juge de l'expropriation au tribunal administratif compétent. Il peut statuer, directement et lui-même, sur les indemnités s'il est bien informé de l'état du marché immobilier et qu'il en ait une connaissance concrète. Faute de quoi il peut, par un jugement avant dire droit (ADD), désigner un expert en matière immobilière pour fixer la valeur réelle de la propriété expropriée. Les indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation. Un appel peut être interjeté devant la Cour d'appel administrative qui doit statuer sur l'appel et rendre sa décision par un arrêt motivé. Cet arrêt pourra être déféré à la Cour de cassation», explique Maître Saïd Naoui, avocat au Barreau de Casablanca, doctorant en droit et agréé près la Cour de cassation. Cependant, les propriétaires remettent en cause systématiquement le montant des indemnités proposées. Le législateur marocain, pour éviter ces recours, envisage de créer des normes précises pour déroger au pouvoir d'appréciation du juge d'expropriation, poursuit-il. Pour l'homme de droit, la nouvelle Constitution marocaine prévoit dans son article 35 que «le droit de propriété est garanti. La loi peut en limiter l'étendue et l'exercice si les exigences du développement économique et social du pays le nécessitent. Il ne peut être procédé à l'expropriation que dans les cas et les formes prévus par la loi». «Donc, nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et conformément aux lois en vigueur sur les expropriations», précise Me Naoui. Donc, en principe, le droit de propriété est constitutionnellement garanti et il ne peut être procédé à l'expropriation que pour cause d'utilité publique. «Toutefois, ce droit de propriété continuera donc fatalement d'être menacé par l'expropriation qui profite, de nos jours, aux grands promoteurs immobiliers liés à l'administration, ou à une collectivité locale par une convention administrative de partenariat», explique-t-il. Toujours est-il que le propriétaire a des voies de recours. En effet, selon Me Naoui, en cas de litige, il peut formuler un recours par le biais d'une requête signée par un avocat devant le juge d'expropriation au tribunal administratif pour demander l'annulation d'une décision administrative pour un abus de pouvoir. Ainsi, il est possible de contester la réalité de l'utilité publique ! ■